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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
25 décembre 2007

Le Noël Bleu (c'était minuit et il pleuvait)

Bill_Henson_1

Rien ne s'arrête jamais. Tout recommence sans cesse sans comprendre.

Anne à Angeline

Je suis redescendue. Finalement. Assez vite, mais avec une phase dépressive terrible de quelques heures. La seule possibilité pour moi n'était pas d'attendre le retour de Denis mais de me défenestrer. J'ai fait des choses bizarres, mais je crois que j'ai passé l'âge pour les champignons et les acides. Un ami m'a écrit : ne fais pas de folies. Hélas c'est trop tard, j'ai fait la folie. Avant, j'aurais trompé Denis comme ça, en un claquement de porte. Non pas pour le tromper mais pour ressentir la culpabilité religieuse que j'avais finalement toujours ressentie. Quoi que je fasse.  Lorsque j'avais vingt ans, la drogue semblait une bonne idée, pour vivre, survivre, oublier. Des expédients sont toujours et seront toujours nécessaires (peut-être pas pour toujours). Je suis redescendue. Sur le plancher des victimes et des vaches. Vachiers. Mais j'étais contente de traverser cette tempête provoquée. Encore heureux qu'on soit digne de sa déchetterie, je ne suis pas une élue du gouvernement, indigne de la merde qui s'accumule. Claude me regardait avec un drôle d'air. Et j'avais encore des restes d'hallucinations, le plus dur c'est l'atterrissage. Attention au crash. Pourquoi la drogue est mauvaise ? Parce qu'elle rend la société moins attirante finalement, elle souligne la relation perverse de la société avec le plaisir. C'est pour cela que l'une l'autre se renvoie la balle, à travers différentes sphères, on ne peut pas vivre si on se défonce trop, en même temps les stars n'ont pas peur de parler de leur propre consommation, personne ne semble vouloir les arrêter pendant leurs interviews. Si tu veux la vérité, il faut trouver d'autres voies, toujours. Toujours. Ils détestent les drogués, en même temps ils savent à quoi ils servent. Si Denis apprenait ça, je serais cuite. En même temps je ne lui dois rien, c'est pas mon père (ou un oncle quelconque). Il m'enverrait en hôpital psychiatrique, et pas en consultation de jour. Il a menacé de le faire une fois lors d'une dispute, à l'époque où je voyais l'Artiste. Comme je ne cédais pas dans mon délire, car c'était vraiment un délire et pas une vraie relation, il a utilisé ses poings. A l'époque je l'avais pardonné mais quelques mois plus tard je l'avais prévenu : ce qui a été fait l'avait fait souffrir, ce n'était pas une excuse. C'était la dernière fois qu'il avait eu le droit de porter la main sur moi, combien d'hommes méritent des coups pour ce qu'ils font à leur femme, et inversement ? Ce n'est pas un homme violent, c'est un homme qui se contient. J'aime les hommes qui se contiennent, qui ne dérivent pas dans la passion ou dans ce genre d'aveuglement. En revanche je déteste les hommes qui viennent à vous en prétendant avoir des idées, en soulignant, au passage, à quel point vous êtes loin d'avoir les mêmes (bonnes sous-entendues) idées. C'est ridicule ce comportement. Moi j'ai fêté Noël et j'étais assez heureuse. Je planais de temps à autre, finalement moins que la plupart des familles qui fêtaient Noël sans savoir pourquoi. Anne ressemble à ces jeunes filles amoureuses, emportées, avec les yeux comme ceux des bébés, tout le temps émerveillés par la vie qui défile devant eux. C'était gênant car mon regard était halluciné, mais pas pour les mêmes raisons. Des résidus des drogues consommées provoquaient ceci : Claude me paraissait plus noir que d'habitude, comme l'être que j'avais vu allongé sur mon lit à côté de moi et qui avait toujours une réponse à chacune de mes questions. Je me suis maquillée pour cacher mon regard d'hallucinée, j'ai fait un maquillage qui ne met pas en valeur le regard, mais qui l'efface. J'ai fait comme j'ai pu. Mon coeur continuait de battre fort. Et ces sueurs nocturnes aussi... J'ai