Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
11 février 2005

Les Désarmés

Ils étaient deux ou trois à table à fumer. Je ne comprends pas comment on peut fumer à côté d'un gosse. Ou d'un bébé. Le mec de Marie  dont le visage devient de plus en plus triste fume comme un pyromane. Elle est triste Marie et je n'arrive pas à l'aborder, moi qui sais pourtant parler aux gens, c'est ironique. Je ne veux pas la heurter, c'est un petit oiseau, on a envie de la protéger. Comme moi. Pourtant elle n'a pas eu de fils à détacher de sa croix comme l'autre. Marie qui boit plus aussi. Je n'ai jamais aimé l'apéritif, vous me direz que je n'ai jamais rien aimé dans ma vie, c'est faux. Mais tout est tellement codé, archivé, limité que je ne peux pas m'empêcher moi-même d'être prise dans cette pauvreté. Donc certainement, j'ai des défauts dans ma parole mais dans la vôtre je ne sais pas si vous y prenez garde. Heureusement que je ne suis pas à la rue, dehors, sous un pont, je serais bien capable de me plaindre. Je n'ai pas été que prostituée dans ma vie. Les femmes prostituées ont une vie, elles sont vivantes, et même si elles aiment ça, comme le pensent certains, toutes elles aiment ça (bien évidemment), elles ont une VIE. Une vie. Le coeur bat, les poumons se gonflent et se vident, le sang circule, les pensées contradictoires saignent, l'amour est la barque impossible à atteindre sur un océan de poussières. Celles qui écrivent après que le chien noir ait couru sur la route toute la nuit ont une VIE aussi. Vous êtes vivant ? Vous êtes sûr ? Vous êtes certains ? En vie ? Vous pouvez dire : j'aime la vie ? Telle qu'elle est ? Elle est belle, elle est bonne ? Non ? Oui ? J'en profite ? Comme disent certains ? Aveugles ? Bon, ce n'est pas ça le problème. Il n'y a pas de problème. C'est juste que je me débats. Avec moi-même, vous êtes exclu et inclus souvent. C'est déstabilisant. Je voudrais vous parler de ces mecs, le mec de Marie fumait, le couple chez qui on était aussi. Ils ont parlé entre hommes, de buisness, de syndicats, et bien comme ils avaient un peu bu, le mec de Marie donc s'est lâché contre moi. Je m'étais rendue à une manifestation avec Marie, juste avant d'être avec Samuel. Et j'avais refusée, certes sèchement mais pas d'une manière incorrecte de porter drapeau ou brassard. Marie ça l'avait amusée. Marie s'amuse dans la vie, c'était Cosette en pire enfant. Elle. Elle n'a pas été violée mais battue et battue et battue. Moi mon enfance a été heureuse. Bizarre que tout se soit perdu comme ça au fil du temps. Ah, le temps. Le temps fait des génies. Les génies sont spontanés et j'ai peur. A l'époque je voulais publier des livres, j'envoyais partout tout le temps à des maisons d'édition, je voulais être entendue. Comme n'importe qui de sensé. Et puis quand je me suis aperçue de comment ça se passait je suis tombée de haut, ma naïveté dégoûtante en a pris un sacré mais alors sacré coup. J'ai commencé à être moins...pure. Je trouve ça quand même terrible quand on y pense : je n'avais jamais ressenti de fierté à être pure en moi-même, mais les autres comme ils croient que ça n'existe pas, la mette sur un piedestal qu'ils ne pourront jamais atteindre (pensent-ils) : ah, ben non t'es pas plus pure qu'une autre ah ouais. Que nous sous-entendu. J'étais faite pour être pure. Malgré les ordures, je suis restée pure dans mon coeur. Il ne s'agit pas de naïveté, ni même de vanité mais de