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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
21 décembre 2007

Café de Flore

serious_promo

   Petite dinde,
au passage, je suis au-delà des grrrrosses idées, qui s'amenuisent d'ailleurs, au fur et à mesure que je (re)bâtis la maison de ma femme, de ma fille, de mes amis, et même de ma mère. Magnifiques, eux, pas vraiment morts, ni misérables, ni objets de littérature à ta façon.
Chacun sa coupe, et son talent, et ses rencontres.
Hermann

"Toi, tu n'es pas vraiment mort, tu es pleinement vivant"

Angeline

Il existe une dépression à la française. Comme la musique électro, la french touch. Si si je t'assure, quand je vois la façon dont la dépression est traîtée aux Etats-Unis. J'ai hâte. J'ai hâte. Je prépare mes affaires le matin. (Il bande mais ne m'en dit rien). Ton fils a téléphoné, il voulait m'embrasser, me souhaiter de joyeuses fêtes, il m'a dit avoir envoyé une carte, j'ai parlé avec ton ex-femme. Les êtres téléphonent aux non-êtres et parfois même vont dans leur maison pour leur souligner à quel point ils existent. Bien sûr tout ça n'est rien, bien sûr tout ça n'a pas de vraie importance. On se réconforte comme on peut. La plupart des gens qui veulent leur premier enfant le veulent pour eux, en fait toujours. On fait les enfants pour eux m'avait dit Dominique, mais ça c'est bon de se le dire, de se le chanter une fois soixante ans passé. Dominique n'est pas au-delà des grosses idées, et ouf, elles ne s'amenuisent donc pas. Me voilà soulagée, Dominique. C'était bien cette Bonne Soeur, Dominique nique nique. La pauvre, elle s'est suicidée. Elle a bien fait si tu veux mon avis. Mon père voudrait que je passe Noël avec lui, mais soudain j'ai vu la façon mensongère dont je le percevais. J'ai toujours eu besoin de l'idéaliser, d'avoir au moins une figure masculine stable. En même temps, le Père Noël... Tu sais, j'ai besoin de toi mais toi tu as besoin de l'Amérique. Et je prends beaucoup de plaisir à téléphoner aux Etres, pour leur dire à quel point je peux être un non-être. Toi, tu n'es pas vraiment mort, tu es pleinement vivant. Ta lumière vient parfois jusqu'à moi, jusque dans mon sommeil. Je tente encore parfois de me masturber le soir pour me soulager, pour me fatiguer sans grand succès. C'est comme de manger quelque chose qui été trop cuit. C'est comme de tenter d'apercevoir qu'au bout de l'Amérique il y a Hollywood. Rien n'est moins certain si on tente d'apercevoir le bout de l'Amérique depuis New York. Mais j'ai accepté d'aller déjeûner avec Marc, il a téléphoné, il voulait. Il insistait. Et puis en ce moment je recouvre mes peintures de noir, donc mieux vaut ouvrir les fenêtres. Les conseils des sous-êtres, qui parfois viennent ici. Ils feraient mieux de continuer la retape, tout ce qui est magnifique ne suffit pas. J'ai mangé du poulet avec une sauce au goût et à la texture qui m'étaient inconnus. Marc avait les yeux brillants, il souriait tout le temps, c'était un rictus terrible au bout d'un moment qui me gênait plus qu'autre chose. Je me suis demandée si dans sa maison, il y avait les clés pour ouvrir d'en bas la bouche et la tirer de tous les côtés comme il le faisait. Je me suis demandée ça. J'ai parlé de Denis. J'ai dit : "il veut qu'on vienne à Paris à son retour des Etats-Unis". Marc me répond : "vous saviez que les Etats-Unis ne sont pas exactement la même chose que les Etats-Unis d'Amérique ?" J'ai fait un sourire, qui était forcé, je le sentais. Oui je le savais. C'est compliqué n'est-ce pas, de savoir ça (la lumière passait dans le verre de vin c'était magnifique). Les gens, eux, passaient dans la rue, comme des torpilles. J'avais un peu la nausée, cette sauce probablement. Mais le ciel était bleu et Paris chantait dans mon