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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
2 novembre 2007

Transatlantique

Valcontre2

Il part. Vendredi soir, seule pour un mois et demi, c'est parti. Avec un peu de chance, un intrus viendra la nuit hanter mon sommeil. Il me prendra. Il me donnera ce qu'aucun homme ne peut me donner.

L'appartement sur Paris sur lequel il est ne lui plait pas. Non plus. C'est le combien ? Le septième. Il n'aime pas la disposition des pièces. Et puis le locataire actuel ne paie plus ses charges, ils veulent l'expulser. Il faut attendre le printemps prochain. Denis ne veut pas de Paris aussi tard. Avec moi bien entendu.

Il me caressera. Il me dira des horreurs. Il me dira que j'aime ça. Forcément, j'aime ça. J'aime ça, aussi, cette façon de s'occuper de moi. Peut-on être longtemps avec les nerfs à nu ? Question. J'adore qu'on s'inquiète pour moi, même à distance. Sous-entendu : une femme miroir peut-elle avoir les nerfs à vif longtemps ? Normalement une femme, c'est quoi ? C'est un être, fait de carton-pâte, qui n'a que très rarement, voire jamais, les nerfs à nu. C'est pas bien tu comprends, c'est pas une vraie femme. Les vraies femmes sont douces, ou alors salopes, mais ne vocifèrent pas. Lucifer pas. Désolée, mais moi je suis née en enfer. La contradiction avec lui, qui part, parce que la douceur est son langage, pas l'opposition. On sait ce que ça donne dans le ciel l'opposition, ça donne des malheurs. Et les malheurs donnent la mort. Et la mort, c'est ce que veut le marionnettiste.

Mais laissons notre Seigneur Jésus Christ à sa place. Là-haut, dans le ciel. Ce n'est pas un homme bon, sinon il ferait une bonne place pour moi aussi. Bon allez j'arrête avec mes délires. J'arrête Dominique. Tu n'imagines pas le respect que j'ai pour tes croyances, pour ta foi. Pour tes gestes, pour ta voix. Pour ton coeur de femme. Tu es une femme, avant moi, tu as dû subir les travers de nos amis les hommes. Donc je comprends, je comprends, tu as une tendance à surdramatiser, les remarques qu'on pourrait te faire, tu es hypersensible et tu ne l'assumes en rien. Si tu l'assumais, mes phrases n'auraient aucun impact. Elles seraient comme des fleurs dans la main d'une gosse qui les tendrait en vrac à sa mère. L'image est là, l'image est juste. Pourquoi tu ne respectes pas ma croyance Dominique ?  Pourquoi tu ne respectes pas ma croyance ? Je te repose la question. Ton coeur sent mauvais Dominique, tu sais. D'ailleurs tu ne viendrais même pas me lire dans un monde idéal. Même si c'est gentil de trouver que j'écris "des choses fortes".

Là, certains, pour notifier le mouvement musculaire, le sourire, noterait : sourire. Naturellement. Je te dis un truc sympa, un truc coquin et comme je veux une proximité avec toi, alors je te fais un sourire, et j'écris le mot "sourire". Quitte à aller à l'encontre même de l'idée du sourire. Dans la phrase, ça ne ferait pas naturel : tant pis. Le sourire doit s'exprimer sans être dit, dans la phrase, le soleil qui brille, le sourire comme quelque chose qui brille, il doit se faire entendre. Le coeur mauvais aussi. Je ne pourrais pas écrire "sourire" pour montrer mon sourire. Un sourire est silencieux, il ne s'écrit pas Matthieu, c'est bien là tout son impact, toute sa force, et tout son cadeau.

Un jour je serai encore plus forte, encore plus, ça ne s'arrêtera pas, jamais. Tu sais, après la mort, il y a la vie éternelle. Martin me disait ça. Qui sera dans le livre de vie ou pas. L'horloge n'indique pas la bonne heure, elle retarde. Les hommes aussi. J'en ai marre Martin de tes croyances, respecte mieux les miennes. Avec toi la sensualité est amicale, c'est bien aussi, c'est bon. C'est un chocolat fondant sur la langue, c'est l'amour dans une de ses forces (formes je voulais écrire). J'ai fendu le crâne au monstre, je sais bien de quoi je parle. On empêche un être de devenir meilleur, je voulais devenir meilleure, je voudrais. Mais L'Homme ne veut pas que j'écrive, mais moi je sens que je dois. Je le dois d'autant plus que c'est ma voie. C'est mon chemin. C'est un endroit mieux que les autres dans la vie. Mon amour transatlantique, je ne peux pas t'expliquer pourquoi. C'est inexplicable. Crois en mes croyances.

