Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
26 décembre 2004

Modern Love

Petite fille je voulais rencontrer un garçon. Petite fille je voulais aimer quelqu'un, je m'imaginais, je n'étais pas très originale et ça n'a pas changé d'ailleurs, je voulais aimer quelqu'un. Adolescente je me suis dit : si c'est une femme, pourquoi pas. Les hommes me dégoûtaient, j'avais la haine des hommes et particulièrement des hommes de ma famille. Sauf mon frère. J'ai fêté Noël avec Jean. Dans sa famille. Un conglomérat de parvenus tous plus ou moins bobos, bourgeois entre deux eaux. Jean et moi on s'était disputés bêtement à propos d'un truc, parce que David avait appelé pour me souhaiter de bonnes fêtes. Je n'aime pas les fêtes, pas du tout. Je suis partisane de la complaisance. Non je plaisante. Mais j'ai pas envie de m'amuser. Quand j'ai pas envie j'ai pas envie c'est clair. Jean est jaloux, depuis qu'il sait. La chose que David a osé me faire, des avances amoureuses. J'ai pensé un instant de Jean pendant qu'il s'énervait dans la cuisine : gros con. T'es qu'un pauvre con, un idiot de première, un garagiste de merde, un paresseux de l'intelligence de première classe. Je peux être très vulgaire dans ma tête, c'est vrai. Mais il fallait le retranscrire mot pour mot. Vous comprenez. C'est essentiel pour moi. Bref, il m'a dit : tu veux peut-être fêter Noël avec lui ? Je lui ai répondu : ne sois pas grotesque je t'en prie. Il n'a pas apprécié, dans la voiture en partance pour chez sa famille, il n'a pas décroché un mot, il a conduit vite comme je n'aime pas. Arrivés, il m'a dit qu'il était désolé. On s'est embrassé, super. On est rentré, sa mère était là, là en face de moi et m'a embrassée avec son air de fausse copie de Liane Foly, liftée pareil. Son frère était là, sa femme qui m'avait beaucoup humiliée un autre soir. Bref. On était partis pour fêter cette fête dans laquelle je ne pouvais pas me reconnaître, d'ailleurs comme dans n'importe quelle autre institution du commerce gerbatif.

Le frère de Jean a bu, le père, lui-même, et les blagues ont commencé à fuser. Ils fêtent Noël, ils fêtent le Petit Jésus dans la Crèche, ils s'attachent à leurs Crèches, à leurs objets qu'ils rangeront bien dans l'emballage d'origine pour l'année prochaine, histoire de ne pas déborder de la casserole en train de rouiller. Ils balancent des blagues grivoises, la Belle-soeur de Jean riait gênée, elle avait les joues roses il faut dire cette bourgeoise. Cette idiote qui même en n'ouvrant pas la bouche exclu les autres qui ne gagnent pas autant qu'elle, qui ne sont pas de la même couleur qu'elle, ou qui pensent différemment d'elle. Quelle reine, mon Dieu, quelle fantoche oui, avec son corps, ses bras maigres et mous, la chair molle, le visage aux expressions fausses, sans naturel, elle pose à chaque seconde, c'est difficile. Difficile. Passons, donc moi je souris à leurs blagues pour pas passer pour la méchante de service, évidemment je fais très bien la méchante de service. Et puis je suis allée aux toilettes, les toilettes sont un de mes refuges, on peut uriner, faire, se masturber, vomir du sang, cracher et surtout, surtout, pleurer en cachette, fort, ne pas se retenir, il ne faut pas retenir les larmes c'est important, notez-le. Alors j'ai pleuré. Je pensais au Petit Jésus dans sa crèche. A l'enfant que je voulais avoir. Je ne pensais plus du tout à Jean car ce soir-là, je le détestais. Vraiment. Je n'avais plus aucun sentiment pour lui, juste un vague attachement. Et encore. Mon ex-mari me faisait des poèmes très beaux, mais en vrai c'était un monstre, ils sont tous plus ou moins comme ça je pense, sans faire de généralité, je ne voudrais pas faire les mêmes bêtises que les lecteurs, j'en connais d'autres. J'étais en colère contre la vacuité de noël. J'étais en colère contre cet homme qui n'arrivait pas à semer correctement la vie en moi. Ce n'est pourtant pas difficile : le Père Noël rentre par la cheminée, le monsieur met son pénis dans l'ouverture hideuse de la madame (c'est pas de moi cette phrase, c'est d'une des blagues des trois hommes de la même famille, la Sainte-Trinité). Ensuite le monsieur fait couler un peu sa tristesse, celle de son corps, la madame elle attend de lui essuyer tout ce gros chagrin et normalement en un éclair d'orage, le temps d'Ashes to Ashes de Bowie, ou de la mort d'une infirmière décapitée, neuf mois plus tard dans un écran de fumée un enfant que tu aimais déjà avant qu'il n'existe apparaît. Il naît dans un monde de traumas. Un monde qui ne veut pas que ça se voit. Qui essaie de cacher. On ment aux enfants pour les tenir et pas pour les émerveiller : tout cela dépend en fait duquel émerveillement on parle. Ils regardent vers le même endroit, au lieu d'affronter les nuages et l'orage, ils regardent leurs pieds dans la boue. Ils sont fascinés par leur décadence. Et gare à vous si vous êtes une femme, vous devez entrer dans leur jeu. La plupart sont comme ça, en tout cas ceux que j'ai rencontré, je n'ai pas eu de chance vous pensez certainement. Je vous répondrais : c'est le moins qu'on puisse peut-être en dire. Alors je suis revenue. J'ai mangé la bûche, les cadeaux, les machins. En rentrant, Jean m'a demandé si j'allais bien. Dans le lit il voulait me sauter (j'utilise le langage de certains j'aime ça recopier ce que j'entends) et comme moi j'avais pas envie qu'il me touche j'ai dit : oui. Je n'ai pas dit oui. Je l'ai laissé m'embrasser. Vous allez penser qu'à chaque message je parle de ça et vous aurez raison. Je voudrais vous envoyer une cassette vidéo même, du sperme de Jean et du tétard qui féconderait le cygne. Mais bon, c'est de l'arty tout ça, comme on dit.

