Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
22 décembre 2007

Platon observe

patterson

POUR MARY

Cela me donne l'envie d'engueuler mon père au téléphone. Pourtant je sais que je ne peux pas. Je regarde le plafond et la lumière du soleil d'hiver danse, ça fait des formes qui dansent. Comme dans un théâtre d'ombres. C'est beau. Mes doigts essaient d'attraper les ombres qui dansent. Bientôt les ombres se sodomisent, alors je détourne le regard. Je formule la meilleure façon de croire  en la chose que je vois : il existe une meilleure façon de croire ? Je me demande. Je me dis : pas cette connerie de Krishna. Pas cette connerie de... Et puis je perds le fil. En fait je m'amuse, mais c'est angoissant, combien de temps ça va durer ? La télévision s'allume seule. Elle montre des parasites de toutes les couleurs. Elle montre des visages en gros plan, comme dans les soap-opéras (les space-apéros on peut dire). Eros est le plus important des Dieux. C'est une évidence que de le dire, d'autres, plus aigris, plus amers, viendraient même signifier à quel point c'est enfoncer des portes ouvertes que de le souligner. Le chaos a laissé place à l'univers, et l'univers a donné la Terre, la Terre n'a pas donné Eros, Eros est venu en même temps. Et ceux qui veulent marcher sur le chemin de la vérité agissent consciemment sur celui d'Eros qui les attire. J'étais stone j'ai reposé le bouquin. Je montais, j'avais la sensation de sortir de mon corps. Alors je suis allée dans le frigo. J'ai eu le sentiment de rentrer à l'intérieur, complètement. Et j'aimais Denis encore plus, en mangeant du  fromage. Le fromage était meilleur que d'habitude. La lumière étincelait beaucoup plus. J'avais pourtant envie d'engueuler mon père et je voyais le futur dans mon esprit : je prenais le téléphone, je téléphonais, et je pleurais en disant à mon père : je t'adore. Tu sais que je t'adore. On adore les pères, Eros, aussi pourquoi pas. La honte était liée à Anthony, bien sûr. Evidemment. La honte.  Ce qui est laid. Ce qui arrive et qui est laid. Bien évidemment. Mes doigts dansaient seuls. J'avais des flashs de lumière, la lumière du soleil était nettement plus intense, nettement plus brillante, plus incroyable. Elle scintillait mille fois plus que la normale. Que normalement sans hallucinatoire. Socrate savait voir les deux faces d'une même pièce, et en trouvait encore deux autres de plus que personne ne voyait. Il ne rentrait pas dans le réfrigérateur lui, il y avait pourtant de la place pour deux. Le bruit de la pipe à eau me donnait le sentiment d'être au sommet d'un volcan dont la lave en ébullition rappelait elle-même... des vagues par bouillons. Un gigantesque bouillon de vagues, en plein milieu de l'Atlantique, comme une chose qui ressortirait des profondeurs, profondeurs qu'on convoque obligatoirement avec l'usage de certaines drogues. De certaines substances. J'ai pensé : si Denis me voit dans cet état, alors je suis cuite. Mais une partie de moi souhaitait qu'il le sache. J'avais tenu un an sans faire n'importe quoi, sans baiser le premier venu, plus d'un an, et là sans lui je craquais, mais avec volupté, je tiens à le préciser. La plupart des gens se croient adultes parce qu'ils estiment avoir des responsabilités, j'ai toujours envisagé ce système de pensée, fort courant, terriblement hypocrite : comme dans la médecine, ils cherchent tous sans cesse. Un raccourci vers la sortie. Devant le miroir je voyais toute la circulation du sang, c'était nuit et jour en direct, c'était l'impression de tomber et de monter en même temps, les parasites de la télé étaient de plusieurs couleurs. Comme le teint de la peau de certaines jeunes filles, en gros plan. Un pore en gros plan. Haut et bas en même temps, mais on monte haut dans le ciel, et je me suis vue peindre, en train de peindre, et des choses fantastiques, je m'étais toujours refusée à prendre de la drogue comme certains peintres à Paris, dont un homme qui hantait mes pensées il fût une époque pas si lointaine et que j'évoquais ici avec ironie et injustice en faisant de son personnage un Artiste. L'Artiste m'apparaissait lointain, j'entendais dans son coeur qu'il était en train de penser à moi, encore régulièrement. Cette pensée me provoqua une terreur certaine : je montais de plus en plus vite. De plus en plus vite. J'étais consciente en même temps. Je transpirais. J'avais de la peinture sur les mains, et les oiseaux de mauvaise augure croassaient dans le ciel juste au dessus de la maison, j'ai dû ouvrir la fenêtre, parce que j'ai vu qu'elle était pleine de peinture : j'ai regardé, non mon Dieu, ce n'était pas un rêve, j'ai vu dans le ciel des milliers de grands oiseaux, d'oiseaux aussi grands que le soleil ou que des avions, et ils ressemblaient à des vautours et des corbeaux, et ils volaient en cercle au dessus de ma maison, haut dans le ciel. J'étais surprise que les gens qui passaient dehors ne les remarquent pas. Ensuite j'ai bien rigolé : je montais. Je planais. Les oiseaux se laissent planer. Le rapace fonce sur son serpent, mais au lieu de l'éventrer comme on peut éventrer un tuyau d'arrosage (drôle d'image), il le met autour de son cou comme un collier, la femme est belle pour aller parader. Comme la femme qui se mettrait un collier, une femme dans le milieu des collègues de Denis, parisien, la quarantaine bien trempée, trop moderne pour moi et parfois trop antiques, Platon au banquet ou Dosto dans la Maison des Morts, c'est Eros qui trinque toujours, toujours, toujours, mais moi je suis du mauvais côté de l'Amérique. De l'Atlantique et je pleure. Cette pièce est finalement terriblement encombrée par mes toiles. Je préfère