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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
11 janvier 2008

La Dérive des continents

yasamasa_Morimura

POUR CELUI QUI CROIT QUE SON COEUR EST EN CHARPIE ALORS QU'IL DEBORDE D'AMOUR.

Peut-être ne devrait-il pas sous-estimer ce fait intéressant.

La seule vérité dont tu dois te souvenir, c'est que nous dérivons, ni plus rapidement, ni moins lentement que les continents. Et lorsque nous dérivons, nous nous accrochons à des planches pourries, la plupart du temps. Les chanceux s'accrochent à un cou, qui passait par là, un cou qui avait besoin de bras, de mains, pour tenir. Pour survivre. La seule vérité qui importe ne provient pas de ceux qui enseignent, je ne sais pas enseigner, peut-être que je ne sais pas faire non plus. Peut-être que je sais juste me convaincre de la dérive des continents, pour expliquer la mienne, propre, anecdotique, qui ne fait pas frémir l'univers et qui ne fera pas frémir l'univers d'un poil lorsque je partirai. Quant à ta propre dérive (car ne t'imagine pas que tu ne dérives pas, TOUT dérive, absolument tout ce qui existe et qui est en vie), elle ne fera pas plus de bruit dans son oubli que la mienne dans le sien. Le temps de Moïse est terminé, et le temps de ses fils déjà moins populaires également. Etre seule sur Terre est plus appréciable avec un cou à portée de mains, je ne vais pas dire le contraire. Voir des tourbillons de lumières magnifiques, splendides, merveilleuses et étourdissantes n'empêche aucunement de dériver, avec le reste des poissons morts le ventre à l'air. Je vais téléphoner à cet homme, avec sa barbe, pour lui dire que je ne viens pas aujourd'hui, je n'ai pas envie. J'ai envie de calme et de paix. Je n'ai pas envie de réponses fiables aujourd'hui mais qui seront inertes et mortes dans trente ans. J'ai peut-être encore envie de faire l'amour, cela libère des tas de substances fortement appréciées et plaisantes dans le sang. Peut-être que nous devrions arrêter, ça n'est pas le monde, de faire l'amour. Ou peut-être que je voulais dire : ça n'aide pas le monde. Et puis avec lui je n'ai plus à penser au préservatif. En l'embrassant tendrement, j'oublie que je dérive et en même temps, je me rends compte à quel point je suis en pleine perdition. En totale hallucination. C'est lui mon hallucination maintenant, plus les lumières, plus les tourbillons. Je fais l'effort de lui appartenir, les hommes ont besoin de ça, sinon ils pètent une durite et se sentent visés personnellement, dans leur corps, dans leur sexe, dans leur être. Tout ceci est promis à la sépulture moi je vous le dis. Je ne plaisante pas. C'est fou comme on est proche de la tombe lorsqu'on fait l'amour. Heureusement il ne reprend le travail que dans une semaine, du coup on va pouvoir s'enfermer encore et faire l'amour encore pour voir jusqu'à quelle rive on va pouvoir dériver. Les planches pourries sont-elles parties ? Ont-elles coulé au fond de l'océan ? Peu importe j'ai envie d'écrire. Peu m'importe. Pas : peu m'importe si tu m'aimes. Mais peu m'importe que les océans existent, la beauté peu m'importe. La pureté de cette vision paradisiaque, qu'aurait été la Terre sans les Hommes, peu m'importe aussi, peu m'importe son regard perdu, encore vibrant "d'émotions fortes" comme dit Morgan Freeman dans un film, j'ai oublié lequel (mais la ligne de son dialogue m'est revenue comme ça, tout de suite). Peu importe, et peu nous importe si je rêve, après l'amour, de batailles gigantesques, de guerres apocalyptiques. Ce sont peut-être les derniers effets des drogues. Son corps est là pour me dire que c'est réel, que je suis réelle, que c'est vrai, que la vie, dans son pragmatisme, est digne en même temps, de ce dernier, et bien au-delà encore plus digne. Je fais l'effort de lui appartenir. Voilà la vérité, la vraie vérité. Pas la fausse. Il existe énormément de vérités qui sont fausses. Toutes par nature, sont néées dans le corps d'hommes faux. Parfois accidentellement, souvent non. Je n'ai pas fait exprès de me réveiller sur cette plage avec lui. Il y avait des corps partout, partout, des corps de touristes, pas morts de tourista, partout, gonflés, et puants l'eau salée, les crabes fonçaient sur eux, les chairs décomposées les attiraient par leurs odeurs. Non, ce n'est pas un autre tsunami, non, pas du tout, mais je n'ai pas voulu tomber sur cette plage, ce n'était pas volontaire. Ce n'est pas du tout voulu. Les caresses même accidentelles, elles, sont voulues. Sont guidées je dirais. C'est le sentiment que j'ai, à chaud, des dernières