coeur son odeur souvent impressionnante dans ses ruelles, à chaque fois c'est comme si c'était la première fois. Que je venais. Et à chaque fois, je me demande si je vais tomber sur une copine de notre époque, de mon époque, de ces temps anciens (il y a presque sept ans) où nous étions à l'école du désespoir, apprendre que finalement, nous n'étions pas obligé d'en souffrir. Autant qu'on nous le disait. Qu'on pouvait en souffrir mais seulement dans notre petit coin, notre petite maison, dans laquelle certains mettent femme (ou homme), enfants (petites filles, petits garçons), parfois ils ont fait la retape pendant longtemps pour drainer tous leurs projets d'avenir (qu'on peut faire ensemble). Avec des animaux aussi dans la maison et Dieu aussi parfois. Pourquoi pas. Marc attendait quelque chose, il m'avait parlé d'une maison qu'il n'avait pas retapée : il payait pour qu'on lui fasse. Mais il en parlait comme s'il était en train d'en faire la retape lui-même. Ils viennent me parler de leurs maisons, les gens. Rares sont ceux qui évoquent l'univers avec moi, j'ai le sentiment qu'ils n'aiment pas ma version de l'univers, pourtant nous vivons dans le même système solaire, hélas. Derrière ce mur, tu vois, il y avait une cheminée, et derrière cet autre une femme emmurée. Si si je t'assure. Je souriais en regardant les restes de mon repas : on aurait dit les cadavres frais du Rwanda, étalés par terre, ce qui me rappelait une scène d'Hotel Rwanda justement, bon film mais un peu trop lisse. On voit dans la scène Don Cheadle, l'excellent Don Cheadle en voiture et tout d'un coup la voiture semble rouler sur un chemin cahoteux. Très cahoteux. Une étrange brume envahit les lieux comme autrefois lorsque nous allions, ma famille et moi, dans les montagnes d'Espagne. Tout d'un coup, cette brume se dissipe (normal, c'est du cinéma). Et on voit tous les corps qui recouvrent la route sous le regard médusé de Don Cheadle. Cette scène m'avait marqué dans un film qui se voulait sobre sur ces événements. Marc me faisait penser à ça. Mon repas, ses restes, ressemblaient à cette scène. Je me suis demandée s'il fallait que j'en parle à Marc. Mais il essayait d'ouvrir ma maison. Ses petites questions ne trompaient plus son monde du tout. Je me demandais s'il fallait que j'aborde la question directement. Frontalement. J'ai regardé dehors et je me suis demandée : si ça se trouve, untel venait de passer, untel que j'aime bien, que je lis parfois, untel qui me semble vouloir progresser, qui cherche, qui cherche, dans la terre, dans le coeur, dans la chair, dans les morts. L'univers est si beau, je n'aurais pas voulu de ces temps où il n'y avait pas de nuit sur la Terre en formation. Rares sont ceux qui veulent envisager l'univers tel qu'il est, non pas tel que je le décrète, ou tel que le décrète la télévision, mais tel qu'il est. Non pas tel qu'ils le désirent. Cette voie doit exister quelque part. J'ai pensé que Marc répondrait à ceci par : ma douce, ne soit pas un papillon de nuit. Ne soit pas un papillon de nuit, attiré par la flamme d'une bougie. Ne brûle pas tes ailes. Ils sont tous comme ça, ne brûlent pas tes ailes. Fais gaffe, ne brûle pas tes ailes. Tu devrais aller dans le  bon sens, comme les belles personnes sensées et magnifiques. Ils sont tous comme ça. Sans penser une seconde que les femmes-phalènes ça n'existe pas, seuls les hommes-phalènes existent. Les pères se demandent pourquoi leurs fils et leurs filles brûlent leurs ailes. Mais Diable, oui pourquoi. J'ai dit à Marc : je me demande ce qu'on est en train de faire là, réellement. Il s'est arrêté net, il a cligné des yeux comme on fait parfois quand on ne comprend pas quelqu'un qui vient de nous dire quelque chose, souvent une question qui nous est difficile d'intégrer au