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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
9 novembre 2007

Hey, Little Boy

Transformistesteveluncker

Le trapèze est décapité, je ne sais pas si tu as remarqué, que tu devrais avoir ton propre trapèze. Seuls souvent ils surinvestissent dans leur travail, dans leur carrière. Pour ne pas trop penser à ce qu'ils sont en réalité. Se sentir misérable n'est qu'un état d'être, d'âme, les vrais misérables se sentent grandiloquents. Comme les riches peu dépensiers, les pauvres oui. Les vrais misérables s'ignorent souvent, ou se voient dans un rôle monarchique. Ils se sentent misérables, mais ne le sont pas en réalité, comme je l'ai dit avec aplomb. Je parlais de gens bien précis, évidemment, c'est moins bon si je fais comme si c'était des généralités. Si je ne donne pas le nom, le prénom, le nom entier, prénom + nom, c'est beaucoup moins bon, moins délicieux, moins intéressant. Après j'ai des parasites qui viennent avec leurs pieds puants, qui viennent m'apprendre la vie, je suis pas dans la merde. Ecoute, seul, seule, nous devons décapiter cette chose pour en faire un trapèze. Trapèze veut dire pouvoir. Je sais que tu ne comprends pas. Et toi, je sais que tu m'entends. Je fais des efforts, seule, seule, pour ne pas me toucher Emile, c'est très dur, très difficile. Non en fait. Je ne souhaite plus me moquer de vous, vous me manquez. Non plus en fait. Votre trapèze est loin de prendre forme, après tout je n'en sais rien. Non rien de rien, je n'en sais strictement rien. Des choses de vous. Vous m'aviez invité, dans votre vie, pour une place, une place à genoux, entre autres, et j'ai refusé votre invitation, je n'aime pas les hommes qui m'admirent. Sexuellement je veux dire. Et qui veulent frotter leur sexe sur mon visage, comme vous me l'aviez dit dans un message. Et puis physiquement, vous n'êtes pas mon type. Et puis votre photo en sous-vêtements était particulièrement dispensable. Que c'est mufle d'envoyer ça à une femme, prise de surcroît. Il faut me tenir, je le concède à l'autre paic citron, il faut m'attacher, il existe un vieux film d'Almodovar avec Banderas et Abril je crois, Attache-moi. En France, les jeunes sont trop lâches pour exprimer leur colère à l'école, leur souffrance au collège, au lycée c'est trop tard, on est déjà sur la voie des adultes, Emile, mensonges et corruptions, presque entièrement, comme on peut te faire croire que le trapèze non décapité est plus utile et servira. Attache-moi. Je regrette que peu d'enfants ne se décident pas, en France, à tout flinguer dans leurs écoles. J'imagine tous les gosses de sixième, à la mitraillette dans leur établissement : seuls les adultes sont les proies. Amusant. Je fais des efforts Emule, Emile pardon, pour penser à vous, vous satisfaire. Je sais ce que je suis en train de faire, ne me dites pas le contraire, j'en suis consciente, avec vous. Là, en ce moment, tout de suite. Et puis je publiais vos messages, du coup, ça vous a fait peur. Cela devait rester secret, entre nous. Comme un S. Un S quoi. Comme dirait la magnifique Lady Chablis, The Lady Chablis. Vos souhaits de vie sont plus clairs que mes désirs de mort. Vous croyez en la vie secrète, Emile. Emile. Mimile. Vous m'entendez, vous êtes là ? Si je parle comme ça de vous, peut-être que vous n'allez plus le lire, si ça se trouve, vous étiez le seul, à me lire correctement. Seul là-bas, livré à lui-même, son sexe à porté de main, tout comme son coeur. Le coeur est à porté de main, trapèze fini, plus besoin de trembler. On décapite les êtres humains, parfois, pourquoi pas la saleté. Nous avons un muscle dans nos corps, le grand trapèze. En France on décapitait les coupables, malgré le petit risque qu'ils soient innocents, et les intégristes musulmans coupent la tête aux journalistes, parce que Allah le veut. Et bien, ce que veut Allah est mal. Il faut le dire. Et Jésus Christ veut continuer sa déchéance en Irak, Patrick, c'est mal aussi, enfin je crois. En fait non, on me dit que c'est bien, que c'est pour la liberté. Je respire mieux tout de suite. Ben tiens. Moi je suis seule chez moi, Emile, je suis seule et offerte, mais peut-être pas à vous. Le trapèze quand on est nue, c'est bien mieux qu'une piste de danse avec des connards qui répondent à l'appel de la morale et du vice, les faux-frères intimes ennemis. Il prend le téléphone, souvent, pense à moi souvent, toujours, tous les jours, souvent. Appelle, téléphone, communique. Beaucoup de travail, et puis ils renvoient forcément des choses à son bureau de Paris. La tour est noire. Je sais attendre, j'ai dit à Dominique, pas de panique Dominique, tu sais que c'est un pseudo ma vieille. Je lui ai dit : je sais attendre, et maintenant je peux voir mes films comme avant, en cinéphile. Avec Denis, ce n'est pas possible du tout, il n'est pas cinéphile. J'ai pu revoir Apocalypto correctement. Cela fait une éternité que je ne suis pas allée voir un film français au cinéma. Le dernier je crois que j'étais encore au collège et c'était Le Hussard sur le Toit. Et c'était terriblement mauvais, sauf avec les corbeaux qui mangeaient les morts. J'ai un projet. Ecoute-moi, D. j'ai un grand projet. Un projet énorme, qu'on a jamais fait, avant moi. Pour l'humilité on