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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
13 janvier 2008

La Petite Radio de l'Atelier

Barn_Owl

A. N. I. M. A. U. X.

Faire l'amour, manger, regarder la télé, sortir, acheter des légumes, du poisson parce qu'il en veut, rentrer, défaire les courses, se déshabiller, le caresser, le branler, le mettre en moi, le guider. Et puis recommencer. On ne fait que ça. L'un sur l'autre ou plutôt lui sur mon dos. Prenez ça comme vous le souhaiter, le vrai sens moi je le connais. Le vrai sens me paraît évident à connaître, je reconnais. Il n'y a aucun piège. Je reconnais que je suis heureuse, on est deux gros bébés, l'un sur l'autre. Dans le monde. Certains sont des rocks stars, professeurs de maths pour les sixièmes, d'autres sont des couples comme des espèces de gros bébés. Manger, dormir, regarder la télé (ou faire caca, ce qui revient au même). Les légumes, le poisson, on aime ça. J'aime ça avec lui. Je ne pense plus du tout à moi, je pense à lui. Je le regarde. Mon narcissisme est éteint, de toute façon j'ai le vôtre, dans vos lectures. Donc je ne serai jamais éteinte, sauf à peut-être à la seconde de ma mort. Heureusement la Watchtower Society est là pour les secondes, à l'heure de nos morts. Ses gestes sont merveilleux. Je crois que je suis encore haut, high, en fait. Dans le ciel. Je plane, son odeur enivre toujours très fortement, ça m'étourdit. En tout cas, je n'ai pas les pieds sur terre depuis son retour (mais je ne les avais pas plus avant, d'ailleurs, je n'ai jamais eu les pieds sur Terre, il y a des êtres comme ça, depuis toujours). J'ai envie de voir d'autres hommes, terriblement envie. De me faire prendre par d'autres corps, d'autres queues, d'être enivrée par d'autres odeurs, par d'autres textures, d'autres formes de bites et d'amour, d'autres giclées blanches, et en même temps je n'ai pas du tout envie de ça. Il est là, lui. Il ne lit plus mon blog, ça lui faisait trop mal au coeur, d'autres sexes, d'autres formes de visages. Tout ça c'est interchangeables, c'est fou comme j'ai croisé dans ma vie des gens interchangeables. Mais cela dit, toutes les choses qui aboient en moi ne sont pas si chiantes, c'est le phrasé qui rend la chose chiante, mais moi j'y suis habituée à mon phrasé, je l'aime bien, je le trouve à mon image, dans la Grande Confusion, dans les Ténèbres et dans...(les démons aiment les grandes incantations de ce style enflammé, pendant que les anges dorment en buvant du raisin liquide). Je n'ai pas envie de me dépasser à ce niveau, ou peut-être dans cinq ans quand je serai grande et que j'aurai compris que seule la beauté dans le geste d'écriture compte. J'ai envie de déloger la volonté du ventre pour lui faire l'amour, là oui d'accord, je me donne bien plus. Tellement plus. C'est une tare je sais, pour écrire ce qu'on doit écrire il faut se déloger de soi. Je sais. Mais je sens que je ne peux pas y arriver, donc je regarde le ciel et je me dis que je suis haut, haut. Perchée dans ses vagues, le ciel. Faire l'amour ça me va, manger avec lui aussi. On s'habille très peu. Il a besoin d'embrasser chaque centimètre carré de ma peau, et je crois que toute ma peau est passée dans sa bouche humide, avec sa langue. Il aime jouer avec sa langue, comme certaines femmes qui donnent leur langue, trop fort. Avec un client je l'avais fait et il m'avait dit : ho hé, c'est moi qui rentre dans ta bouche. Ensuite il avait un peu bavé exprès pour que j'avale. Recommencer comme ça toutes les heures, manger, dormir, se laver, sortir, manger, baiser, baiser, baiser. Baiser. L'histoire de la vie de milliers d'enfants. Les baisers sont doux, surtout que ce week-end il a osé me réveiller en me faisant un cunilingus. Il sait que je n'aime pas ça, être réveillée comme ça. Mais j'aime en fait, c'est pour ça que je lui avais dit : surtout non ne le fait pas. Il en va de même avec la société. Ne faites surtout pas ça dit cette dernière, mais en fait, c'est ce qu'on veut que vous fassiez. Il faut bien qu'il y ait un coupable et ça ne peut pas être nous tous. On, c'est qui ? Demande le lucide au fond à droite. J'ai besoin de force. Babel, j'ai perdu des plumes depuis trois ans, tu ne t'en rends pas compte parce que j'ai volé l'énergie du mâle qui habite dans mon appartement, mais si. Leur semence ça fait des protéines (à ne pas négliger, s'ils n'ont que ça à vous apporter, s'en contenter). De l'énergie, des ténèbres, je puisais ma source dans les ténèbres, mais je crois que, finalement, la lumière est bien plus cruelle que les ténèbres. C'est un fait : la lumière est tyrannique. L'amour est un tyran je ne suis pas née de la dernière pluie, je ne suis pas la première à le dire, des grands l'ont dit avant moi, et même des homosexuels ont su le voir. Il aime jouer avec sa langue, je suis son harmonica, je suis son petit opéra des draps, et je crois que ça me fait plaisir. Pour l'heure. Cependant, nous avons encore fait l'amour, on ne s'en lasse