moment même. Et bien j'ai développé, toujours en souriant. Je lui avais demandé une cigarette, à quelqu'un (à qui ?). Je voyais double ? J'ai dit à Marc : Je veux dire, pourquoi... Pourquoi vous me demandez ça ? (Il avait demandé quand Denis rentrait, si nous pensions mariage, et quelque chose avait lâché en moi). Vous êtes père de famille j'ai dit à Marc. Il a répondu : "vous vous méprenez encore une fois sur mes intentions ou vous voulez absolument que..." Je l'ai regardé : "que quoi ?" j'ai dit froidement. Il faisait froid. La première fois il m'avait paru plus sympathique. Il avait fait froid aussi la première fois. Beaucoup plus sympathique dans sa maison cet homme-là, des ouvriers font la retape. Mais c'est comme ça, les gens, petite fille, tu verras, tu verras leurs défauts bien assez vite, tu verras qu'ils font de leur mieux, il existe une dépression à la française (et ton père en est atteint, hélas, sinon ça ne va pas tarder), comme une guerre à l'américaine, et comme une nuit américaine aussi, ce film surestimé un peu partout. J'ai regardé Marc longtemps, et je me suis rendue compte que je tenais une cigarette entre les doigts, ça faisait des semaines, des semaines, voire des mois (et si j'ai dit le contraire ici, alors je mentais, je me mentais bien entendu). Il a dit ensuite en rougissant presque : bon...euh... Il avait cherché à m'intimider dans un premier temps, ce qui n'avait pas fonctionné, à son grand désarroi (disons qu'il était juste un peu déçu). Dans le style : mais que racontez-vous donc, jamais je n'aurais eu cette pensée, cette pensée vient de ce que vous voudriez vraiment voir arriver... Et là : bon...euh... Je ne sais pas pourquoi je pense à vous comme ça... Mais j'aime bien votre compagnie, parler avec vous. J'ai failli éclater de rire mais finalement j'ai pensé que ce n'était pas drôle, et j'ai pensé que mes nerfs n'avaient pas à s'exprimer de la sorte. Dans un rire nerveux, bien sûr. Il se mettait à nu, enfin, il avait peur mais il le faisait. Il n'avait pas besoin de ravaler, d'étouffer le poulet. Je lui ai demandé : d'accord... Vous n'avez pas envisagé autre chose, parce que je dois dire que si j'y pense, c'est parce que j'ai le sentiment que vous y avez pensé le premier, je sais, peut-être que j'invente, peut-être que j'hallucine, peut-être que je me prends pour une super bombe qui pourrait vous faire tourner la tête... Peut-être que je me trompe tout simplement. Mais comment ne pas y penser ? Ce n'est pas moi qui suis malsaine. Ensuite, je me suis remise dans mon dossier en continuant de le fixer dans les yeux. Il était paralysé. Le pauvre j'ai pensé avec recul. Le Café de Flore n'était pas loin, c'était peut-être... Non. J'avais envie de me tirer de Paris. J'avais envie de retrouver Phil ici, qu'il me donne quelque chose pour bien monter. Marc a répondu : je suis désolé. Je vais demander l'addition. Il était rouge comme une tomate. En sortant, il a dit : inutile que... je vous rappelle. Il sourait d'une manière gênée. Je lui ai fait un bisou sur la joue. Je n'aimais pas l'odeur de cette dernière, je lui ai dit : on se reverra quand Denis sera rentré. En lui tournant le dos, j'ai pensé : putain, j'aurais pu lui dire autre chose, du style : allez retrouver votre femme, faites lui l'amour, essayez de voir en elle ce pour quoi vous lui avez fait des enfants. Mais ça n'aurait pas été pour lui : ç'aurait été pour moi, par amusement. Ou pour comprendre quelque chose. J'imaginais sa mère : morte depuis longtemps. Il avait peut-être fait retapé la maison de sa mère comme Hermann celle de la sienne. En quoi ça me concernait ? (Mystère). La maison de la mère de Marc était morte depuis longtemps avec la mère dedans. Je ne savais pas comment, j'imaginais de vieillesse, usée. Marc devait