Sans la lumière en Afrique
Sans la lumière en Afrique d'Angeline
Précédé de Une odyssée à travers ma mort d'Amine
UNE ODYSSEE A TRAVERS MA MORT
la bouche du diable est venue m'aspirer
je compte les flammes, les fleurs et les regrets
pas de salut pour ceux venus prier
mon ombre s'embrase au grand bal des ratés
déchetterie
bourdonnement inouï paysage enterré
oubli d'avoir oublié le naufrage éclipsé
les injures les cris la tempête entre la paix
le fond de calme même pas éprouvé
l'abîme incolore qui se vit comme on s'efface
le jardin des âmes est une déchetterie
si le sexe du néant prend mon rêve si
la mort de la vie est ma sève tant pis
je respire l'enfer qui remplace mon air
je me retourne dans ma tombe
je tourne plus le dos au monde
palpitations spectrales, atomes cristaux de larmes
cendres sans cesse cendres sans restes
de cercle en cercle il n'y a pas de cercle
un milliard de démons qui n'existent même pas
plus encore des sirènes qui ne chantent pas
l'image est très floue, non
il n'y a aucune image
derrière le miroir ne s'écrit pas la page
quelque chose m'appelle quelque chose
me menotte – mon corps est une camisole
mes angoisses peut-être ou bien encore les pleurs
d'une mère explosée d'un enfant balayé
des contours se dessinent : mon cercueil se crée
il fait si sombre ici qu'il n'y a pas d'obscurité
inertie immobile, l'émiettement défile
je n'en sais pourtant rien, ma conscience est aveugle
des souvenirs à la chaîne coulissent en dentelles
brodées de glaires et de perles
teintées de sang et de sperme
hémoptysies précieuses goutte à goutte échappées
comme on pleure son coeur, sa jeunesse liquidée
les rêves se déversent et l'âme devient flaques
distillées dans le vide par ondes par vagues
d'abondantes fistules s'écoulent ces nappes
sources d'effusions que la distance sape
réminiscences fragiles, projections avortées
par salves les valves les laissent filtrer
dans le vaisseau fantôme de l'éternité, il y a
les plis les épissures, les rouages insensés
ces poulies folles qui me hissent, ces roues ces croix
qui m'étourdissent, ces ascenseurs depuis l'oubli
un mot d'amour qui me trahit
tout monte et tout descend, tout point et disparaît
la joliesse cotonneuse et tant d'atrocités
se découpent des visages qui saignent sans partage
se forment d'étranges amibes, des lèvres sirupeuses
avec leurs cortèges d'abcès, d'illusions vaporeuses
il y a enfin cette zone froide – je me mets à trembler
pris dans l'algèbre du néant, mon cerveau a hurlé
ce qui se passe ici ne se passe jamais
ce qui arrive là n'est jamais arrivé
passé au présent depuis l'inaccessible
ce présent est un rêve, il n'existe qu'en mots
c'est ma vie qui défile, que je ne vois passer
ce présent est un rêve et pourtant il est vrai
les secondes s'écroulent, elles sont dépassées
il n'y a pas d'éden pour nos printemps brûlés
tout devait finir, tout devait défraîchir
mon portrait embaumait mon corps
mais le miroir racontait ma mort
ce sont des mers de bitume qui m'ont vu me coucher
d'obscures lagunes où embarqué je flotte
ou bien je coule, je ne sais pas vraiment
dérivant à perte parmi les filaments
d'amour qui croisent d'afférents écoeurements
des haines séculières, nos plus beaux sacrements
déchiquetés comme le visage des saintes
rêvées et bafouées comme des vierges enceintes
je fus un enfant qui regardait le ciel
je fus un barbare asservi par le fiel
j'entends maintenant des voix qui m'appellent
je fais face à un oeil que des débris constellent
peut-être un phare au milieu de nulle part
un clignement cyclopéen me ramène vers demain
à rebours, le temps m'est compté – la mort
me fait voir son envers : une couleur, je crois
j'ai bien les yeux ouverts
devant moi des murs bien réels
la pénombre d'une pièce, des sensations brouillées
où suis-je ?
où ai-je pu être un jour ?
Amine
SANS LA LUMIERE EN AFRIQUE
L'office est préparé
Dans tes mains la couleur du sermon est donnée
Tu sais l'amour et la mort dans ton coeur
Tu sais la femme et la petite fille dans la peur
C'est à Dieu qu'on doit la lumière
A Satan les arbres de la mer
Mais tu sais faire l'amour et par coeur
La décapitation et le courage de l'horreur
Ils viennent prier pour les femmes et les enfants
S'abritent et meurent sous les ouragans
Chanteurs et danseurs ils l'ont dans leur peau salée
Quand tu me regardes je suis méduse morte noyée
Un seul regard suffit à devenir serpent
Merdiers d'aciers, bacs de chairs et poussières de ciment
Dans ton église les noirs ont des horloges spéciales
La lumière vire souvent au rouge éclipse automnal
Même si l'Afrique est une feuille morte à Paris
Avant l'hiver jadis il y avait la saison du non-dit
Tu apprends la prière avec rigueur à tes disciples
Tu me regardes avec amour malgré mes erreurs multiples
De l'autre côté de la glace l'eau n'est pas solide
Les poissons filent comme dans le ciel nocturne les bolides
L'office est préparé malgré le sang dans les barriques
Comme la chanson implacable que chante parfois l'Antarctique
Tu as posé le livre des ténèbres sur ma foi
Menti pour protéger les Pères et les Lois
Si le sang de la liberté chante sa miséricorde en Amérique
Un grand nombre de monstres ne sont rien sans la lumière en Afrique
Regarde comme le feu ne purifie rien
Comme nous sommes faibles dans tous nos chemins
Tu sais la caresse et la pénétration par erreur
Tu sais les scrupules et les envies des plus beaux menteurs.
Remerciements à Amine pour m'avoir posté son poème.