pas, c'est automatique, il bande c'est automatique, mais au bout de la cinquième, sixième fois de suite, il n'éjacule pas autant. (Pas autant qu'il voudrait). Lovée dans ses bras, contre lui, j'ai fermé les yeux et j'ai fait des rêves terribles. Comme d'habitude, mais non pas comme d'habitude. J'avais encore son sperme sur moi. Je dormais dans les ténèbres, parce que c'est dans les ténèbres glacées de l'hiver que les gens comme moi écrivent, dorment, se lavent, font l'amour et vous regardent vous brosser les cheveux, à chaque fois que vous estimez la chose nécessaire, surtout en lisant ce que vous êtes en train de lire et qui vous dépasse (par sa nullité, par sa supériorité, par son léger intérêt, par toutes les qualificatifs que vous cherchez à donner, car il faut bien donner quelque chose, mal ou bien, des bonnes places). J'ai rêvé d'une magnifique journée à New York. Cependant j'étais sur un immeuble avec des gens que je ne connaissais pas mais qui semblaient être mes amis. Son sperme encore sur moi. Une terrifiante odeur de sexe émanant de nos deux corps. L'un dans l'autre comme parfois ces ossements qu'on retrouve, des corps enterrés l'un dans l'autre. Des squelettes. Les anthropologues prient pour ça. Pour le sang aussi, quand l'homme a soif et le doit. Ces amis prenaient le soleil sur des chaises longues. Un black (mais qui n'avait rien à voir physiquement avec Claude, le futur mari d'Anne) et d'autres. Nous étions sur le toit d'un immeuble new-yorkais. Tous étaient calmes, le soleil très clair et très jaune. Et j'ai commencé à paniquer quand j'ai vu à côté de nous, juste à côté le World Trade Center vibrer. Cela faisait plusieurs semaines que je n'avais pas rêvé de lui. Denis dormait à côté de moi, à l'intérieur de ses yeux des rêves aussi. Qui ne venaient pas du même endroit que les miens, j'en étais persuadée. J'en suis persuadée. C'est assez dangereux de se persuader mais tant pis, au Diable et au Démon la prudence. Et à Dieu toute mon ignorance, en offrande, tiens pour toi. Toi. Toi oui toi là-bas. Je regarde en haut et je vois de la fumée noire s'échapper de la Tour Nord. C'est la panique. Je préviens mes amis qui regardent mais ne s'inquiètent pas plus que ça. Ils me disent : elles vont s'écrouler. Nous sommes quasiment collés aux tours, notre immeuble. Si je tends la main je touche la tour Sud. Je remarque que selon les plans qui me viennent dans mon rêve, les tours changent de place, s'écartent ou se rapprochent, parfois une disparaît. Le black se lève, dégoulinant de sueur. Il me prend par les épaules. Apparemment, nous sommes des amis proches depuis longtemps. Je ne le connais pas mais je le vois dans son regard : il me connaît très bien. Et son amitié m'est précieuse. Je l'écoute. Il dit : elles vont tomber, tu sais très bien pourquoi. Elles seront détruites parce qu'elles doivent l'être. Elles l'ont déjà été (je ne comprends rien de ce qu'il raconte, et en même temps je le comprends, sans vraiment le définir bien clairement). Je lui dis : on devrait peut-être s'enfuir. Un des mecs bien sur sa chaise longue, en débardeur et en short, allume une petite radio, assez vieille. Je lui dis avec colère : mais c'est la radio de mon père, d'habitude elle est dans son atelier pendant qu'il bricole. Elle émet une musique qui m'anéantit de tristesse. C'est l'horreur je vois des gens tomber. Mais ce n'est pas ça qui me fait horreur : c'est la petite radio, à côté de ce bellâtre luisant, allongé. Je lève la tête encore et je vois la seconde tour touchée maintenant. Elles vibrent toutes les deux. Bientôt, c'est certain, elles vont s'écrouler. Denis ouvre une porte, il ramène une glacière. Il est comme les autres, en short et il me propose une bière. Ensuite il sourit et dit : ah oui, tu ne bois pas de bière. Tu es certaine de ne pas en vouloir une ? Tu es certaine de pouvoir supporter les choses qui vont se passer ? J'ai pris du coca-cola aussi pour toi, parce que je sais que tu aimes ça et que tu n'aimes pas la bière. Je pleure maintenant. Denis boit des bières avec les hommes, ils rigolent. Apparemment, maintenant, ils sont dans un coin et jouent au poker en parlant de femmes. Il parle de moi en souriant étrangement. J'ai peur. Je vois la tour s'écrouler. La première. La Tour Sud. J'ai peur de la poussière. Mais en fait, à ma grande surprise, elle ne diffuse pas comme...dans mon souvenir. Denis et les hommes regardent, sous ce soleil de plomb en direction de l'Empire State Building. Je regarde. Je vois sa partie supérieure de moitié se renverser, s'écrouler sur les gens. Je tremble de peur. J'ai envie que Denis me dise qu'ils vont reconstruire. La deuxième tour s'écroule à son tour, je vois la façade tomber en morceaux, ensuite les étages vibrent et s'écroulent à leur tour. Un homme me regarde : tu vois, on te l'avait dit. Dit-il, étonné que je sois si choquée. Je leur demande : vous étiez au courant de ce qui allait se passer ? J'ouvre les yeux et j'ai subitement envie de prendre une douche.