vérité. Je dois être spéciale. Comme vous. Donc je n'ai pas mis de signe pour manifester, comme dit Chourka c'est bien de manifester, ne serait-ce que pour montrer nos bannières, qu'on montre notre pouvoir à nous, à chacun sa part de ténèbres. Bien sûr. Mais ça, il évite bien de nous le dire. Que je n'ai pas besoin de lécher le postérieur du pouvoir pour dire. Qu'elles VIVENT. Et là, il me sort, alors qu'il n'avait rien dit jusqu'à tout à l'heure ce soir, pour une fondue viande qu'avait gentiment préparée le couple : t'as eu honte de mon syndicat, de toute façon je ne veux plus que tu viennes au site même pour dire bonjour à Marie...Marie a baissé les yeux. Lorsqu'elle baisse les yeux, ça veut dire : Angéline, vas-y, réponds. Et sois juste comme tu peux l'être et c'est si bien. Donc je lui ai dit : non je n'ai jamais manqué de respect envers ton syndicat, mais je voulais juste être cohérente avec moi-même. Peu de gens osent être cohérents avec eux-mêmes. Hitler était admirable. Il était cohérent avec lui-même. C'était non pas un monstre mais un homme mauvais et il a semé ce qu'il a mérité de récolter, mais il était cohérent dans sa folie, les autres, pour se faire bien voir du groupe peuvent agir d'une manière inhumaine. Artiste raté comme moi, il a su faire de son propre ratage et de sa folie une oeuvre d'art. Complètement. Et l'art, en conséquence, ça peut tuer en masse donc pas étonnant qu'on veuille tous être artistes, comme Lara Fabian, pareil. Je n'ai jamais craché sur les syndicats, sauf peut-être dans ces pages, mais ici chez moi j'ai le droit dans l'écriture, dans l'écriture je m'en fiche j'ai tous les droits dès que c'est écrit noir sur blanc. J'ai le droit. Dans ma VIE. De cracher sur les syndicats si je veux. Ils sont là et c'est bien qu'ils soient là. Mais voilà. J'ai le droit. Pas besoin d'être à gauche ni à droite pour avoir le droit. De dire. Qu'elles sont vivantes, moches, putes, d'accord, bêtes, ok, imbéciles, suceuses malheureuses, jouisseuses vicieuses (je mets ces mots pour classer mon blog, qu'il soit trouvé par les pervers), mais VIVANTES. Humaines. Je veux dire. Ce n'est pas humain mais c'est une tendance humaine. Tu veux de l'argent Angéline ? Tu es belle je te propose ça, voilà comme ça s'est passé. Quand je suis devenue catin. J'ai honte sans avoir honte, j'en parlerai un autre jour. Donc : Je lui ai fait part de mon point de vue, je voulais lui dire aussi : contrairement à toi je n'ai pas de haine en moi, je n'ai pas de ressentiment, ni de colère, je ne voulais pas aller à l'encontre de mes sentiments, on est souvent obligés d'aller à l'encontre de nos sentiments, je ne voulais pas cette fois-là, c'était une occasion de m'écouter et de me dire : tiens, non, je ne peux pas porter ça, ça n'est pas logique avec mon corps, avec ma personne, et puis c'est vrai, je n'étais pas pareille qu'eux. Pourquoi ne pas le dire tout simplement ? Je n'avais rien à faire là mais moi j'aime bien aller là où je n'ai rien à y faire. Ce sont des voyages, comme écrivait une fille célèbre et qui s'appelait Louis, qui sont peut-être au bout de la nuit oui. Le mec de Marie faisait donc trempette dans l'huile, les morceaux de viande, les sauces dans les assiettes, et moi calmement qui exposait mon point de vue. Je n'avais pas envie de passer pour la méchante. Je n'ai pas envie d'être méchante. Le mal est assez présent dans ma vie pour que j'en rajoute moi-même une louche.