beaucoup aimer sa mère, vu comment il se comportait avec moi. En rentrant j'avais pitié, un peu. Je suis passée devant le Queen, et j'avais envie de m'arrêter sur un banc mais... Il faut éviter d'entrer en collision avec les corps là-bas. Comme dans le film. Collision. Avec Don Cheadle, qui me tripait bien depuis le midi. En plus d'être un bon acteur (quand on lui donnait quoi faire), il était beau comme Dieu. J'ai tout de suite pensé à Claude, le futur mari de Anne : elle avait de la chance d'aimer un Noir. J'avais toujours aimé avoir des pensées racistes telles que celles-ci : justement parce que je me rendais compte que c'était raciste et que ce n'était pas moi, ça m'amusait terriblement. J'en avais tellement plus, des pensées racistes, concernant les hommes blancs. Ce genre de pensées tordues, si vous les partager avec l'extérieur, peuvent avoir de graves conséquences et vous mettre dans des situations bizarres. Mais j'avais toujours su quoi faire dans ces mêmes situations bizarres pour me sauver en quelque sorte, pour me préserver, pour empêcher le monde de focaliser : l'univers est une rareté. Denis m'a dit : le racisme en Amérique est beaucoup plus insidieux qu'en France et il ne provient pas de la même origine : en France, c'est clairement culturel. Aux States, c'est uniquement le capitalisme qui est la pire source du racisme. Mais avec le 11 septembre, c'est de plus en plus culturel. En fond de toile. Denis se verrait bien vivre là-bas. Il ne me le dit pas mais je le sens. Il faut que je l'épouse avant, qu'il me fasse un enfant, pour que je puisse lui demander une pension alimentaire, parce qu'il s'il venait à disparaître je pense que je n'aurais pas le choix, enfin si, je pense que je reprendrais la prostitution. Je peux toujours être infirmière ou aide-soignante, j'ai mon diplôme quelque part, entre des lettres d'Antonio. Mais non, je pense que je reprendrais la prostitution, pour me faire beaucoup de fric très vite. Comme ça j'aurais des choses plus ordinaires à raconter que : comment faire entre tout l'univers entier dans une maison, retapée en plus. Je me demande si la fille de Hermann, dans son dos, se fait troncher comme une salope, peut-être qu'elle n'a pas l'âge de la retape et d'avoir...ah...sa propre maison. Mais bon ça viendra, avec un peu de chance, elle sera même d'accord et volontaire. Car l'Amérique est une maison où on peut facilement prendre n'importe quelle fille à son papa. Je vois, je vois... Je vois... Denis en Amérique dans dix ans. Que seront-nous devenus dans dix ans, Denis, avant d'autres enfants. Une Américaine quelconque, qui croit en Dieu, qui a un job pas mal, dans un nouveau complexe financier qu'on regrettera encore dans le futur. Je vois bien tout ça. Oui. Je cherchais des disques dans le rayon import, je cherchais Axe Riverboy, seulement pour une seule chanson que j'avais entendue, Roundabout, j'avais cherché. Mon père a téléphoné, j'ai pensé : la maison de la perfection... Au bout d'un an de veufage (ah!) avoir quelqu'un d'autre... Je lui en voulais en fait. Je lui en voulais mais je me disais le contraire. Je lui disais le contraire. Mais le plus grave c'était de me dire le contraire, en fait. Je lui en voulais. Alors qu'il fût une époque où je priais pour qu'il la quitte. Cette femme dont les enfants étaient des roses. Elle avait bien un fils, un fils, oui. Thomas. Mais c'était tout. Claude et Anne m'ont proposé de passer Noël avec eux, François et sa femme aussi, ils ne veulent pas que je sois seule pour Noël. François n'a pas retapé la maison de sa mère, je ne pense pas (quand bien même). Cette maison a dû être taillée dans un énorme et unique bloc de roche. Une sorte de Pandore en énorme. Je me suis demandée si Marc pensait pouvoir m'intéresser. Parfois je me