barnowl

Lentement je soulève son bras dans le noir. Il pesait une tonne. Je le mets sur le côté. Je me lève. Je vais sous la douche. Je ferme les yeux. Très fort. Je me savonne, l'odeur s'en va. L'odeur de son corps. Certainement. D'habitude, l'humain attire l'humain, que ce soit pour tuer ou pour faire un bébé. Mais pas cette nuit-là. C'était bon de prendre cette douche. Je me suis essuyée, en me demandant ce qui avait changé dans sa tête, car quelque chose avait changé. Je suis allée dans le salon, dans le noir, avec une petite lampe torche, j'ai noté mon rêve. J'ai noté ce dont je me souvenais, ce qui m'avait marqué, les émotions, s'il faisait jour ou nuit, les gens que j'y croisais, les choses qui se disaient. Et j'ai relu. Et je me suis aperçue que j'avais oublié un détail important : la petite radio de l'atelier de mon père. Une vieille petite radio, qui captait l'italie, le pays natal de mon père. Plus beau que le Portugal, le pays natal de ma mère (avant j'aurais dit : le pays natal de l'horreur. Mais maintenant, je dis la vérité, je ne dis plus mon ressentiment et ma frustration. J'ai tout tué, tout, même ça. Même ça). Plus beau, difficile de comparer, même si on peut. J'écoutais trop Spaccanapoli, je n'aurais pas dû. Mais lui, je crois qu'il ne veut pas entendre finalement. Il ne veut pas entendre parce que personne ne veut entendre. Et que personne n'entend, même ceux qui veulent entendre, n'entendent rien. Sombre tableau réaliste, nature morte impressionniste, j'en rajoute certainement. Mais non, en fait, je me trompe, consciemment. Ce n'est pas qu'il ne veut pas entendre, c'est qu'il choisit ce qu'il veut bien entendre. C'est différent. C'est son corps que j'entends, les ronflements, il ronfle moins depuis son nouveau spray à mettre au fond de la gorge. C'est bien. Un homme si beau qui ronfle. Je lui avais dit que ça ne me dérangeait pas. Il me regardait comme si j'étais une chose, telle la Vierge Marie, qu'on regarde ou qu'on prie parce que c'est une chose. Une vraie chose. Pas du tout une femme, pas du tout une Sainte. Pas du tout un esprit, pas du tout... Cette lumière tyrannique qui se dégage des icônes tu sais. C'est pour ça que j'ai oublié la petite radio de l'atelier. J'ai tout fait pour l'oublier, ou alors j'ai tout fait pour penser que je l'avais oubliée. Mais elle était toujours là-bas. Là-bas chez lui. Dans mon rêve, c'était le symbole de mon père, du travail de mon père dans son atelier. Le moyen de solitude de ce père italien, né en italie, avec des ancêtres asiatiques de la Chine, une nation salope comme on le sait tous. Comme nous le savons tous, celle qui donnera une fausse légitimité aux Etats-Unis pour faire s'écrouler d'autres mondes, d'autres versions du monde, et faire entrer ce monde dans d'autres versions du monde, d'autres versions du monde, plus ou moins terrorisantes. Plus ou moins. Cette lumière tyrannique dans son amour, je sais pourquoi j'ai toujours cherché à fuir l'amour, non pas par lâcheté, mais parce que la tyrannie n'est pas une chose qui m'intéresse, à vivre, mais puisqu'il faut vivre. Vivre bien ça. J'ai envie de bouger, en fait, avec lui, on le sait, sans lui, je le sais bien mieux toute seule. La petite radio de l'atelier dans le rêve parlait pour mon père, c'était un personnage à part entière dans le déroulement de l'action, elle provoquait chez moi une émotion terrible. Pourquoi Denis ne