On parlait de ça Dominique, tu vas me rendre visite, c'est vrai, pendant son absence, à l'autre lâcheur, j'ai eu tendance à m'enraciner en moi-même ces derniers temps. Pour toi. Mais pour moi, je suis toujours cette personne qui est, comment dire, comment te dire, celle qui est sortie des racines mortes de cet arbre-là. Je ne voudrais pas être catégorique, ni même tomber dans des textes sans sens premier, où le sens est l'émotion brute, pour retrouver le chemin de soi-même, un chemin sombre et qui a été rarement emprunté. Mais j'ai bien aimé parler avec toi.

J'ai dit au barbu : parfois, le sens de la phrase n'importe pas, c'est l'émotion qu'elle exprime qui est importante. C'est de l'endroit d'où elle vient, là où naissent les rêves, et même les pires cauchemars.

Il sera si loin, tellement loin. Il faut se le dire, que ce ne sera pas la peine, qu'il sera loin. Que le téléphone combien ça va coûter ? Je me demande si ça en vaut la peine, de payer des fortunes en téléphone, pour ne pas qu'il se sente seul. Si ça se trouve, il ira dans des peep-shows à New York. On en trouve à Paris aussi, tu me diras. C'est mal mais on les trouve. Des endroits où on ne doit pas aller, mais qui pourtant, ont des portes et des murs, qui existent. J'aimerais qu'Hermann soit mon ami. Les peep-shows il fréquente pas, ça ferait un beau trophée à ma liste de chasse. Là, peut-être que je serai fière, et n'aurai aucune honte à le dire. Je ressens parfois l'affection sincère qu'il a pour moi. Je vous assure, je ne dis pas ça gratuitement, je ne parle jamais gratuitement des choses. Cela me chatouille même l'entrée de mon vagin et le bout de mes seins, ainsi que ma colonne vertébrale. Ce n'est pas du tout une image sexuelle : c'est la réaction de mon corps face à cette pensée. Hélas Denis partira. Aucun homme ne viendra se coucher à mes côtés.

Et moi je serai obligée de subir. La nuit, parfois, pour les gens délirants, on voit des ombres sur les murs, des ombres blanches et noires. On ressent une présence. Je ne sais pas si ça vous est déjà arrivé, ça, adulte. Vous vous réveillez en pleine nuit, votre coeur bat comme une troupe ses bottes à la guerre, et vous sentez que quelqu'un est dans la pièce, dans le noir, et que ce quelqu'un vous observe. Certaines religieuses ont constamment le sentiment d'être observée par Dieu, ce n'est pas mon cas. Mais la nuit, il y a des présences, qui attendent qu'on dorme, pour nous regarder dormir. Je ne sais pas comment elles rentrent, ni ce qu'elles veulent. Tout ce que je sais, c'est que j'ai peur. Lorsque je ressens leur présence. Je ne sais pas si certains adultes qui me lisent ont déjà ressenti ça. Je ne sais pas si certains adultes ont déjà dormi profondément en gardant les yeux ouverts et mobiles. Denis quelques fois, quand je trouvais le sommeil très tôt, chose relativement rare, il m'observait, j'avais les yeux grands ouverts mais je dormais. Et je regardais la pièce. Autour de moi. Au petit matin, il me disait : tu avais les yeux ouverts mais tu dormais. Un médecin qui me dévorait des yeux (il dévorait tout le monde des yeux) m'avait dit : c'est probablement un symptôme qui reste de votre épilepsie d'enfance. Mais dans le fond, qu'est-ce qu'il en savait, le petit généraliste ?