beaucoup trop dormi. Et moi ça m'épuise de trop dormir. Pratique : si Denis venait lire ici ce que j'ai fait, je pourrais toujours prétendre que c'était de l'invention, de la pure branlette intellectuelle qui ne sert à rien ni à personne. Ce qui est faux, ça sert à des mecs pas trop bien dans leur vie, leurs baskets, de mesurer l'intensité de leur aura, de ressentir et d'ouvrir plus férocement leurs chakras, et de mesurer leur queue pour voir si elle est plus grande que mon habituelle grande gueule écrite. Mon barbu m'a dit : oui mais c'est lu, il m'avait dit, il ne faut pas s'étonner que ça provoque des réactions (une remarque faite en son temps, par le pitoyable Gérard Jean, occupé quelque part en ce moment sur un tournage important -probablement). J'ai dit : mais ça provoque d'autres réactions, parfois très positives. On sent que d'autres êtres sont concernés par la question intime... Mais c'est pas intéressant, ce qui est intéressant c'est le résultat. Le barbu avait froncé les sourcils : pardon ? Je veux dire : vous me débitez vos platitudes, je sais qu'en donnant ses petits trésors à lire on tombe sur des incompétents, pour peu qu'on le soit soi-même. En fait, on donne ce qu'on peut à des gens qui ne veulent rien précisément, donc en fait en prenant certains risques, ça annule les troncs d'arbre que la tempête abat pour nous les mettre au travers de la route. C'est du bois pourri. Donc... Il ne comprenait toujours pas ce que je disais, c'était pourtant clair (mais en fait, j'ai compris que ça ne l'était pas, bien plus tard dans la journée). J'ai pris mon sac et je me suis tirée, sans rien dire. Il n'a rien dit. Je n'ai pas payé. Plus tard, il me téléphone : je voudrais savoir comment vous allez après votre départ. Et bien ça va. J'ai dit. Il voulait que je prenne un autre rendez-vous, début janvier, il part en vacances, fêter Noël. Avec sa femme, qu'il va baiser certainement, et ses enfants (qu'il ne baisera pas). Ils sont jeunes, à trente-cinq ans, les médecins. Il faut que j'arrête. Ces remarques désobligeantes sur lui, le pauvre homme, comme moi il n'est pas un meurtrier (de fait, j'en suis une, ou plutôt, j'en ai été une). Claude me paraissait trop noir, il a demandé à un moment : Angeline, ça va ? Oui ça va. Je voyais les anges accrochés à leur sapin de merde devenir réels, comme des fées ou quelque chose. Je me suis réfugiée aux toilettes, la honte. Pour faire pipi d'abord, et ensuite pour mettre du baume aux lèvres, afin d'essayer de créer des pensées qui me donneraient du baume au coeur. L'amour du prochain, à ce Noël je l'avais d'une façon étonnante je dois l'avouer. Anne avait remarqué que je clochais. La soirée avançait avec ses amis et je regardais tout autour de moi des petits anges qui se décrochaient du sapin. A un moment donné j'ai même crû que la lumière s'était éteinte et je voyais les autres dans le noir continuer de faire comme si elle était encore allumée. Mais je n'ai rien dit. J'ai bu un verre d'eau. Et j'ai attendu que la lumière revienne. Et elle est revenue. Une grande leçon religieuse que voilà. Et il dit : que la lumière soit. Et la lumière fût. Un truc dans ce goût là. Nous sommes peu de choses, mais Dieu, vous n'imaginez pas à quel point il est peu de choses et à quel point cette expression lui va comme un gant. Forcément de notre point de vue, il est gigantesque, mais c'est juste un problème de place, de statut. Les amis de Claude, certains, voyaient bien que j'avais pris quelque chose, ils semblaient constamment parler dans leur barbe. Et j'étais persuadée qu'ils parlaient de moi. J'étais très mal à l'aise. Un d'eux était arabe (je suis complètement raciste sous drogue) et il me faisait peur, je me disais : putain, un arabe. Il va me prendre dans un coin et me niquer. Je flippais complètement et j'étais très impressionnée : je restais calme à deux cent pour cent. Mais dans ma tête : les plombs avaient sauté. Et puis finalement je suis revenue en bas. Les effets secondaires sont les