sortir car je sens qu'il y a de petits animaux entre elles, que je ne vois pas, mais j'entends leurs bruits, on dirait qu'ils dévorent mes toiles et j'aime ça mais cela m'angoisse. Je change de pièce. J'ai envie d'appeler ma mère. Mais je ne sais pas pourquoi, j'entends une voix qui me dit que si je le fais, je vais terriblement souffrir. La réponse que je souhaite avoir de sa bouche risque de me décevoir terriblement. Les enfants sont souvent déçus par leurs parents, et l'inverse est aussi vrai, mais s'assume moins. Les parents assument moins leur déception envers leurs enfants, ou alors cette dernière se manifeste d'une façon beaucoup moins honnête : dans la violence, l'abandon, le rejet, pratique, facile, les enfants peuvent le tester. Le faire. Les enfants sont adorés ou abandonnés, ou tués mais jamais considérés capables de générer des idées, afin de les donner aux autres. J'ai peur de penser ça : mon père à Virgin. Il était à côté de moi ou dans le téléphone ? Il était dans le téléphone. Des fleurs sortent de mes mains. Ce ne sont pas des lotus. On dirait plutôt des roses avec un peu trop de pétales. Pourpres. Je revois en gros plan le regard de cet homme à Virgin. Terrifiant. Il était si sombre, ce regard. J'avais accéléré le pas pour ne pas qu'il me rattrape. Et j'avais bien fait. Dans l'autre pièce j'entends les toiles bouger, ou trembler, ou vibrer. Je ne saurais pas trop le dire. Je suis mal parce que je ne monte pas autant que je le voudrais. Dans ma chambre il y a une silhouette noire, j'ai baissé sans raison apparente le store. Je ne sais pas comment faire pour faire partir cette ombre. Je suis venue chercher quelque chose mais je n'ai toujours pas... Je me dis : pourquoi avoir pris ça à la fin de l'année ? Pourquoi ? Je n'en avais pas besoin. Pourquoi Diable avoir fait ça, je risque quelque chose. J'entends les mouettes au dessus de mon toit. Quelqu'un marche sur le toit aussi, quelqu'un qui fait des pas lourds et j'ai peur. Je m'allonge sur le canapé, j'essaie de me fixer sur quelque chose. L'écran de la télévision est noir, je me demande où sont allés les parasites et là je comprends : les oiseaux. Les oiseaux ont emporté les parasites de la télé avec eux. L'homme de Virgin ne sait pas où j'habite. La vie ne sait pas où j'habite. Je sais que ce n'est pas réel, mais je sais que le reste l'est encore moins dans mon état normal. Je le sais. Je l'ai vu. Et je me dis : il faut que je resdescende, mais je suis prise dans une boucle que connaissent bien les gens qui n'arrivent pas à redescendre. Les gens qui descendent. Mais je comprends alors que pour amorcer la descente, il faut que j'aille par là où je dois aller : je suis venue chercher quelque chose, alors il faut que je le trouve, c'est pour ça que je suis embarquée. Je me dis aussi qu'il faut que l'effet s'estompe, ce qui se rapproche plus de la vérité. Mais à ce moment précis, j'ignore ce qui est vrai, ce qui est faux, je sais juste voir la lumière qui scintille. Je sens une odeur de pâtisserie provenant de la cuisine. Le plus petit bruit prend des proportions étonnantes. Mon coeur je l'entends comme si le son provenait d'une chaîne hi-fi en moi dont le volume aurait été mis au maximum, sans le côté désagréable d'un bruit trop fort. Je me concentre sur ce rythme, je suis contente de l'avoir enfin trouvé, au milieu des oiseaux, des toiles, des fleurs dans les mains, des scintillements de lumière, des questions sans queue ni tête. Comme les hommes (!!!). Et là je ferme les yeux, je cherche à dormir, pour rêver, car je dois passer par là (j'ignore pourquoi mais je le sais). J'en suis plus que certaine. Il y a des craquements dans mon dos : je vois des hommes dans une forêt. Des soldats, ils sont tous torse nu. Ils ne parlent pas, il sourient ou alors regardent l'horizon fixement. Ils s'entraînent. Ensuite je vois un énorme mouton, gros comme une vache, il est ouvert du dos au crâne, et des organes dégoulinent sur son corps bien qu'il soit encore debout. Je regarde l'organe rouge dégouliner dans sa laine et je vois, en transparence, à quoi cela me fait penser. Au cerveau de Kennedy dégoulinant sur sa face, le coup mortel. Et là, un soldat, le chef apparemment montre la bête du doigt : quelqu'un doit finir le rituel. Là, je vois tous les soldats attachés aux arbres et d'autres soldats leur font les pires horreurs. Mon coeur s'emballe. On les éventre, on les égorge, on leur coupe le sexe, on leur ouvre le crâne. Je fuis, je m'enfuis dans la jungle. Je monte. J'ouvre les yeux et je vois la télévision allumée. Un visage de femme sinistre y apparaît, les orbites noires, les lèvres gercées : on dirait une asiatique, un fantôme chinois. Alors je redescends ? Qu'est-ce qui se passe ? Je me demande où sont les soldats. J'ai le sentiment que je ne trouverai pas ce que je suis venue chercher. Je ne suis plus tout à fait certaine de savoir ce que je suis venue chercher. Je suis venue chercher quelque chose d'important. De gros bouillons dans l'Atlantique, quelque chose essaie de s'échapper des profondeurs de l'Atlantique, c'est ce que j'entends de là où je suis. Je ne dors plus tout à fait, mais je ne suis pas éveillée non plus. Je suis allongée mais j'ai le sentiment que j'ai la tête en bas, que le canapé monte, je pense : tiens mes pieds sont surélevés, ce qui est bon pour la circulation sanguine. Mon coeur envahit le monde entier, son battement est une musique formidable, je suis émue. J'en suis émue aux larmes. Je garde les yeux fermés et je vois dans la cavité ce coeur qui m'a été donné pour un temps limité, et j'en suis toute émue. Et je vois un visage à côté, qui lèche ce coeur. C'est un visage