 Et ils tremblent souvent devant le pouvoir les désarmés, témoin ce prêtre qui sentait l'urine quant on s'approchait moi et mon amie Claudia, au Portugal. Il était souriant et gentil sinon. Claudia s'appelait comme moi car je m'appelle Angéline Claudia Fottorino, Claudia c'est ma mère qui me l'a imposé, en deuxième prénom, je trouve que ça ne va pas ensemble. Je n'aime pas ce prénom. Je n'aime pas le Portugal. Le Prêtre était sexy, fardé avec son air d'hypocrite consacré consumé, et ses yeux qui vous transperçaient littéralement comme des sabres. Il traînait avec de jeunes garçons, c'est comme ça que j'ai commencé à comprendre que les hommes jouissaient ensemble, se faisaient jouir, entre la poire et le fromage. Ce fut un choc. Comme les syndicalistes ensemble, en discutant de lois ils jouissent, il n'y a que ça qui les fait jouir d'ailleurs, vu leurs visages, et là je suis injuste mais permettez-moi de l'être je pense toujours ce que je dis sauf là maintenant. Mais bon. Les châtaigniers dispensaient une ombre particulière. Les souvenirs de jeune fille sont toujours pratique. Pratiquement. Et après ce que mon oncle m'a fait je suis allée me réfugier là où ils dispensaient leur ombre. Fraîche mais chaude l'après-midi : on grillait. Nos VIES. Nos respirations, nos inspirations, c'était intenable et j'ai horreur d'une grippe d'été. Il n'y avait pas de vent, c'était désagréable, l'ambiance. Je n'ai jamais aimé me faire bronzer. Je ne sais pas comment on fait, ne pas bouger face au soleil, profiter du soleil sans lui payer le prix qu'il faut avant. J'ai payé le prix à Vénus, à Mercure, à Mars, à Jupiter, mais pas encore au Soleil, j'ai de la chance, il viendra un jour me taper sur les fesses. Donc : je ne vais pas vous redire la même chose quand même, chez moi deux fois la même chose dite ça dispense des réactions mille et une fois différentes les unes des autres, allez comprendre : le Prêtre sentait le foutre car il faisait chaud et la chaleur n'arrangeait rien. Le foutre, le sperme. Les spermes sont différents, ça dépend des hommes. Je n'aime pas les spermes ultra-liquides, on a l'impression de recevoir de la pisse, on me l'a demandé ça aussi, j'ai toujours refusé, de recevoir, en revanche, j'ai accepté de le faire, j'ai demandé aussi plus d'argent, il y a peut-être inscrit pure dans mon coeur mais pas folle sur mon front. J'aime les spermes crémeux qui dégoulinent quand même un peu sur mon ventre. Le Prêtre était complètement désarmé face à des torses d'hommes, les femmes savaient, les vieilles éternellements veuves vous savez qui attendent des heures l'après-midi à regarder des routes vides, sans voiture. Angoissantes. Il se branlait souvent derrière les arbres, derrière l'église, la nuit, c'était l'endroit où le Prêtre suçait du gland. Avec gourmandise. Claudia m'a dit : tu veux voir ? A treize ans, quatorze, quelques années avant la violence qui m'a tuée. Le Prêtre ressemblait, pour vous situer à un mélange de José Garcia et de Michael Keaton, Michael Keaton qui est si sex, so sex, yes. Il levait la tête en l'air, les yeux fermés, j'avais piqué les jumelles de mon père, Claudia disait : fais-moi voir. On voyait son sexe, on voyait le mouvement frénétiquement, on voyait son visage, les deux trois portugais autour qui se branlaient. Sous un olivier. Les ombres des oliviers ont bien changées depuis ta visite, Père. Lucifer. Mais tu sais, ne t'inquiète pas, ils donnent toujours des olives, surtout parce qu'on les arrose. Le Prêtre et les Désarmés sentaient le foutre, on était gamines, on était choquées. J'ai commencé à comprendre la violence du sexe, à comprendre que certains à force d'y plaquer n'importe quoi, faisait tout et n'importe quoi : liberté branlante ou censure et propreté excessive. Je voulais un amour extra-large, je voulais un amour aussi grand que l'univers au moins mais je sais aujourd'hui avec tristesse et rage que personne, aucun homme ni même aucune femme ne pourra m'apporter l'univers physique et mental en moi sur un plateau d'argent. La lune a rendez-vous avec un trou noir. Tu aurais dû chanter. Le Prêtre suçait bien de la bite, il gobait un testicule ovoïde parfois, j'imagine avec le recul, l'expérience qui a suivi, le temps qui a passé, que le testicule était bon à manger et que le scrotum laissait apparaître des veines éclatés, des vaisseaux. Sanguins. Les jeunes hommes jouissaient. Le Prêtre se faisait prendre. Par l'anus. Il soulevait sa soutane, il était nu en dessous, et il se faisait lécher l'anus. On était folles, on s'est barrées. Non, on est restées. Il s'est fait prendre, par les ombres, sous les oliviers. J'étais gamine, je découvrais les hommes entre eux avec un prêtre. La césure. La nomenclature. Hélas. Je ne sais pas ce qui était bien : la fraîcheur du soir, Claudia et moi au Portugal, je ne sais pas. Le Prêtre sentait le foutre. Comme à la manifestation, les désarmés qui affichaient leur pouvoir sentaient le carton.

Angéline.

Publicité
Commentaires
Publicité