vient plus me lire, ce n'est pas parce qu'il pourrait y lire des choses qui lui feraient regretter d'être venu, c'est parce que je n'écris pas pour lui. La petite radio était là pour me dire que mon esprit préférait voir mon père à travers sa petite radio qu'en chair et en os. Même si en chair et en os, ça ne veut plus dire grand chose lorsqu'on est dans la mort, même en vie. Comme moi. Sauf peut-être pour les anthropologues. Qui prient pour ça. Je ne suis pas fossoyeur. Je ne crois pas avoir peur. J'ai dit que la petite radio me procurait une émotion terrible parce que mon père me provoque toujours une émotion terrible, la petite fille de son papa parle. Là. Vous voyez. Mais non. Mon crayon sur la feuille, j'ai noté mon rêve, ce sont les choses les plus belles à écrire. Toutes ces choses. Les rêves sont les choses les plus belles à écrire, je ne plaisante pas. Même si on y voit des choses étranges et atroces, et bien c'est un monde magnifique que je ne voudrais jamais lâcher. J'ai vraiment beaucoup de tristesse pour les gens qui ne se souviennent jamais de leurs rêves au petit matin. Pour Denis par exemple. Je lui ai dit nombre de fois, en le caressant. Il pensait que c'était parce qu'il avait les pieds trop sur terre, et que moi je n'étais pas faite pour la vie terrestre (le syndrôme Marie, qu'ils ont) selon lui. J'avais pouffé : pourquoi tu dis ça ? Dans le plus beau des sourires il avait dit : parce que c'est vrai. Il entendait peut-être mieux que je croyais. Peut-être que je ne voyais pas tout ce qu'il pouvait entendre. Capter. Peut-être qu'il avait une antenne plus efficace que le radiotéléscope d'Arecibo. Peut-être que j'étais dans l'erreur complète, de ses intentions, qu'il m'aimait encore plus qu'un tyran. Ils aiment parfois tellement qu'ils... Ils tueraient presque. Dans le sexe c'est fréquent, pour un homme, pour certains hommes (allez, soyons sportive avec les macaques qui bombent le torse en retapant maman, enfin, la maison de maman, comme c'est tendre), de vouloir déchirer la fille, même si elle n'aime pas, même si ça fait mal, même si elle refuse. Même si elle le dit. J'étais dans le noir, j'ai noté le rêve, j'ai oublié la petite radio de l'atelier de mon père, qui émettait de la musique proche de celle de Beirut, jolie mais branque, et donc j'ai rajouté à la fin une note : j'ai oublié de préciser que dans le rêve, il y avait la petite radio de l'atelier de papa, tandis que les tours s'écroulaient, je voyais Denis faire une partie de poker avec ses nouveaux amis américains.

Denis aime beaucoup Nirvana. Il écoutait About a Girl, de l'Unplugged in New York dans son I-Pod bleu de merde et tout d'un coup, on venait de faire l'amour, moi je lisais un peu, il me caressait sans rien dire lentement, en écoutant sa musique de merde, de morts, et tout d'un coup donc il a enlevé les écouteurs de ses oreilles si belles (faut que la chouette se calme) et il a dit : on va faire un tour mon amour ? Un tour ? Encore un tour ? Un dernier tour, j'ai eu envie de lui dire : évitons de parler de tour, je n'ai plus envie de jouer à ça. Plus envie du tout. Mais je n'ai rien dit. Un dernier tour dans le lit pour un couple c'est normal, les amants se sont manqués. Depuis longtemps, ça faisait deux mois. Vous pourriez vivre deux mois sans sexe et sans amour, uniquement d'argent et de publicité fraîche ?

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