pires. Les pires. Je déconseille vivement à quiconque d'essayer si ça ne lui dit pas avant. S'il ne sait pas pour quel voyage il s'embarque, il ne faut pas avoir peur des puits, de ces putains de trous noirs qu'il existe tout autour de nous, et surtout ceux qui se trouvent en nous. Ils aspirent tout, sans sommation, sans compromission, ce sont des chiens qui ne vous laissent aucune chance. Aucun moyen de résister. D'ailleurs, on ne  résiste pas à ces gens-là. Cet arabe plus tard a tenu des propos très raciste par la suite, j'ai pensé : quel connard ce mec. Sans envisager que j'avais eu des pensées du même ordre. Peut-être qu'il était plus honnête : il les partageait avec tout le monde. Dans l'espoir qu'on réagisse. Anne semblait être la Vierge Marie. Enceinte, de cet homme noir en plus, elle avait les yeux comme ceux des bébés. La même innocence à tout découvrir. Ensuite ça dégage vite, cette pureté. Des yeux des bébés. Même chez les trisomiques, c'est rare, pourtant on peut rencontrer parfois un trisomique quelconque avoir les yeux remplis d'innocence, dans le regard qu'il porte sur les choses. Cette espèce de matrice originelle de laquelle je viens et que j'aimerais retrouver, régresser serait la meilleure chose à faire à l'heure actuelle. Le retour de Denis je n'en pense plus rien du tout, qu'il revienne si ça lui fait plaisir, moi ça m'est égal (bien sûr, je me disais ça dans un but précis). Anne a abordé la question plus tard : tu n 'avais pas l'air bien à certains moments. Je l'ai regardée, droit dans les yeux. J'avais peur qu'elle remarque ma pupille droite, cette fichue pupille droite encore dilatée, alors que l'autre était revenue en place. J'étais encore défoncée, mais j'étais à moitié revenue. Du voyage. J'avais toujours su halluciner en gardant une grande capacité à voir la vie telle qu'elle pouvait être (ou quelque chose d'approchant)... Et j'ai quand même plongé mon regard sombre et détraqué dans ses yeux de bébé que j'avais envie d'avoir aussi. Parce que ça semblait la rendre heureuse, cet état. De grâce. Et j'ai commencé à pleurnicher. En disant : je me sens juste seule. J'ai hâte qu'il rentre... Elle me réconfortait quand Claude entrait dans la pièce. Une forte odeur de framboise emplissait l'atmosphère, ensuite j'ai senti l'odeur du brûlé, mais d'un bout de fer qui aurait brûlé. Les autres ne sentaient pas cette odeur. J'ai bu une tisane, comme les vieilles qui attendent le retour de leur marin, probablement mort depuis des lustres dans une tempête en haute-mer, cette salope de dame nature. Les marins voient beaucoup de choses bizarres mais ne prennent pas de drogues, sinon ils passeraient par dessus bord tout le temps. Et finiraient dévorés par les poissons et les requins. J'ai vu des corps dans la flotte en photo, ils gonflent, c'était des putains de touristes, du tsunami. C'est mon livre noir. C'est juste ça, Anne, merci pour ta lumière. On aurait dit la mère du Christ. On aurait dit la Mère du Christ qui prenait dans ses bras l'ex-putain du Christ, en pleurs et défoncée. Mais les pleurs n'étaient rien : et je ne ressentais pas du tout de solitude. C'était même le contraire : la solitude était devenue ma compagne, je n'étais plus habituée à elle, c'était tout. C'était tout. Dans mon fort intérieur, dans mon sang, je me disais : s'il ne passe pas Noël avec moi, alors c'est mauvais signe. Est-ce qu'on va s'en sortir ? (la réponse est non, pour tout le monde, même pour ceux qui iront au paradis) Des choses semblaient se mettre au travers de notre route. Ce n'était plus moi à présent qui passais à côté. Dans les toilettes j'avais la nausée, j'avais pensé : plus jamais je ne reprendrai ces cochonneries pour planer. Je n'ai jamais eu besoin de produits pour planer correctement : mon esprit planait naturellement et j'avais cette chance, que n'ont pas certains, de planer naturellement. Mon imagination sans doute, mes peintures, mes petits mots, mes toutes toutes toutes petites phrases qui manquaient de