demande ce qui peut bien pousser un homme qui a du magnifique chez lui d'aller s'encanailler sur des blogs avec deux ou trois idées, la pitié sans doute (mais la maison abandonnée brûle-t-elle pour l'Atlantique ?). Beaucoup de gens seront seuls pour les fêtes de fin d'années, et beaucoup vont tenter de mettre fin à leurs jours, beaucoup réussiront, voilà le vrai courage, s'envoyer en l'air pour ne plus voir ça : L'univers. Le vrai courage aussi c'est de comprendre pour moi qu'il est pleinement vivant. Pleinement vivant. Oui. A l'autre bout de l'Amérique, le Père Noël existe et il fait du bruit avec ses clochettes, son traineau passera au dessus de nos maisons, il passera me voir aussi, et si ça se trouve, je vais lui demander s'il pensait sincèrement me berner de la sorte avec sa barbe et ses grosses bottes. J'ai baisé plus moche que le Santa Clause. Oui, comme je le dis, comme je l'écris, comme je le pense, comme je le ressens, tu es mon soleil. Pleinement vivant, pleinement brillant. Oui. Heureusement. Oui. Les grandes respirations ne sont là que pour nous tromper, ne laisse personne entrer en toi, te posséder. J'accompagnais un homme et une femme, ils se disputaient dans des jets de boue terrifiants. Un éléphant se transformait en taureau et coupait la main droite de la femme qui tentait ensuite de la ramasser. Elle la perdait dans la boue. En pleurs, je l'accompagnais chez elle. Elle me disait : il faut que je prenne une douche, il faut que j'aille en chirurgie. Et je lui disais : oui, ils vous feront un très beau moignon. Et là je me suis réveillée. J'ai analysé ce rêve ensuite en l'écrivant avec les autres et j'ai conclu la chose suivante : rupture avec quelqu'un. La main droite coupée. C'est classique, perdre un membre dans un rêvre, perdre une relation dans le monde éveillé. C'est logique. Mon père trouva qu'il y avait beaucoup de bruit autour de moi : j'ai dit : normal je suis à Virgin. Comment ça va ? Je continuais de fouiller dans les disques quand j'ai vu un homme splendide, les cheveux et les yeux noirs comme l'ébène. Un costume noir, et un polo bleu marine en dessous, il devait avoir froid j'ai pensé. Mais je me suis aperçue d'une chose : que même provinciale, je fonctionnais à Paris. Et si je rencontrais des "copines" de mon ancien travail ? Et si seulement Phil pouvait m'apporter ces maudits champignons plus vite, j'avais prévu de monter haut dans le ciel. Le jour de Noël. Seule chez moi. Il me fallait voir une vision déformée de l'avenir comme je l'avais vu autrefois, adolescente, en prenant ces cochonneries. Je voulais recommencer, même si c'était très mauvais pour le coeur, ça le faisait vieillir, il en prenait un coup. Mais je me sentais plus forte que la mort, plus forte que l'univers et plus forte que les ombres. Leurs promesses n'étaient que de beaux mensonges, c'était donc beau mais ce n'était que ça : une chose à regarder. Aucun frisson n'était à prévoir. Mon père n'osait pas aborder la question de Noël. Ce que ça pouvait me prendre la tête cette année les fêtes de fin d'année. Si seulement Ben Laden venait balancer des avions sur Paris je me disais, en voyant cet homme me regarder parler au téléphone avec mon père. Il me regardait en coin. Il était sexy comme le Diable. Et ses yeux perçants indiquaient peut-être une activité spirite à l'intérieur de sa maison, qui n'était pas retapée : c'était du marbre, comme dans les cimetières. Les maisons. Je le regardais parfois en parlant à mon père, auquel j'ai demandé : pourquoi tu ne me poses pas la question que tu sembles avoir envie de me poser ? Il ne savait pas comment tourner la chose. J'ai dit : papa... je t'en prie. Comme un truc lourd, lourdingue quoi. Il a dit : bon, visiblement, tu m'en veux parce que j'ai quelqu'un si vite après la