Il s'en va dans quelques heures. Nous avons fait l'amour le jour des morts : c'était raté. Il pleurnichait. Je crois que moi aussi, mais je le cachais bien. J'ai épongé ses larmes. Je ne peux pas éponger d'autres larmes, ou d'autres traces de sperme. Pour ce que ça sert. Mais ce qui était bon, c'était après, les caresses, l'un contre l'autre. Etre humain me dégoûte la plupart du temps, mais ça pourrait être pire, j'aurais pu naître homme. Etre humain me dégoûte souvent, même dans ces moments-là, où on se touche : la seule chose que Dieu a su garder en nous. Même violemment. C'est incroyable. C'était bien ça. Mais l'amour en lui-même, c'était raté, c'est souvent après que c'est bien, voire mieux. Comme ce jour-là. Le jour des morts. Je n'ai jamais adhéré à ça, comme je n'adhère pas aux parois. Il s'en va dans quelques heures. Il y avait déjà un lien entre son coeur, son cerveau, l'Atlantique. Son travail qui va être stressant, difficile. Mais qui pourrait, à la clé, le faire monter. Ils montent dans son monde. Dans son monde social, il y a des ascensions christiques, pourquoi ? Parce qu'ils ont beaucoup d'ascenseurs. On ne les trouve pas en bas, ces engins de malheur. C'est une invention, l'ascenseur social. Une création de plus, qui est dirigée pour ceux qui vivent en bas, tu sais, les gens d'en-bas. Dans les égoûts. Pour leur donner l'illusion que c'est possible, alors que c'est juste rarissime. On s'endort, et les ombres apparaissent sur le mur. Combien de gens dans la pièce ? Cinq, six, sept. Je ne sais pas. J'ai eu peur qu'ils m'attaquent. Ils attaquent les gens parfois. Mais non. J'ai eu très peur. Il était là, son corps à me protéger. Comment je vais faire, si je suis toute seule, dans ma chambre la nuit, à attendre que des êtres qui n'existent que dans ma tête, que dans mon esprit, m'agressent physiquement ? Je ne sais pas comment je vais faire. Entendre le téléphone avant qu'il ne sonne, ça sert à rien, sauf à savoir qui vous appelle. Mais de toute façon, en décrochant, on l'aurait su. Donc ça n'a aucun intérêt, aucun. Je regrette.

Ils montent, en allant sur l'eau. Sur leurs avions, leurs navires. Les voiles sont déchirées. La vue est dégagée. De grands oiseaux noirs arrivent au loin. On ne se refait pas. Ils montent. Tous, au ciel, on monte. On monte, Martin, tu monteras. Quand ça sera ton heure. Moi c'est moins sûr. C'est, disons, plus sujet à caution. Les navires. Les voiles sont déchirées, on le sait parce que le vent passe au travers. Normal avec les trous béants dedans. Qui a pu déchirer les voiles du navire ? Les voiles sont déchirées, on fait avec. La vue est dégagée, à l'horizon aussi, on arrive à l'île. Presqu'ïle. Un peu de miel sur le coin des lèvres. Il pleure, son avion, son eau, gigantesque. C'est une grosse boule bleue, on se demande bien à quoi ça sert, à se faire des amis, des enfants. Sourire. Comme dirait ces gens. Comme ils l'écriraient. Je ne peux pas supporter ça. Je ne peux pas. Je ne peux pas supporter tout ça. Un mois et demi même. Les voiles seront encore plus déchirées, j'ai prévu de ne plus rien écrire jamais, tout en me moquant de moi-même, tout en pouffant de ce fait, de cette décision, qui ne sera pas honorée, n'ayant aucune parole. Toute ma vie, toute ma vie. Déchirées. On monte, tous, on monte lorsque c'est l'heure. Je regrette, ça n'a aucun intérêt de descendre. Dans ma tête. Dans mon esprit, qui attendent gentiment. Je ne sais pas comment je vais faire. Il s'en va dans quelques heures. Il est triste mais direct. Il fait son Homme. Il fait son macho. Seulement, comme il sait que j'ai horreur de ça, il le fait pour lui-même. C'est tacite, c'est sous-entendu, c'est logique. Mes yeux sont devenus plus graves, plus tristes et plus graves. Il me demande pourquoi en m'embrassant sur le front. Pourquoi quoi ? Tes yeux changent si vite. Ils gardent une expression terrible, profonde, mais ils changent. Il y a un an, ils fusillaient. Aujourd'hui, ils irradient. C'est un plus. Sans déconner ? Sans déconner. Mon petit mec d'amour. Il m'appelle mon petit mec d'amour, à cause de mes cheveux courts. Et à cause de son départ, je l'appelle mon Transatlantique.


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Commentaires
P
Angeline, aurais-tu repris les armes depuis quelques temps ?<br /> <br /> Ton ami.
U
parfois le sourire monte aux yeux et éclaire jusqu'en haut des ciels. J'ai senti déjà leur présence la nuit qui me regardaient dormir parfois je me suis offerte à leur regard pourquoi ? faut -il en avoir peur ? d'un autre côté je ne suis pas tout à fait adulte. Dormir les yeux ouverts, pourquoi pas ? s'apaiser les rêves sont bien souvent éveillés ...
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