chaloupé. Anne était irradiée et irradiait toute la pièce à certains moment d'une lumière totalement Divine. C'était clair, Dieu aimait cette femme, j'ai pensé que c'était parce qu'elle était enceinte, et que toutes les femmes enceintes sont aimées de Dieu, même celles qui sont tombées enceintes après un viol, ou par insémination artificielle comme les lesbiennes. Même elles. Et puis je revenue. De cette pensée. Il faut revenir de tout. Les visages s'effaçaient ou devenaient lointains. L'arabe et son pote sont partis. D'autres gens étaient là mais je ne veux pas les évoquer. L'arabe occupait toutes mes pensées, avant que je réalise que ce n'était pas le cas. Je tenais malgré tout. C'était mon grand drame, le grand décalage entre l'intérieur et l'extérieur, je me demandais si c'était pareil pour Anne, elle semblait trop radieuse pour que ça soit vrai. En même temps, peut-être que ça existait, des gens qui ne souffraient pas de vivre et qui ne rejouaient pas sans cesse une histoire marquante de leur passé. Je me demandais si elle avançait ou au contraire si elle rejouait quelque chose, en étant enceinte d'un homme noir, certes merveilleux en apparence (dans tous les sens du terme), avec du muscle et certainement une grosse queue comme la majorité des hommes noirs (encore une pensée raciste induite à cause de la drogue, c'est un poison les enfants, il ne faut pas y toucher, ou alors seulement une fois, même si c'est interdit par la loi) mais... Ils semblaient heureux. Et mettaient des boules et des angelots à leurs sapins. Des angelots (!). Pourquoi se décrochaient-ils ? Je planais moins, mais j'avais hâte de revenir à mon état d'avant, où c'était le vide total, même dans ma tête, même dans mon coeur. Anne a posé la question qu'elle pose d'habitude : tu écris en ce moment ? J'ai dit : non. Je mentais. J'ai dit un plus gros mensonge : depuis que j'ai Denis, je n'ai plus besoin d'écrire (ça m'amusait de verser dans ce cliché-là). Elle semblait surprise. J'ai dit : je préfère peindre. Finalement la peinture c'est beaucoup plus honnête que l'écriture. L'écriture en fait c'est bon pour ceux qui prennent plaisir à admirer ce qui se trouve dans le miroir, moi je veux l'autre côté du miroir mais je veux qu'il se mélange avec le monde réel. Je veux que tout se mélange, inutile de traverser le miroir pour ne trouver que d'autres sortes d'entraves. Le pire est de prendre des chaînes pour des instruments de liberté, j'ai mal au coeur de voir les gens aimer leurs chaînes. Et mes propres chaînes ? Je les détestais tant que ça ? (Oui...En fait non... Peut-être). L'arabe me regardait comme me regardait l'homme de mon trip, sur mon lit. Il cachait ses émotions et j'avais le sentiment de les ressentir. J'entendais tout le monde penser dans ma tête, j'avais envie qu'ils sortent. Et ils sont sortis, je suis revenue. En bas. Jouer au yoyo je n'ai jamais aimé ça, sauf peut-être avec les humeurs, et les émotions. Mais le barbu pense qu'une médication n'est toujours pas justifiée dans mon cas, il faut que je passe par la parole. Qui a des capacités vertueuses et régénératrices. Je n'en doute pas. On pourrait facilement remarquer que cette planète est malade morte de ce qui n'est pas dit, de ce qui est caché, ou de ce qui est mal dit, tellement mal que ça revient à cacher, aux mêmes effets. J'avais envie de leur dire à table : vous ne voyez pas que le monde est le résultat d'esprits masculins anciens, froids et très agressifs ? Mais il n'aurait pas compris : je planais. Bien sûr. L'arabe plus tard est venu vers moi : votre mari est aux Etats-Unis. J'ai pensé : oui ducon, pourquoi tu veux qu'il te trouve un passeport pour aller t'écraser sur la Sears Tower de Chicago ou la Maison Blanche ? Mais j'ai dit : oui, il revient début janvier. Le 5. Les larmes étaient montées et j'ai prétendu que j'avais une poussière dans l'oeil. Mais j'ai vu qu'il avait l'air gêné d'avoir provoqué chez moi cette montée de larmes, comme les bébés provoquent des montées de