Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
5 janvier 2006

So deep in love with you

eclairs

So Deep in love With You

Elle s'est réveillée de mauvaise humeur. Elle trouve mes habitudes étranges, comme de mettre des parfums d'homme, ceux que Jean me ramènent. Ceux que je lui demande de m'acheter, les homosexuels ont bon goût, d'une manière générale, ils savent choisir. Même un plouc pédé de la Campagne, comment ne pas lui faire confiance ? Elle s'est réveillée de mauvaise humeur, elle a vécu beaucoup d'horreurs, elle dit, elle me dit ça, elle, elle qui n'a pas vu le sang couler, ni même la mort prendre sans qu'on puisse rien y faire, la mort prendre parce qu'on l'avait appelée. On ne s'en vante généralement pas. Mais dans l'intelligence de Peter Kurten, je me reconnais, il a certains côtés, comme la mémoire la mémoire est signe d'une grande attention à ce qu'on fait. Je me souviens bien du bruit que ça faisait les sauterelles cornues sous mes semelles, comme des chips tombées par terre et qu'on écraserait. On attendrait tomber la pluie, on remarquerait la même chose. Je lui ai demandée : mais qu'est-ce que tu as ? Tu as mal dormi. Plutôt qu'elle me répond. Elle est ma vie. Si j'étais sa compagne, je dirais la même chose. J'ai besoin de me raccrocher à quelqu'un, quitte à être un boulot je m'en fiche, au moins, l'important, c'est qu'elle n'est pas un autre. Elle l'entend mais n'ose pas faire de commentaires sur ce besoin que j'ai là tout de suite. Un peu d'amitié amoureuse entre deux jeunes femmes séduisantes n'a jamais fait de mal à personne, et puis je m'en ficherais de toute façon. C'est ça mon problème, jeter les ordures vite fait. Sauf celles qui ont des choses à faire de moi un morceau de barre de fer entre le feu et l'eau glacée. Mammon n'était pas avare en luxure et moi j'aimais travailler pour lui mais dans certaines conditions, ça devenait dangereux pour ma santé, je veux dire pour la santé de ma vie. A la place, j'ai fait des fleurs, sur cette terre qui a dû être un cimetière ancien avant, si ça se trouve ils sont encore là et moi j'attends patiemment que l'un d'eux, mort, viennent me prendre, puisqu'aucun vivant n'arrive à me subjuguer. C'est le signe d'une grande médiocrité, l'insatisfaction perpetuelle. Mais je m'en fiche, elle sait, que je la regarde un peu comme à l'époque où c'était elle qui me portait des regards du même genre. Elle baise un squelette, comble de l'horreur elle tombe amoureuse de lui, il est si stable, contrairement à Bruno, il est si moche, contrairement à Bruno qui était sexuellement exploitable par n'importe qui (enfin...enfin vous voyez quoi). Elle fait tout à l'envers Sophie, moi j'ai encore la chance d'avoir associé la mort au sexe très jeune, et avec par-dessus la famille et la religion, et Dieu, qui n'est pas la religion m'a dit quelqu'un, Dieu et la Religion c'était deux choses différentes, je lui ai dit : embrasse-moi. Il a froncé les sourcils. Je suis une fille qui est plutôt jolie non ? Oui qu'il me dit. J'ai de belles lèvres et quand je les ouvre, c'est souvent pour dire des choses justes, depuis quelques années j'ai des crises de lucidité sur la vie, à l'époque on m'empêchait juste d'être moi-même et imparfaite. Cela arrivait. Mais donc où tu veux en venir me demandait le mec. Et bien tu peux m'embrasser au lieu de jouer à l'intellectuel avec moi. Bien sûr c'était des Romantiques Rendez-Vous, parce qu'il me payait après, il était très jeune et il n'arrivait pas à bander, il m'avait avoué qu'il fantasmait sur son petit neveu de dix ans. Qu'un jour dans la piscine, ensemble, il avait eu une érection en le voyant perdre son maillot de bains par accident. C'est Sweet, c'est doux, c'est coquin de vivre avec les hommes qui ont désiré leurs enfants ou les enfants des autres. Mais les choses étaient toujours comme ça, même à l'époque où on se cachait en peaux de bêtes pour mieux camoufler ce qui nous était devenu impossible de montrer, une part importante de la honte, surtout celle que je ressens parfois, dans mon miroir, parce que je vois quels ravages auraient pu faire mon égo. Mais les seuls terribles se portent sur ma personne, donc ça va, je ne suis pas égoïste, je n'ai pas fait de mal aux autres. J'ai juste...Enfin juste fait une chose pas très grave mais ça de toute façon, personne ne me croira c'est bien pour ça que je me suis décidée à l'écrire, la vérité a toujours besoin d'être écrite et d'être dite, elle n'a pas besoin qu'on la croit mais elle a quand même besoin d'être dite. Mais j'ai quand même eu des gens de l'administration comme un flic qui voulait que je lui en parle en dehors de "son travail". Pauvre Imbécile. Elle a des culottes très classes, roses, qu'elle fait sécher dans la salle de bains, parfois à côté des miennes. Des fois elle me demande un soutien, je veux dire gorge surtout les rouges affolants que je mettais à l'époque pour le client. Je ne les mets plus. Mais en les voyant tout à l'heure, j'ai décidé de les remettre. C'est trop idiot, ils ont servi ils ont une histoire, c'est quasiment de la foi, l'un d'eux avait même reçu pas mal de sperme. Le mec me disait : enlève-le, mes seins débordaient, mais je refusais de l'enlever. Parfois, dans ma tête, je me faisais un film pour passer le temps, parfois que dis-je tout le temps. Sophie me rappelle souvent combien je ne pourrais plus du tout faire la même chose aujourd'hui. Surtout quand je l'observe et qu'elle m'émerveille comme si j'étais son homme. Curieux sentiment. Comment dire ? Sophie ? Je ne pourrais plus et d'ailleurs si on grandit dans la vie c'est bien pour se rendre compte de ce qu'on a été, de ce qu'on a fait, non ? Etre un enfant, c'est être comme un chien dans certaines familles, c'est mignon mais ça chie et ça hurle. Autant lui couper la tête. Je connais une femme qui en rigolant disait à son fils : je t'aime tellement que je pourrais te couper la tête et la manger. Le gosse riait. Et riait. Il riait aux éclats, pendant que je ressentais une espèce d'effroi. Comme je le dis, de la glace dans le sang. Le sang se conserve mieux il paraît.

Sophie, est-ce que tu baises parfois les squelettes qui sont morts ?

astaroth

So deep in love with you

ANGELINE

Publicité
Commentaires
S
Un aphorisme n'est pas clair . Il illumine comme un éclair , c'est très différent .
F
"achever un souvenir"...on n'oublie rien on s'habitue c 'est tout comme le chantait J. Brel et je suis assez d'accord,mourir n 'est rien mais vieillir...chantait-il encore,ma foi bien plus clair pour moi que le commentaire de René Char ( René si tu me lis...)
R
Vivre c'est s'obstiner à achever un souvenir ? Mourir, c'est devenir, mais nulle part , vivant ?
Publicité