caresses. Je redécouvre. Deux mois d'écran blanc derrière moi, dans un an j'aurai oublié tout ça. Et autre chose arrivera, et autre chose s'écrira, et autre chose s'écrira sans qu'autre chose ne m'arrive, ce n'est pas lié directement. Ce n'est pas lié de la façon dont je le dis, dont vous l'imaginez. Pensez-y quand vous lisez quelque chose : vous êtes l'endroit où l'information peut être changée. Comme les générateurs de mots de passe dans les endroits où le fric est à protéger. Tout ça changera forcément en passant à travers vos fluides (organiques, pas une connerie de mouvement New Age, merci). Nous sommes là, enfermés, l'un avec l'autre, et dans le noir, même dans le noir, même lorsque ça venait de se finir, même lorsque la force n'était plus là, même fatigués de ce sport qu'on appelle "faire l'amour", on recommençait, les planches pourries ne provenaient pas des vaisseaux de Colomb. Je tiens à le préciser. J'ai marché sur son sable parce que... Parce que ses mains prenaient mon visage. Et que la sensation à nouveau était la découverte d'une chose brillante enfouie dans le sable. Elle aveuglait, ça faisait des reflets intenses, et aveuglants, oui. Cette chose n'était pas un bijou, ni de l'or, c'était autre chose, que je n'avais jamais vu autrement. On redécouvre, pour être honnête. Soyons honnêtes deux minutes, oublions l'écriture si vous le voulez bien (bien sûr que vous le voulez, vous oubliez même d'être en vie souvent, remarquez je suis incluse dans ce que je dis, vous n'êtes pas obligé de vous sentir visé, bref). Oui, je redécouvre, je pensais le savoir, c'était acquis, dans la ligne droite supposée des existences, derrière moi j'avais déjà remarqué avoir fait ça, et l'avoir appréciée, cette chose faite. Les caresses. Le cou. Les planches, j'attrapais des planches. J'en attrape toujours je pense, mais j'ai un cou dans mon sac, et c'était un cou particulièrement beau, vous seriez tombé amoureux du même cou si vous aviez été moi. Peut-être que le destin existe, la destinée. Peut-être que certains sont faits pour découvrir du pétrole, faire la guerre, s'enrichir et racheter tous les médias, peut-être que d'autres sont faits pour baiser et que d'autres pour prier ou tapiner. Peut-être que le choix est une arrogance de plus, à rajouter avec nos perceptions bien limitées, elles-mêmes déjà sous-exploitées. J'avais le choix de ne pas aller à l'aéroport, mais j'ai choisi d'y aller. J'ai attendu, avec l'ancien moi, toujours l'ancien soi, qui pensait à des anciennes choses, qui faisaient souffrir comme presque à l'ancienne. Comprendre que l'on rejoue sans cesse un schéma-type de notre histoire ne nous empêche pas pour autant de retomber dans les mêmes schémas, toujours, toujours, sans cesse, certains ne font que ça jusqu'à leur mort. Au moins j'aurai écrit deux trucs et j'aurai souvent fait l'amour. Son cou n'est pas à pendre. Sauf par le mariage selon lui. Il y a des hommes comme ça. Qui font des contrats de ce type. Ces hommes sont souvent homosexuels ce qui fait pleurer les femmes : si seulement ils ne l'étaient pas. Après deux orages, la dérive des continents ne s'arrête pas, mais ce n'est qu'une théorie : elle pourrait s'arrêter. Elle pourrait s'arrêter et cela provoquerait (encore), des apocalypses (c'est-à-dire des révélations, et non pas des fins du monde. Le monde ne s'arrêtera jamais, à moins qu'un trou noir n'absorbe notre planète ou que l'homme que vous aimez ne vous envoie à l'hôpital dans le coma). Je le regarde, j'écoute son coeur, sur son torse, je colle mon oreille, je lui caresse les flancs avec le bout des ongles et ça le chatouille. Il rigole. Alors, je le fais du bout des doigts, il supporte mieux. Il est chatouilleux. Il n'a pas de plaques. On parlait tout à l'heure de trous noirs. Noirs comme les yeux de certains animaux, tu vois lesquels ? Ce sont les caresses de paix, entre la France et l'Amérique, j'ai fait l'amour à cet homme, ensuite j'ai rêvé de guerres, encore. Encore. En fait, ça faisait depuis un moment que je n'avais pas vu de guerres dans mes rêves. Je me souviens encore avec effroi de mes guerres (de mes rêves pardon) sur la deuxième guerre mondiale, je me souviens que dedans je n'étais pas moi mais une petite juive et que je me faisais courser dans un immeuble par un groupe d'allemands qui voulaient me tuer. Au final, ils ont dû me tuer parce que je devenais une autre personne, spectatrice, dans la cour, en face de l'immeuble, et je voyais un homme avec un visage sans chair, un squelette ricanant. J'ai fait ce rêve en janvier 1999, j'ai pris mes