lait. Je ne ressentais pas de bonnes vibrations sortir de ses yeux, de sa peau, de sa voix. En fait, il était évident, plus il parlait et plus je le sentais, qu'il ne savait pas quoi faire de sa vie et qu'il s'en fichait parfaitement de faire des choses qui pourraient heurter les autres. En même temps, j'ai envisagé la possibilité que mon jugement pouvait être faussé. Satanés champignons. J'avais envie d'aller dehors et de m'allonger dans l'herbe, mais j'ai pensé qu'il faisait trop froid et que personne n'aurait accepté de m'accompagner. Anne semblait illuminée par derrière, par une lumière divine, et son regard était émerveillé par la grâce de Dieu. Je sentais la chose en elle, la nouvelle flamme, la vie qui prenait forme et ça me perturbait complètement : je me disais : c'est à cause de tes champignons, Angeline. La tisane plus tard sembla annuler ces étranges effets secondaires. J'espérais que ça n'allait pas durer jusqu'au 5 janvier, normalement non. Je ne pensais pas. Je ne voulais pas. J'ai menti à Anne tout au long de la soirée, sur comment j'allais, sur ce que je faisais (non seulement j'écrivais toujours mais j'améliorais-ou le contraire- mon roman, je trouvais très mauvais les changements, cependant j'aimais la tournure que prenait l'ensemble). Claude était le Joseph de l'histoire, sauf qu'il était Noir. Et c'était Noël, et cette année j'avais décidé de ne pas détester cette période, pour changer. Mais au contraire, j'avais choisi de me droguer, pour pouvoir la supporter. Jamais en août je n'avais...Ah si. Désolée. Voilà que je vous mens à vous aussi. J'ai pris quelques acides en août, mais pas de cette année, donc ça va, ce n'est pas un gros mensonge. Et ce n'est pas comme si la vérité était importante de toute façon. Je suis rentrée. J'ai conduit dans cet état, prête à m'envoyer dans le fossé à la moindre hallucination résiduelle (comme je l'appelle). Je me demandais : Anne faisait-elle semblant ? Et moi je fais quoi là ? Je fais semblant ? J'ai pleuré dans la voiture (je pleure souvent depuis le début du mois) mais parce que j'étais fatiguée, je ne pensais à rien de triste en particulier. Les larmes je le savais étaient pratiques pour fatiguer le corps et le nettoyer, ça servait à ça, à nettoyer les yeux mais aussi le cerveau, de ses pensées, et le coeur, malgré la lumière divine, de ses rythmes irréguliers. J'écoutais Spaccanapoli et j'essayais de chanter avec ma voix tremblante, en larmes. Dans le noir. Je n'ai pas eu d'hallucinations sur la route, j'ai seulement eu le sentiment que l'arabe de Claude me suivait en voiture et donnait par téléphone, des informations sur mon compte à quelques sphères de l'ombre toute-puissante. Mais j'ai vite compris que j'hallucinais, que je finissais mon trip de l'autre trip. Je ne m'en voulais pas, je savais que le voyage allait être rude, et délirant. J'étais allée chercher quelque chose, et j'avais pensé l'atteindre à un moment. Mais la période... Combien se bourrent la gueule, combien de gros porcs, de malades mentaux finis (et mariés, encore en liberté, je parle de ceux-là, les autres ont tout mon respect, les enfermés), combien de merdeux prenaient de quoi s'envoyer en l'air à Noël ? Quelle couleur pour ta journée, voilà comment fonctionnait Anne avant. Une vraie guimauve, pas étonnant qu'elle était éclairée par le Christ. Je reçois des messages de temps en temps, concernant ma façon de maltraiter le Christ. Comme si j'étais la seule sur le net. Comme si j'étais une fille du Démon. La plupart du temps, ceux qui défendent le Christ (comme s'il avait besoin d'être défendu) sont très grossiers, très violents, voire même complètement menaçants. Mais contraiement à ces personnes, qui ne conversent qu'avec elles-mêmes lorsqu'elles croient parler avec Dieu, moi je l'ai vu le Christ, plusieurs fois. Et nous avons bu une bière ensemble, bien que je n'aime pas ça. Cependant, c'est avec le Diable que j'ai niqué, car on ne nique pas aussi facilement avec le Christ, c'est certain.