androgyne. Cela me fait peur. Et je me rends compte qu'il s'agit... D'une de mes toiles. Comment... Que faire pour sortir de la peinture ? Je vois sur les murs des traces de mains rouges : c'est moi. Est-ce que c'est réel ? Cela me semble réel. J'ai peur : la peinture va foutre en l'air le mur. Je pense. Denis va m'en vouloir et pas comprendre. Et puis les traces disparaissent, il y avait des lettres en hébreu. La télévision me semble à l'envers, les meubles aussi. Je me rends compte que je plane mais que c'est merdique : il y a des échappées belles et d'autres plutôt moches. Il faut que j'en sorte maintenant, je n'ai pas trouvé. Mais on ne veut pas me laisser descendre. Le canapé est posé sur le plafond, la lumière scintille, mais j'entends le téléphone qui m'écorche les oreilles. Je sais qu'il sonne réellement : c'est trop strident pour être une hallucination. A ce moment précis, je me rends compte que j'hallucine réellement. Et j'ai envie de me faire prendre par tous les côtés possibles. Et j'ai surtout envie de me faire payer pour ça, gratuitement ça m'a toujours dégoûté, finalement je me rends compte que j'ai une certaine morale que je ne soupçonnais pas, hé. J'ai peur que Denis ne revienne de l'Amérique et ne me trouve dans cet état. Le jour change d'un coup et se transforme en nuit. Je cherche pendant des heures, ce qui me semble être des heures, les interrupteurs des halogènes. Finalement je trouve : c'était dans un tas de fils de tissus, électriques, j'ai même eu la sensation de toucher plusieurs... tuyaux d'arrosage. Je me retourne et je vois un homme assis sur le canapé. Je vais à côté de lui. Je lui prends le bras. Il porte un costume. Et en dessous rien. Je vois ses poils qui dépassent ce qui  m'excite, je mouille plus que de raison déjà. Ses yeux sont noirs comme la mort et son visage est... Il avait l'air... Quelque chose n'était pas normal chez ce type, il dégageait un sentiment déchirant, attirant et répugnant. Il me caresse. Il est bronzé, d'habitude je n'aime pas les peaux bronzées mais là j'avoue, c'est magnifique et ça lui va bien. Nina Simone chante dans mon oreille : "j'ai ma vie, j'ai ma liberté, j'ai mes seins, j'ai mon sourire". L'homme ne dit rien. Il ressemble à qui déjà ? A quelqu'un en particulier. Il m'embrasse avec douceur, lentement, et je garde les yeux fermés. J'ai toujours trouvé ça con les gens qui gardaient les yeux ouverts en embrassant. Cette pensée, à cet instant, m'obsède : on voit qu'ils ne sont pas réellement humains, lorsqu'ils embrassent en gardant les yeux ouverts. J'entends Denis dans le bureau à côté. Il est rentré, mon Dieu ! J'ai très très peur. J'ouvre la porte du frigo, pendant que je me fais embrasser dans le salon en même temps. Une petite fille en pyjama me tend la bière que je voulais : je n'achète pas de bière pour moi, seulement pour Denis, je ne bois pas de bière. Je n'aime pas la bière. Je suis rabat-joie. Denis me disait ça, à cet instant précis, je m'en souviens : il m'avait dit tu es une rabat-joie, parce que je ne buvais pas d'alcool, ensuite il m'avait embrassée. L'homme continue de m'embrasser. Je sens sa chaleur par vague m'envahir, son désir est intense. Je sens mon coeur se briser en mille morceaux d'amour. C'est à cause de l'amour. En une seconde, il me baise dans le lit. D'autres hommes attendent leur tour. Je vois une file de la chambre jusqu'à l'extérieur, dans toute la ville, et ça va encore plus loin. Je monte. Voilà je remonte. Je sais que je remonte. Mon coeur s'emballe à nouveau. Il me baise, non, je ne voulais pas ça. Il me met un oreiller sur la tête et j'ai le sentiment de revivre une scène de Rosemary's Baby. Il le voit dans mon esprit que je pense à ce film, il me dit : tu crois que je suis le Diable ? Tu crois en l'existence de Satan ? C'est vraiment de la merde que j'ai pris pour monter, je pense. Il me regarde fixement en me labourant le bas-ventre. Il y a plein de sang ou quelque chose. Je monte. Je m'endors. J'ouvre les yeux, je suis dans le noir, dans la chambre. Je lève les bras, comme si je tentais d'attraper quelque chose. Tous sont partis. Le plafond s'ouvre. C'était d'abord un tourbillon. Il y avait des lumières fantastiques, tellement belles que je ne peux pas décrire. Je me rends compte que je ne monte pas de mon seul chef, je me rends compte que c'est quelqu'un qui est venu  me chercher en bas. Ce quelqu'un voyait que j'étais prisionnière de boucles. Ce quelqu'un est allongé à côté de moi, sur le lit. Dans le noir. Ses yeux sont étrangement lumineux et sa peau est noire, mais pas comme un homme noir, elle est différente. On dirait... Qu'il est brûlé mais il ne l'est pas. Ses cheveux sont féminins. Il me regarde et ses yeux sont noirs, mais humains, seulement ils dégagent une lumière comme une petite lampe de poche à la lumière blanche. Je lui demande pourquoi je vois toutes ces lumières. Il me dit : parce que tu n'arrivais pas à les atteindre seule. Moi : C'est vous qui m'avez amenée ici ? Lui : Non. Moi : Comment vous vous appelez ? Lui : je n'ai pas de nom à te donner précisément. Ce n'est pas le but de ma présence. (A présent je pleure, les lumières sont fantastiques). Moi : je vois toutes ces choses parce que je suis apte à les voir. Lui : il arrive parfois qu'on cède quand le moment est venu. Moi : combien de temps je vais monter encore comme ça ? Mon coeur ne tiendra pas j'ai le sentiment. Lui : et l'avenir tiendra-t-il assez longtemps pour que ton coeur tienne ? Moi : j'ai besoin de savoir qui vous êtes. Lui : considère-moi comme un ami. Son nez crochu ne m'incite pas à le croire. Je lui dis : je ne vous crois pas. Lui : je sais. Mais cela importe peu. Regarde.