repassera. Si tu veux. Je vais avoir mon trapèze, il sera lisse, et une balançoire, et ces objets-là, c'est bien mieux de les transformer en trapèze. Je te dis ça en trépignant à la base. Je ne sais pas si tu comprends, ou si tu fais semblant de ne pas comprendre. Je ne fais pas semblant, moi, de mal expliquer ce que je veux te dire. Je ne peux pas en parler au barbu, qui ne fait pas son travail depuis la dernière fois. Il le fait mal. Certainement que quelqu'un dans sa famille est mort, il avait les yeux explosés. Il m'a parlé d'une patiente, qui ne disait rien lorsqu'elle venait. Pendant longtemps elle est venue dans son cabinet (coquin), et elle ne lui parlait pas. Mais la nuit, elle faisait des poteries. Tu sais. Et des poèmes. Ils écrivent la nuit ceux qui sont malades, alors que la nuit c'est fait pour dormir, pour tuer, pour faire la guerre ou pour faire l'amour. Ils ont le coeur rempli de goudron, les mains comme de la paille séchée. Ils écrivent la nuit. Sans faire de bruit, avec douleur, souffrance, et ce n'est pas du tout romantique, comme tu pourrais le croire (je te préviens juste, je t'éduque). Ils sont vivants mais pas tout à fait, ils sont morts mais pas totalement encore. Ils essaient. Ils croient en quelque chose. Ils avaient un jardin, avant, comme leur mère avant eux, et dans ce jardin les os d'un homme qui avait la taille d'un enfant y sont enfouis, au pied d'un grand arbre qui se laisse peu à peu mourir. Il n'y a aucun symbole à y voir, là, D. Seul. Il y a des arbres là-bas. Je lui ai dit : quand tu es seul, tu m'écris les rues, les endroits que tu vois, les gens comment ils sont, s'ils sont des connards profiteurs destructeurs de planète comme on le pense. Tu sais, ma biche, ma petite biche, mon amour, car je t'aime bien dans le fond. Tu sais, la vie, c'est pas des mots dans un blog. Ni même dans tes manuscrits de tiroirs. C'est pas des mots la vie, la vie c'est pas ça. Tu ne le sais pas, je vais te l'apprendre. La vie c'est le soleil, les gens. La joie. Ma chérie, tu sais, c'est la joie, et aussi : les gens. Le soleil. Strasbourg, les photographies. Les amis qui me trouvent plus jeune, les belles alsaciennes noires. Pas des mots tout ça. C'est pas la vie ça, pas des mots, reviens chez nous, dans la réalité. Tu manques à la réalité. Moi je trouve que tu lui manques, tu pourrais lui apporter quelque chose. C'est certain. Seule avec mon trapèze, j'ai décapité la bête et j'ai téléphoné à Denis en sortant de la douche, je ne portais rien en dessous (pas coquin). Si j'étais un gros boudin, dégoulinant de tous les côtés, ou une grosse pédale, la chose aurait été coquine. J'étais sur mon lit, sur le dos, offerte. Je lui racontais un rêve : dans ce rêve je voyais mon père qui regardait la télévision. La télévision affichait des images étranges, un peu brouillées, des couleurs rouges apparaissaient. Il me disait : c'est le satellite. Je lui disais : tu parles de la lune ? Il répondait en souriant : non, un satellite artificiel. Je lui faisais : ah. J'étais enfant. Mais dans le noir. Je marchais dans un couloir noir sans crainte. J'arrive devant un gigantesque buffet. Je prends du gâteau et je le mange avec plaisir. Il y a des cerises confites, je mélange, dans ma bouche c'est bon. Le gâteau et les cerises. Je pars. Je vais ailleurs. Je suis grande. Dans un miroir je vois mon torse. C'est un torse d'homme et cela m'angoisse. Car j'ai gardé le même visage. C'est mon visage, mais je suis un homme. Dans le miroir je vois je porte un pantalon d'homme et une chemise d'homme, entrouverte. Je touche mon torse. Une femme nue dans un lit est allongée sur le ventre. Elle est blonde. Des chaussettes et des petites culottes pendouillent pour sécher à la porte. Dehors il fait jour, grand soleil. La femme blonde est nue et je vois son sexe, elle se cambre. Son visage est enfoui dans l'oreiller. Je la touche et là, l'horreur : quand je la touche, je sens des mains qui me touchent dans mon propre dos. Je me retourne mais il n'y a rien. Là, je recule... je me rends compte... que tout en étant là, un homme, je suis aussi elle, dans le lit, qui ne bouge pas beaucoup, qui me montre son sexe. Blonde. Un corps sublime, mais le visage enfoui dans l'oreiller. Elle étouffe peut-être. Denis : arrête de me raconter ton rêve et embrasse moi. J'ai besoin de toi tu sais, j'ai fait un cauchemar où je te cherchais dans le loft, et je prenais une douche, je saignais beaucoup. Je crachais du sang en pensant à toi. Je me suis réveillé, j'ai pleuré comme un petit garçon. Comme tu le faisais ici ? Oui mon amour. Lorsque j'ai raccroché, j'ai senti les larmes monter. Et j'ai senti que je ne pouvais pas les stopper. C'était impossible. Elles montaient, et elles étaient montées si haut déjà qu'à présent elles devaient sortir, et couler. La lave lorsque les volcans explosent, personne ne la retient. Un volcan a déjà été créé par la nature en quelques mois à peine, dans le champ d'un paysan je ne sais plus où. Il a provoqué une catastrophe. Personne ne peut retenir ça. Donc du coup, j'ai laissé couler, mais je ne me sentais pas mieux après. Mais au moins, les choses avaient été renversées, coulées, du coup je pouvais laisser aller, laisser tomber, ne pas avoir peur, respirer, expirer, trapèze modifié.