carnets de l'époque. Peut-être que je devrais jeter tous mes carnets dans lesquels j'ai noté scrupuleusement presque tous mes rêves, et comme je me souviens tous les jours ou presque de mes rêves, ce ne seront pas des putains de planches pourries que je ficherais à la poubelle si jamais je les jetais, ces carnets que je noircissais de mes aventures nocturnes. J'écoute son coeur épuisé d'avoir éjaculé, il accélère. Normal, c'est l'amour, Fred Chichin devait connaître ça juste avant son fulgurant cancer. Et à un moment il a dit, on parlait de je ne sais plus quoi, il a dit : en fait, la France est en train de s'américaniser plus vite qu'elle ne le pense, ça m'a frappé dans l'avion. Moi j'ai dit : ah oui, tu pensais à ça, pas à moi qui t'attendais avec les mains moites et le coeur fébrile à l'aéroport. Lui : j'aime tes mains moites, j'aime ton sourire amoureux. Moi : tu exagères, je n'ai pas les mains moites, j'ai dit ça pour te faire comprendre que j'avais le trac. Lui (en me regardant) : pourquoi tu avais le trac ? Parce que moi je n'avais pas le trac. Et là, il me fait un sourire terrible, le type de sourire qui crève le coeur, qui crève le coeur comme les photos de Nan Goldin. Des gens vous crèvent le coeur, parfois, vous fondez, heureusement que vous n'êtes pas en sucre nous disait un prof de sport au collège, lorsqu'on se plaignait de faire du foot sous la pluie, heureusement que tu n'es pas en sucre me disait mon oncle en caressant mes cheveux, pendant que je m'essuyais la bouche avec ses mouchoirs en papier, ça existait déjà à cette époque. C'est fichtrement une belle invention, les mouchoirs en papier. Tous ces souvenirs ne sont plus douloureux, c'est passé depuis peu à un autre stade, depuis pas longtemps en fait, depuis le départ de Denis pour les Etats-Unis. Depuis, les souvenirs avec mon oncle sont des images comme des friandises, comprendre qu'elles ont dépassé le stade de la douleur, du bien et du mal, de ce qui doit être ou de ce qui ne doit pas être. Ton regard foudroie. Il demande : qu'est-ce qui a changé en moi, tu remarques quelque chose de changé ? Profondément tu veux dire ? Oui, profondément. Ma main s'arrête sur son sexe, maintenant malheureusement au repos. C'est dommage mon amour de te reposer, redresse-toi un peu, qu'on puisse s'accrocher à une autre planche pourrie. Une dernière pour la route. Regarde la plage, les corps des gens, de mes gens, car tous les corps étaient à moi, j'aime trop les gens c'est pour ça. Tu vois ils s'enfoncent seuls dans le sable, et aucune poésie ne peut les ranimer, rien n'est plus sinistre que d'aduler et de flatter la poésie des morts. Je te le dis franchement ça craint même. Et les morts ne sont pas forcément ceux qui respirent, ce ne sont pas forcément ceux qui tuent. On ne tue pas tous légalement, j'aurais dû me faire soldat pour avoir le droit de tuer en temps de guerre, Denis aux Etats-Unis ils feront encore la guerre, ils ont besoin d'argent et puis d'établir la liberté partout dans le monde, mais ça c'est un bonus mon amour. MON AMOUR. Je suis tellement contente que tu ne sois pas américain. Une pouliche de là-bas aurait pu te faire fondre, tu sais, dans le fond à l'intérieur, certains sourires crèvent carrément le coeur. Certains perdent des possibilités d'amants, des drogues dans les toilettes, d'ailleurs j'espère que ça ne va pas tout boucher, on ne sait jamais, des toilettes bouchées et hop, on découvre ce que j'ai fait, dans des immondices qui dégorgeraient... Ton regard est beau comme un désert bardé de mirages paradisiaques. Autrefois la Terre avait l'apparence d'un paradis. L'esprit Saint n'avait pas son mot d'ordre à dire, ou à faire. Le fils n'était pas encore dans le programme du monde à sauver. A sauver de lui-même. Tu es sur le lit, mes mains sont dans les tiennes. Les doigts entrecroisés. Dehors il fait froid. Et peut-être nuit. Mais peu importe car tu es là. Et elle tourne quand même. Ma main caresse ton sexe mou, et tes testicules. Tu me parles, les bras relevés derrière ta tête, pour t'y appuyer. Les oreillers sont passés où ? Tu regardes le plafond, tu redescends. Quelque part beaucoup souffrent, beaucoup sont en train de mourir. Comme moi il y a quelques temps tu redescends. Tu es allongé à la place de la personne étrange que j'ai vue dans mon hallucination. Et la gêne s'installe. Une gêne à cause de ce que j'ai fait, la petite culpabilité, qui n'a rien à voir avec la petite mort d'autrefois. Bien agréable. Il faudrait que j'arrête. Avec les petites culpabilités. Faudrait les flinguer, tout comme les grandes.