Les lumière explosent dans un tourbillon et sont jetées dans tous les côtés de la pièce qui disparaît lentement, bien que je reste allongée. J'entends des rires, ce sont ceux de Claude et d'Anne. Ils semblent heureux mais ils se trouvent bien en dessous de moi, physiquement en dessous. Je suis très haut maintenant. Mon ami est là mais je ne le vois plus. Je répète dans ma tête : je ne suis pas prête. Je ne suis pas prête. Je n'ai pas de forces pour l'instant. Mon ami retrouve sa place à côté de moi sur le lit. La pièce réapparaît, et le tourbillon recommence au plafond. Il pose sa tête contre sa main droite. Son bras est plié. Je ne vois pas très bien ses vêtements, seul son visage ressort de l'obscurité. Il me regarde avec neutralité, il me dit : tu ne peux pas revenir en arrière à présent. Je lui réponds : et si je n'étais pas prête ? Lui : personne n'est prêt à rien. Moi : c'est trop difficile à porter ce que j'ai fait. Lui : je comprends. Continue. (Mon cerveau, mon coeur, mon esprit, je sens que tout ça va exploser, et je sens que ça va mal se finir. J'ai ce sentiment étrange que quelque chose de terrible va arriver). Je pense que je devrais le dire à mon nouvel ami : quelque chose de terrible va arriver. Lui : mais tout ce qui arrive est terrible. Moi : je voudrais que ça s'arrête tous les jours, tout ça. Lui : tu trouveras, après la fin de tout ça comme tu le dis, pourquoi ça s'arrêtait à chaque fois que quelqu'un disparaissait. Tu trouveras. A présent, dors et fait un rêve, ensuite tu le noteras dans ton carnet. Une main me ferme les yeux. Lentement, avec douceur, sans me forcer. 