Nous nous balançons, la tête à l'envers, et nous écrivons, car nous ne savons pas à quoi sert la vie, la vie c'est pas ça, Angeline. Je t'aime de tout mon coeur, je t'embrasse partout, je t'embrasse sur les seins, sur le ventre, le sexe, les cuisses, les mollets, les pieds, je t'embrasse les pieds, les chaussures. Certains amours dépassent les cendres des volcans furieux, les coeurs dans la fureur ne donnent que rarement du malheur et du sang. Mais parfois. Quand l'été passe doucement une après-midi, comme ça dans nos vies, à l'étranger, on a pas pris le train comme dans nos rêves c'est maléfique, on marche vers les châtaigniers, et on oublie, pour mieux se sentir humaine, inhumaine. On oublie, mieux vaut oublier. J'espère que c'est plus facile, avec le temps, d'oublier. Je sais, on va me dire : non bien sûr. Car on porte ça dans le sang. Comme l'amour, faire l'amour on le porte dans le sang. Je t'aime de tout mon coeur, ça c'est bien vrai, on a la tête à l'envers, nous nous balançons, et dans nos vies, il y a des chambres, dans lesquelles on enferme nos mots, qui ne sont pas la vie. De bien vieilles pies viennent nous le dire. Souligner la vie. Contre l'écrit, enfin quelqu'un qui fait la différence, mais je n'ai plus envie de faire la différence. Je m'en fiche. Je marche. Je sors de la douche, avec un haut, sans le bas, trapèze la tête à l'envers, on décapite la bête avant de lui dire oui, on téléphone à l'homme parti. On lui fait croire qu'on est triste, parce que, dans le vrai, pour vous dire toute la vérité, on l'est. Mais c'est un sentiment à double-tranchant, qui me permet de dire également qu'il n'est pas que négatif, que j'y trouve mon compte. Seule avec mon trapèze. On y trouve son compte. Seuls les vivants peuvent écarter les doigts comme ils le font.