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La dérive des continents continuent pour l'instant. Quel est ton consensus ? Je me sentais si seule autrefois, à mes vingt ans, à faire ce que je faisais pour vivre, je me sentais si seule mais paradoxalement, je retournais ce sentiment de désoeuvrement qui découle de la solitude pour m'en faire mon compagon d'infortune et je me rendais compte que nous n'étions pas si seuls que ça, pas si isolés que nous le pensions, les uns des autres. C'était terrifiant de voir que c'était absolument pas un événement. J'hallucinais beaucoup à l'époque, je prenais de la drogue mais c'était uniquement professionnel. Beaucoup tombent dedans jusqu'à la fin de leur vie, c'est un fait, pour tenir. C'est idiot la drogue, c'est exactement comme d'aller bosser pour un patron minable qu'on déteste, pour un salaire qui ne nous permet pas de vivre correctement à la fin du mois question nourriture. Les planches pourries flottent, si tu savais, et je me suis accrochée à son cou, c'est vrai ça aide d'avoir l'impression d'être seule, avec quelqu'un à côté de vous pour vous aimer et vous faire croire que la solitude n'existe que dans votre imagination. Mais le sentiment de solitude est parfois si fort que nous ne sommes plus capable de regarder correctement les options qui s'offrent à nous, une fois la dernière apocalypse révélée au monde. Nous sommes seuls de par notre chef, non pas à cause de notre supposée nature agressive et nous subissons aussi les caresses de ces femmes, qui s'attardent sur nos sexes. Ces femmes, pendant que nous étions en Amérique, se trouvaient dans nos têtes, dans nos coeurs. Oui, j'avais ma main sur son sexe et je m'amusais avec pendant qu'il parlait, pendant qu'il était aux Etats-Unis il ne se trouvait que dans ma tête, dans mon coeur aussi peut-être. Son sexe, je me rendais pas compte que je m'amusais avec, comme on peut s'amuser parfois avec nos cheveux, pas mal aussi pour passer le temps, en parfaite pétasse de collège. Là, il a eu envie d'aller aux toilettes, ça l'a fait rire que je m'amuse avec son sexe pendant qu'il parlait et que je l'écoutais. Je me suis retrouvée seule sur le lit. Je me suis recouverte. J'ai regardé sa place chaude, vide. Je l'entendais uriner, son jet m'a paru lourd, puissant et long. J'étais même surprise. J'ai mis ma main sur sa place chaude. Je ne pensais pas à lui là, même si j'entendais son urine s'enfuir de son corps. Je pensais à cette personne que j'avais vue dans mon hallucination. Et je ne savais pas pourquoi. Elle n'avait jamais existée, allongée sur mon lit, répondant à toutes mes questions. La peau sombre, les yeux étranges. Qui semblait savoir quel était l'ordre de l'univers, qui n'a pas été fait par des esprits qui jouaient aux dés ni aux jeux idiots de La Française des Jeux

J'ai toujours été seule, en train de dériver dans mon être, pendant que cet être venait à moi sans afficher la moindre émotion à mon égard.

Je délirais, n'est-ce pas ?

Les doigts entrecroisés. Ensemble. Dehors il fait froid. Et peut-être nuit. Mais peu importe car tu es là. Et elle tourne quand même. Tu es là maintenant, et même dans le noir, elle tourne toujours. Elle tourne encore.

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Commentaires
A
Bonjour Babel, contente de me souvenir chaleureusement de toi.
B
Bonjour Angeline,<br /> <br /> cela faisait longtemps que je ne t'avais pas lu, et je dois avouer que je suis surpris de te lire, tel qu'il y a 3 ans. Je t'admire pour cela : fidéle à soi-même et d'une grande volonté, tout particulièrement dans ton écriture si reconnaissable, unique.<br /> Amitiés.
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