mort de ta mère, c'est bien ça ? J'ai dit : je t'ai toujours dit que non, mais en fait je crois que ça voulait dire oui. A l'époque je pensais que non, mais là c'est au dessus de mes forces. (Mon père si ça se trouve n'a jamais pensé que je disais la vérité au sujet de mon oncle et moi). Là, il a commencé à être nerveux et austère et froid : bon, très bien. Je t'ai proposé de venir mais tu ne viendras pas. Je t'appelle le soir de Noël pour t'embrasser et pour le nouvel an. Restons-en là pour le moment. J'ai demandé : tu es en colère contre moi ? Lui : Un peu mais ça va passer. Et puis comme ça tu pourras aller voir tes amis. Je t'embrasse je dois y aller. Et il m'a raccroché au nez. Mon père. Mon père me faisait ça : un caca nerveux, une crise de vieux parent qui a le sentiment d'être devenu l'ado de ses enfants. Cet homme a tenté de m'aborder en souriant, à Paris ça m'arrivait de temps en temps, une fois même en compagnie de Denis qui avait menacé le mec de lui en foutre une. Le mec, un dandy hétéro (ça existe car en fait ils se prétendent bi, mais tous sont hétéros ou homos, surtout à Paris, comme de Droite ou de Gauche) avait détalé comme un lapin. Et là, l'autre mec me demande : des ennuis familiaux ? Je le regarde en raccrochant et je lui fais : pauvre con. Et je change de rayon. Je sens qu'il me suit. Il semble vouloir quelque chose mais je parviens à accélérer le pas, je me retourne et je vois qu'il s'arrête et qu'il se barre, le visage fermé et les yeux très noirs. A tel point que j'en ai eu peur. En sortant, j'ai été éblouie par le soleil...

"En sortant, je suis ébloui par le soleil. Je pense à toi tout le temps. Tu vas trouver ça lourd. Tu es mon moteur, mon moteur et je sais pourquoi je turbine de la sorte en Amérique. Plus que...deux petites semaines pfff. Pour revenir. Je suis parti pour revenir, ce qui est très con, mais je n'ai pas le même talent que toi, pour rendre intelligent tout ce qui est con dans l'être humain. Ce que je veux dire par là c'est que tu vas au-delà des apparences, c'est ce que j'admire le plus en toi. Ce qui me chagrine c'est que tu n'appliques pas ça à toi-même. Tu es meilleure que tu crois. Meilleure que l'éblouissement du soleil, tu vois. Tu es meilleure que moi, j'ai le sentiment de me raccrocher à toi depuis que je suis ici, c'est terrible. Mais je sais pourquoi : tout le monde cherche sa source de lumière chez un autre. Ceux qui ne le font pas je ne peux que les plaindre. Ici les gens sont froids et chaleureux à la fois, c'est étrange. Je sais que tu détesterais. J'en suis sûr". Il écrit parfois des e-mails comme ça. On rentre en collision avec les autres sans comprendre pourquoi (ce qui nous arrange), le Café de Flore n'était pourtant pas loin. Je n'aurais pas dû dire ça à Marc, j'aurais dû lui dire que : cette fois, ça n'est pas agréable de vous entendre vous gargariser de vous-même. Ce n'était pas agréable et ce poulet et cette sauce étaient dégueulasses. Tout ne fonctionnait plus comme le premier rendez-vous, nous aurions dû baiser au lieu d'essayer de nous charmer. J'aurais pu avoir Marc, laisser les champignons de l'avenir à Paris, ne pas penser au Café de Flore, et ne pas aller à Virgin, me faire dévisager par un homme qui pensait que j'avais des ennuis de famille. Mais j'ai fait tout ça quand même, même si j'aurais pu faire le contraire. Je fais souvent le contraire de ce que je veux faire. C'est malin (diabolo in music-hall). A cause d'un père qui prenait enfin son indépendance vis-à-vis de sa fille. Mais non je ne peux qu'être éblouie par le soleil, ce n'est pas un mensonge, ni même une façon de me laisser aveugler. Il y a des gens qui se laissent aveugler, heureusement, je ne fais pas partie de cette population-là. Je ne me laisse pas aveugler par la maison