Ils ont reconstruit le building 7. Et la Freedom Tower est en train. Beaucoup de gens pestent contre elle, qui n'existe pas encore. Beaucoup souhaitaient la reconstruction des tours. Telles qu'elles avaient été. Et même un peu plus haut, pour le symbole. Les gens meurent mais le symbole compte beaucoup dans la reconstruction.

Des jeunes imbéciles de mon âge prétendaient, dans le confort de leur café bien français : nous avons un événement, auquel nous référer, maintenant. Comme nos grands-parents, la guerre, nos parents l'après-guerre, mai 68, ils parlaient de mai 68, car ce mai-là donnent encore des verrues à certains. On disait que Little Boy allait provoquer une lumière intense, comme un éclair aveuglant, et que le Mal, tout juste né, allait la (le) suivre. J'avais envie de pleurer en entendant ça. Ils fumaient, ils étaient dans la vie mais ne se rendaient pas compte, apparemment, de ce qui sortait de leur bouche. J'avais envie de pleurer. Oui, maintenant nous avons un événement horrible, de jeunes, auquel nous référer. 3000 morts, ce n'est pas rien. C'est même beaucoup. Une corde, une corde, deux cordes, de trapèze ! Le cirque est là.

Tu sais, j'ai pensé à toi, tu te sentirais peut-être bien ici. Peut-être que notre place sur terre, ensemble, elle se trouve ici, dans ce quartier financier. Où les avions ont volé bas un jour. Jocelyn a du mal lorsqu'elle va à New York, encore aujourd'hui. Elle ne peut pas y rester trop longtemps, sinon elle fait des crises d'angoisse terribles. Je crois que la mort de son père lui a donné beaucoup de courage : il n'est pas mort assassiné par quelqu'un d'autre mais de vieillesse et de maladie. Elle a téléphoné, elle a demandé : comment ça va. J'ai dit : j'ai décapité mon trapèze et toi ? J'aimerais a-t-elle répondu. Faire la même chose à la chose. Mais je ne peux pas encore. Toi tu es plus libre que moi, toi, ton métier, pour l'instant, c'est d'être toi-même, pas ce qu'on voudrait que tu sois. Seule avec mon trapèze, la tête en bas, en bas c'est rien, c'est nu. On se demande comment ne pas faire comme les volcans, qui crachent, leur fureur, leur feu, leur sang bouillant. On se demande comment retenir, stopper, à temps. On se demande tout en sachant qu'on ne pourra pas. Que ça ne sert à rien de lutter contre. Que, comme l'affirment Bush, et avant lui son père et bien d'autres, "nous le ferons, et nous réussirons". Malheureusement, après la réussite vient le temps de l'échec, toujours, ça non plus ça ne tiendra pas. Rien ne tient sur terre. Rien ne tient.

D'ailleurs, ce sont les hommes qui ont peur de New York, amen. D'ailleurs, ce sont les hommes qui ont peur de Dieu. C'est pour ça, Seigneur, que si tu me permets de redevenir un jour une enfant, je veux bien m'émerveiller à nouveau devant les trapézistes et les éléphants gentils dans la pénombre du cirque.

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