J'ai mis la voiture dans le garage, en manquant de peu de foncer contre le mur. J'ai freiné sec, j'avais accéléré d'un coup. Je suis rentrée. J'ai eu le sentiment que des ombres me suivaient. Je me suis demandée : et si ça provoquait un état schizophrénique permanent ? Mon oncle, Anthony, avait, par certains côtés, une pathologie ayant des rapports avec la schizophrénie. Toute cette noirceur depuis un an, toute cette horreur, au lieu de la vivre, je l'ai calmée, je l'ai mangée. Je l'ai absorbée. Mais elle est toujours là. Je l'ai fait parce que l'homme avec qui je suis ne semblait pas capable de la supporter. Malgré ses larges et séduisantes épaules. Pour autant, il ne voulait pas me quitter. C'était noble de sa part. Ou alors je me fais un film, il est capable de tout encaisser. Comme il dit souvent : aimer quelqu'un, c'est aussi prendre ce qu'on ne supporte pas chez cette personne. Il n'essaie plus de me changer, il est resté. Il est resté, pour aller aux Amériques. J'ai enlevé mes chaussures dans le noir, sans les ranger, en les laissant à l'entrée, chose que je ne fais jamais. Dans le noir, j'ai vu un homme assis dans le canapé. Il avait les mains sur les genoux. Il semblait porter un costume. Mais sa tête était plongée dans le noir, je ne voyais que la forme de sa tête. Il ne me disait rien. J'ai dit à voix haute : je sais que tu n'es pas réel, je suis en train d'halluciner. Je suis allée me déshabiller dans la chambre. En allant dans la salle de bains pour me brosser les dents, je suis repassée par le salon, où l'homme se trouvait. Mais comme prévu, il ne s'y trouvait plus. En me brossant les dents, j'ai pensé à Anne. Son allure de Vierge Marie pendant toute la soirée. Elle avait dit, à propos de quelque chose que j'ai oublié : ...rien ne s'arrête jamais. Tout recommence sans cesse sans comprendre. J'ai pensé ensuite à son enfant. J'ai commencé à me bidonner, en me disant : pourvu qu'elle ne fasse pas une fausse couche, comme moi. Et ça me faisait rire. Ensuite, dans mon lit, j'ai regardé la lumière pendant longtemps, la lumière de ma lampe de chevet. Elle semblait briller trop fort. C'était aveuglant mais c'était magnifique. Avant de fermer les yeux, j'ai pensé que c'était un très beau Noël que j'avais passé, défoncée certes, mais quelqu'un était venu me voir. Oui, quelqu'un était venu répondre à mes questions et me dire bonjour.    

lieko_shiga

19680883

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Commentaires
A
Comme je te l'ai déjà dit il y a quelques temps, mon cher Francis, inutile de mettre des liens pour des vidéos, je ne vais pas les visiter.
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