qui avait besoin d'être retapée. Mais je n'aurais pas dû être si désagréable avec Marc. J'ai regretté et je regrette encore, après coup. Devant Claude et Anne, j'ai dit : oui, je viendrai. C'est d'accord. Ils auront des parents ou des amis avec eux, beaucoup de monde sera là et ils semblaient ravis de me voir dire : oui. Ensuite, dans ma voiture j'ai ouvert ma boîte à gants avant de démarrer et à côté du petit sachet sous-vide rempli de champignons comme au temps de mon adolescence perdue, j'ai jeté mon portable, dans lequel il y avait un sms d'une personne que je ne désirais pas lire à cet instant précis. Le numéro commence par 06 27 34. J'étais arrivée chez Anne et Claude en disant : à Paris je me suis faite draguée par un gros connard. Sur la route j'avais reçu un coup de fil de leur part, ils me demandaient si je pouvais venir. J'avais dit oui, avec une joie non feinte. Elle avait trouvé ça drôle, mon histoire avec le mec. J'ai mélangé Marc et le mec de Virgin, j'en ai fait une seule personne, pour pouvoir parler des deux plus vite et mieux. Son ventre chatouillait mon chakra du troisième oeil (hélas). C'est pour fin juin début juillet. Elle avait dit en souriant pleinement : je suis si heureuse ! Claude est arrivé avec le thé et a dit quelque chose qui m'a fait mal au coeur : oui, c'est bien que le bébé naisse au début de l'été. C'est notre saison préférée.


hindenburg5

19680883

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Commentaires
A
Dans son dernier commentaire qu'il est inutile de publier (en gros il se gargarise mollement et bombe le torse) j'ai trouvé les mots suivants : "dialogue de sourds". <br /> <br /> Je lui conseille donc vivement de trouver une personne qui pourra tenir avec lui un dialogue d'entendants. <br /> <br /> Joyeux Noël et Bonne Année.
M
Vous avez raison ! (c'est très visuel d'ailleurs, ce sourire fier)<br /> <br /> Le mien est rigolard, pour l'heure !
A
Dans le contrepoint Macha, n'oubliez pas le sourire fier aussi (ben oui, du temps qu'on rigole).
M
J’aurais adoré avoir un père qui s’adonne à faire le contrepoint de la vie des autres (Le mien n’a fait que de son mieux comme beaucoup, on comprend qu’il se taise)<br /> <br /> Et j'ai donc hâte d’avoir des maisons, une femme, et une fille, pour aller faire sur internet le contrepoint. Surtout de tous ceux qui essaient, qui rament et qui rêvent, les pauvres. Y'a de quoi se sentir fier, et fort. <br /> <br /> <br /> Au fait, « Hermann » , c’est bien le même que celui qui envoie grotesquement ses pavés de rédactions de philo , et assène des diagnostiques psychiatriques aussi utiles et sympathiques qu’autorisés et compétents ? <br /> <br /> Que la destinataire ne s’incline pas devant les poses pontifiantes d’un homme qui a encore besoin de se situer (signe incontestable d’équilibre narcissique et d’achèvement personnel), voilà bien qui méritait un grand coup de bonheur domestique et immobilier sur le paletot. D’autant que l’imprudente, en évoquant ses peurs, ses failles, ou son émotion devant certains couples solidaires, fourbit des armes contre elle – armes certes faciles et complètement nulles, mais ne cherchons pas le petit bête, qui fait lui aussi comme il peut, et comme il ne peut pas.<br /> <br /> Une vraie leçon de real life et de noblesse.
A
Mais pourquoi (oui Diable pourquoi) viennent-ils ici se prendre pour des juges et des gardiens de prison ? Voire même des matronnes ?<br /> <br /> Les magnifiques attendent derrière et j'ose espérer qu'elles affichent meilleure fraîcheur faciale que le père quand on se poste devant l'écran. (J'ose espérer, ah.) <br /> <br /> Voudrais-tu que je te mette en relation avec Francis, vous feriez malheur dans un livre à quatre pieds.
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