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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
10 février 2005

Mass Destruction

Jean est venu à l'improviste pour boire un verre de whisky et aussi pour parler. Comme j'écoute, comme je regarde sans tuer, comme je suis ouverte au niveau de l'inconscient, dans l'action de la grande masse destruction, on aime venir me parler. Ils ne comprennent pas pourquoi ils ont si peur. Il a peur de perdre Marc. Jean. Alors il a besoin de parler, il a plein d'amis homosexuels et c'est moi qu'il vient voir. Ils ont presque tous dix ans de plus que moi, ils sont certainement plus sages. J'ai eu envie de lui dire : à ton âge, dans la quarantaine on a besoin de l'oreille et de l'épaule d'une fillette de 25 ans ? Une jeune femme qui ne sait même pas pourquoi elle se fatigue à s'enfuir de la vie mais cette dernière se venge. Tes rides te vont bien. Quand j'étais encore petite (comme c'est mignon les souvenirs d'enfance et pratique aussi) j'aimais bien cette publicité où une femme regarde un homme qui a environ la quarantaine et le cheveu poivre-et-sel. Elle dit : c'est beau un homme de son âge. Un homme avec des rides. C'est beau toutes ces rides, ça ne m'irait pas du tout. Je jubilais en faisant des dessins de chevaux, je dessinais des chevaux devant la télé, mon père me disait : ça n'est jamais bon d'être devant la télévision juste à regarder. Prends une feuille, gribouille en même temps, tu pourras faire les deux à la fois. Jean, ton papa n'était pas si doux que ça dans ton enfance. Je le sais. Et le fait que je te dise là tout de suite dans ces pages que tu aurais pu aller te confier à quelqu'un d'autre ça ne t'empêchera jamais de revenir pour parler de Marc. Et puis j'ai compris : tu tâtais le terrain. Voir si on pouvait pour de bon cette fois, devenir amis et proches, amis proches un point c'est tout. Bien sûr que oui. Il y a un mois tu étais mon amour salopard, tu étais la haine et le guépard, tu fuyais et tu t'es épuisé. Je ne te souhaite aucun mal bien sûr. Bien sûr en moi il y aura des regrets, non je déconne. Je suis contente mais franchement, je ne vois pas pourquoi tu viens voir une minette de 25 ans certes au passé chargé, d'accord au regard souple, concis et accéré et souvent juste mais je ne vois vraiment pas. Alors tu as voulu un Whisky à la limonade, comment tu peux boire ça ? Et puis tu m'as demandé : ça va ? Et avec le mec que tu vois ? Il savait, tu savais, tu es venu ici, tu as lu. Tu me liras toujours en cachette. C'est bizarre, on n'en parle presque pas quant on se voit en chair et en bosses. Je me disais en te voyant : c'est beau toutes ces rides. C'est beau un homme avec des rides : ça m'irait tellement bien j'ai hâte de vieillir pour vous en parler. Ce que ça fait. Mais non. Tu m'as dit : ça va avec lui mais c'est un mec solitaire dans sa tête. J'ai été surprise de t'entendre dire ça. Tu l'as toujours été. Et puis ton humour, ton rire. Tout me faisait dire que : comment j'avais pu t'aimer aussi longtemps ? Certainement ton coeur, malgré tout, il est pas mal, il est doux, au goût, au toucher, à l'odeur, vu de loin. Aujourd'hui encore. La confusion dans ton esprit est compréhensible : Jean je ne veux pas que tu sois triste. Marc ne te trompera pas. Tu sais qu'il m'appelle pour parler comme ça, que lui en revanche il me dit ce qu'il pense de ce qu'écrit Angéline. Il me dit : c'est beau, c'est dur, c'est difficile à lire mais on ne peut pas s'en empêcher. Un jour une fille m'a dit : c'est lourd. Elle aimait être légère dans ses textes : elle ne voyait pas que j'étais quelqu'un