Les lumières étaient jetées sur tout ce qui était vivant. Je suis dans la jungle et une bête qui ressemble à un mouton, mais grosse comme une vache, saigne. Elle marche vers nous. Elle est gravement blessée. Un homme torse nu la montre du doigt. Je me rends compte que je sais ce qui va se passer, j'ai déjà fait ce rêve il y a quelques heures. Exactement. La cervelle du mouton géant dégouline dans la laine, et je vois Kennedy recevoir le coup mortel, celui qui lui explose le crâne, on voit sa cervelle dégouliner sur le côté droit de son visage. La panique me prend, je vais assister à un carnage. Dans cette jungle. Un homme me dit : c'est à cause du Christ. Ce sont tous des soldats, tous torse nu. J'ai peur, je reste malgré cela. Je dois rester. Je dois revoir ce que j'ai déjà vu, mais je n'étais pas supposée l'avoir déjà rêvé. J'entends les rires de Claude et d'Anne quelque part : ils ne sont pas loin en dessous de moi mais au même plan que moi, partout autour de moi, dans cette jungle. Les soldats sont attachés par d'autres soldats. Ils se font éventrer, je vois tout. On leur fend le crâne, on les émascule, on les brûle. Je vois tout. C'est terrible. Au dessus des arbres, en plein jour, le ciel bleu est ébranlé par un éclair. J'entends le bruit de mon réveil. Je me réveille. La bouche pâteuse dans le noir. Je suis revenue, je m'en rends compte. Et j'ai le sentiment d'avoir baisé avec le Diable, sentiment que j'avais déjà eu autrefois en prenant le même type de substance. J'ai le sentiment également que j'étais bien plus proche de la Source que maintenant, dans cet état d'humain, cet état sinistre qui se prend pour la clé de tout le Royaume. J'ai la nausée mais je me fais du thé. La réalité paraît plus difficile à supporter, mais paradoxalement, je me sens bien plus capable de la supporter qu'auparavant. Tout ce que j'étais allée chercher ne m'a pas été donné directement. J'ai le sentiment de l'avoir touché du doigt, et de l'avoir intégré en moi : mais je ne peux pas le voir, je ne peux pas l'entendre. Non pas que mon oreille ne soit pas assez fine pour cela. C'est juste que j'étais allée chercher quelque chose que je n'avais pas le droit de prendre. C'est pour ça que je l'ai en moi sans y avoir accès : je n'ai pas le droit de l'entendre, de le voir, de le toucher. Toucher, on a le droit. D'embrasser ou de caresser la peau d'un homme, dans laquelle on a l'envie de se perdre...

Depuis bien longtemps que nous ne touchons plus les mains avant les yeux.

Très chère Mary.       

rubberjohnny_big

19680883

Publicité
Commentaires
Publicité