Et je n'ai pas pris de plaisir. J'ai toujours mes règles, ça me dégoûte. Ce sang qui devrait te servir à toi mon enfant qui n'existe encore pas. Alors à la place de toi je m'occupe de lui, de moi. C'est horrible, des fois j'adore des fois je déteste. Je n'aime pas le Père Noël, il est père, pervers oui, plutôt. Comme tous les papas gâteaux. Avec son sexe par exemple, Robert n'hésitait pas à aller fêter Noël avec sa fille de huit ans, dans la chambre il lui parlait du sapin, des guirlandes et des boules, comme elles étaient belles et qu'elles brillaient, ensuite la gamine prenait son pénis dans la bouche. Elle ne pouvait pas se battre contre son père. C'était normal pour elle, elle avait horreur de ça pourtant, horreur et on peut la comprendre. Je la comprends à cent pour cent. Mais le Père continuait. En dehors de ça il était normal son père, il ne parlait jamais de ses visites nocturnes à sa fille. C'était un comble mais c'était comme ça. Elle pleurait à chaque Noël et chaque jour que Dieu faisait elle avait mal dans son âme. Je peux vous le certifier. Elle aurait voulu s'enfuir, lui dire qu'elle ne trouvait pas ça normal à cent pour cent, mais non elle ne pouvait pas parler de ça. C'est imparlable. Vous comprenez. Alors c'était son cadeau et le petit Jésus dans la crèche naissait, on lui racontait des histoires, on mélangeait on inventait, on lui mentait à la petite. Elle avait mal au sexe, il saignait des fois, pas beaucoup et elle n'avait encore jamais eu de règles. Elle fêtait Noël avec son père et il finissait par la pénétrer dans son lit tandis que vous buviez tous autant que vous êtes et que vous bourriez vos panses de foie gras pour ceux qui aiment. Elle avait mal et elle pleurait après : son père avait un pénis énorme et le vagin de la petite fille n'était pas encore fait pour recevoir ces coups de bourrins. Toujours est-il qu'après, dans la rue, elle pleurait à chaque fois qu'un homme la regardait d'une manière sexuelle : elle disait qu'ils étaient des porcs. Aux fêtes de fin d'année elle pleurait, la cheminée pénétrée par papa gâteau ça faisait revenir des souvenirs épouvantables et puis un soir, une nuit après l'éjaculation sur elle, il lui avait dit : tu ne diras rien. Elle en avait plein le dos et les fesses : je sais bien ce qu'elle a pu ressentir car il a dit ensuite : on appelle ça un amour moderne ma chérie. Haletant, il est vrai que j'avais oublié que lui aussi adorait David Bowie.

Angéline.

Publicité
Commentaires
C
Mon blog: www.clemdaboliou.canalblog.com
C
Bonjour Angéline,<br /> j'aime ton blog, j'aime comment tu écris donc je t'ai mis en lien sur mon blog.<br /> Biz<br /> clé
Publicité