de lourd dans son écriture. Tout le contraire dans la vie. Jean, tu ne devrais pas t'inquiéter, Marc ne va pas te tromper puisque vous êtes ensemble, sinon si ça arrive, tu feras comme moi quand tu es parti à l'époque pour lui, j'ai été obligée de m'y faire et tu vois je suis vivante, et en bonne santé et vigoureuse et belle et sensuelle et intelligente et sexuelle et pour elle et Samuel. Tu comprends ? Attends de voir la vie venir. Attends avant de te suicider, attends qu'il te trompe. Attendez de voir avant de choisir de mourir, de voir ce qui va se passer, je sais c'est terrible la douleur est insupportable ou le délire est enivrant mais vous ne verrez jamais ce qui va se passer. Il se passe toujours quelque chose, sauf si on est en prison dans sa tête et là je ne peux rien faire pour vous. Jean tu commences à être en prison dans ta tête, tu devrais faire plus de vidanges, ça te ferait pas de mal. J'ai besoin de te dire tout ça, tu le liras, tu feras comme si tu t'en fichais mais Marc m'a dit : en fait, il lit, il n'en parle pas après, on mange et puis il devient plus doux s'il était stressé ou énervé pour une broutille. Ton sexe était courbe, ce n'est pas quelque chose de très intime. D'accord je suis une mule de raconter ton intimité mais je n'ai jamais raconté ton intime. A chacun sa merde. A chacun son intime. Tu m'excuseras. Je ne veux pas parler en ton nom, certains essaient de parler en mon nom, bon courage. Comme dit Franck, j'écris avec mon corps tout entier, l'esprit et la chair non séparés. Merci Franck. Encore.

Et quand tu vois ta croix autour de ton cou. Quand tu vois ce qu'aiment les oiseaux ce que ça brille. Je ne sais pas. Je ne connais pas. Je ne comprends pas. Je comprends, tu sais tu es l'un des hommes de ma vie. Tu es plus important que Samuel, je te connais mieux. Je te connais mieux que ton Jésus Christ que tu portes autour du cou. Comme un signe. Un signe de quoi Jean ? De ton prénom, tu es son dernier suppôt. Ma mère dans le jardin il faisait beau. Je pense à elle là tout de suite. Je me vois la suivant, petite. Je ne sais pas quel âge. Nous sommes en 1982 et je dois avoir trois ans. A peine. Et ma mère je vois ses jambes et ses fesses elle porte une jupe verte foncée. Elle est belle. Je ne sais pas trop ce qui m'attire en elle, probablement la même chose qui me fait vomir aujourd'hui. D'elle. Ma mère a joué le rôle du père à la maison et mon père le rôle de la mère c'est pour ça que je suis devenue autant gay-friendly, Jean. Elle cueille une fleur, elle avait des rosiers, ils sont morts aujourd'hui je crois. Elle a tout abandonné, le jardin, un jour comme ça. Je sais qu'elle sortait beaucoup : adolescente j'entendais des histoires et des rumeurs comme quoi elle fréquentait un gendarme. D'où mon dégoût de l'uniforme dans mes fantasmes sexuels. Ta maman est partie Jean, dans le sud de la France avec un homme très riche et tu es content pour elle. C'est bien pour elle tu as dit. Elle s'occupait de toi il y a un an encore. Te faisait la cuisine. La honte à quarante ans passé. La honte. Mon chéri. A peine. Ma mère me donne la rose sans les épines bien sûr et les pétales tombent par terre parce que je ne savais pas à cet instant là de ma vie que les roses étaient fragiles, qu'il fallait faire attention à elle. J'ai ramassé et j'ai commencé à en faire des dessins. J'écrasais des pétales sur des feuilles, ça donnait des couleurs éteintes mais extraordinaires. Je scotchais, etc, devant la télé ensuite. Maman dans le jardin se défoulait comme un homme, avec ses bottes en caoutchoux, maman qui creusait comme de colère, comme si le problème était sous la terre. Ou qu'elle cherchait un trésor. Un jour, elle a commencé à sortir de plus en plus. J'étais furieuse après elle, je lui ai dit des années plus tard, elle n'a jamais avoué avoir trompé papa mais je le ressens. Mon père est un homme bien. Mon père. Tous les pères ne sont pas des hommes bien, ni même des pères bien, ni même des personnes bonnes. Mais lui c'est une bonne personne, intérieure. Il venait s'assurer que je n'avais pas de fièvre, que je n'avais pas froid la nuit. Il ne disait rien, il faisait, pas comme dans les syndicats. Ils se bouffent les uns les autres, quels gens pervers. Quand je voulais aller chercher un verre d'eau avant d'aller au lit, il me disait d'aller me coucher, il me le montait, un baiser et hop, je dormais avec les anges. Il tenait à me lire des contes avant de m'endormir. Le Petit Prince. Il m'a dit : j'ai voulu t'appeler Angéline, ta mère voulait Angélique. Mais c'était bien la première fois qu'il imposait sa voix à ma mère, une femme carrée. Et elle s'est écrasée, étrange. Je ne sais pas trop pourquoi ensuite j'ai rencontré des hommes qui n'avaient rien à voir avec lui, j'aurais bien été heureuse avec un pantouflard gentil qui prend sur lui tout le temps, qui lit beaucoup qui ne dit rien qui est là, qui a un corps pourtant assez viril sans plus, qui est là, un homme quoi. Je devrais séduire mon père et arrêter avec Samuel. Mon père, c'est l'homme qu'il me faut. Et pas Jésus. Ma mère, je pourrais la tuer. Et l'enterrer avec ses secrets dans la terre, dans le jardin. Sa sexualité cachée ma donné envie d'étaler la mienne. Un jour, comme ça, son jardin, elle l'a laissé tomber. Comme ça. Sortait plus tard, rentrait plus tard. Mon père lui demandait timidement parfois, mais sans plus. Ma mère à la cuisine regardait par la porte-fenêtre, en pensant à des choses je ne voyais pas quoi, on ne voit pas les images qui sortent de la tête des gens par leurs yeux. C'est bien dommage, j'aimerais bien voir les images que vous voyez dans vos yeux en ce moment.

Lorsque j'étais une pute, autant dire les choses vraiment puisque c'est ce que j'attends de moi et des autres, tout le temps, j'étais complètement déconnectée de mon corps. Vous savez, on sépare toujours les choses après des abus violents. C'était comme un chateau de cartes. Qu'on aurait soufflé. Souffler. Et donc l'un de mes clients que j'aimais, qui me donnait du plaisir et pas mal d'argent avait un faux air de Russell Crowe, sauf qu'il était plus beau que Russell Crowe qui est plutôt épais objectivement (pour ne pas dire pas beau). Mon activité sexuelle étant anormale, pour moi-même je veux dire, dans mon esprit je n'y voyais plus rien de bien clair, il ne me restait plus qu'une chose à faire : se laisser emporter. Dans le courant. La rivière n'était pas à sec. Quand je dormais dans le noir la nuit. Je ne pensais pas souvent à faire l'amour en dehors de ces moments qui me paraissent complètement délirants aujourd'hui, comme des rêves, des rêves qui ont l'air vrais, réels, et qui nous font extrêmement peur au réveil. Vous voyez de quoi je parle ? Souvenez-vous de vos rêves qui vous ont fait passer de sales journées. Alors qu'il y avait le ménage à faire, le texte à taper, les médicaments à aller chercher en passant par la gare, les jeunes lycéens désirables qui passaient sous la pluie avec leurs sacs et leurs gueules pas finies dégueulasses. Je ne mouillais plus en dehors. De mon activité de putain. Un homme a traversé ma vie, ce fut le plus jeune d'ailleurs, j'ai toujours eu que des plus de quarante ans jusqu'à aujourd'hui. N'allez pas faire ma psychanalyse à ma place, j'ignore pourquoi vous ne savez pas non plus, donc merci. Jérôme. Jérôme. Jérôme. Je ne mouillais pas et je lui cachais. Nous n'étions pas très proches, mais je l'aimais. Je l'aimais. Je l'aimais comme je n'avais jamais aimé, juste en le regardant : il n'était pas spécialement beau d'ailleurs, mais il était...mon coeur était à lui, j'étais folle de lui. Et malheureuse parce que je m'étais lancée avec mon corps et ma vie, ma vie toute entière, vous avez bien une vie, donc vous devriez comprendre, MA VIE, dans une activité que la société a fait naître pour mieux cracher dessus. Pour mieux cacher ses mensonges. Ses petits arrangements. Vos mensonges, vos envies, en mettant vos sexes dans un corps de prostituée, vous mentez. Vous mentez avec vous-même, votre sexualité, vos désirs, les désirs, votre comportement avec les femmes, les seins de vos soeurs, les pubis de vos mères. Vous mentez. Et moi je dis que : j'étais folle de lui et aujourd'hui ça ouvre une brèche de mélancolie en moi quand je pense à lui. Je ne sais pas pourquoi. Jean, ça ne me fait pas ça avec toi. Mais alors complètement pas. Je suis désolée. Non en fait, je ne le suis pas, c'est comme ça, ça n'enlève en rien l'amour que j'ai toujours pour toi et qui s'appelle amitié. On ne va pas refaire la tristesse version liquide. Mon coeur sera toujours à toi, mais pour d'autres raisons. Jérôme avait une petite moustache mal taillée, qui ne lui allait pas d'ailleurs. Il jouait le mec qui était en marge de la société, bien sûr je n'étais pas dupe. Et moi je pleurais dans son dos, parfois c'était dur avec une file de onze clients en quelques heures seulement. Je m'attachais à Russell, appelons le sosie de Crowe ainsi, Russell. Je n'ai pas envie d'être attaquée en justice s'il lit mes élucubrations, on ne sait jamais. Vous en faites pas un jour ça s'arrête normalement, j'en ai déjà trop dit. Je pleurais donc et Jérôme me faisait mal, il savait que je ne mouillais pas. Des fois je mouillais, mais seule, lorsque je me masturbais, alors qu'en temps normal aujourd'hui, bon. C'est une fois toutes les lunes en Vénus si vous voyez ce que je veux dire. Je ne suis pas une folle du cul. Loin de là même. Une folle tout court oui. Je me masturbais doucement au début, comme ça, aux toilettes en pensant à Russell qui venait tantôt le soir tantôt le matin, qui fumait une cigarette, qui reprenait la baise avec moi. Chez moi, la masturbation est toujours liée à l'angoisse et au délire, je ne sais pas pour vous. C'était bien avec lui. Il crachait sur son gland. Il m'embrassait avec délicatesse. Sa bouche était fraîche. Je pleurais la nuit dans le dos de Jérôme. Nous n'habitions pas ensemble. Sa mère était une salope à lui aussi. Souvent, en poussant la porte vitrée du grand hôtel, quand je partais, habillée comme une jeune étudiante studieuse, j'avais des pensées de colère comme dit l'autre, contre tout. Et ses pensées de colère faisaient l'amour avec mes pensées d'amour pour ces deux hommes à l'époque. Je poussais la porte en souriant, et je vous le jure, mes yeux pleins de larmes retenues qui ne coulaient jamais.

Angéline.

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Commentaires
E
ange ...
H
faire l'amour. Est-ce qu'on est tous obsédés par ça? Autant hommes que femmes? Pourquoi on passe sa vie à chercher quelqu'un qui nous fera du bien, alors que sur la route on laisse des gens à qui on fait du mal?
M
je viens de découvrir ton blog, en suivant un lien chez Hades... <br /> J'aime vraiment.
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