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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
24 novembre 2007

Time Square & co

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-La parole a une vertu régénératrice et de construction. Et vous devez vous construire et ça prend du temps. - Oui mais moi pendant vingt-six ans je n'ai pas réussi à construire, comme vous le dites, donc ce temps-là est perdu, j'ai tenu tant mal que mal et d'années en années comme ça on se construit un cerveau qui aspire et respire toutes les miasmes de la société. (Je n'ai pas dit tout ça mais j'en rajoute maintenant). De plus, je suis fatiguée, je me sens encore plus mal finalement, d'avoir repris une psychanalyse. A la fin il me regarde et il me dit : bon, qu'est-ce qu'on fait ?

On fait l'amour bien sûr. Le plus grand drame de certaines femmes c'est d'être en face d'hommes qui ne trouvent pas leur clitoris. Ils veulent parfois en remontrer ou au contraire se montrer sensible (car ça marche aussi). Ils aiment la Statue de la Liberté, car elle accueille les gens qui ont dû fuir leur pays d'origine, pour des raisons diverses et variées. La plupart du temps, ils préfèrent la Statue à ce qu'elle symbolise vraiment. Le clitoris est souvent sous la jupe, à l'entrée du vagin, au dessus, parfois il est tellement gros qu'il devient une gêne pour la femme, qui se braque, se bloque et en fait une culpabilité de plus, une honte en plus de celle d'être un être inférieur, car plus faible et moins intelligent et moins créatif, sauf pour faire des petits bébés (même des gros). Moins humain en somme. Mais ce n'est pas grave, tu es loin, sur l'autre rive, et moi je trouve quand même l'entrée de mon vagin. Les sous-sols de la peur dans lesquels on emmène les endormis éveillés ne vacillent pas d'un cil.

Ils mangent des spaghettis. Ensuite seulement font l'amour, sans s'être brossé les dents parfois. Ils ont bu du vin aussi : ils ont tous les goûts de bouffe possible dans la bouche. Et parfois, parfois, seulement parfois, c'est agréable et excitant. Cela dépend surtout avec quelle bouche. Avec qui. Ils regardent le soleil avec des lunettes de soleil, vous, non. Vous regardez le soleil, tant mal que bien, sans lunettes de soleil, vous aimez prendre le risque. Les mouches noirs qui apparaissent sont-elles inquiétantes ? Bon signe ?

Le vent froid leur fait du bien. Ils marchent les mains dans les poches, ils arrivent au bord de la falaise. Ils pensent à leur femme, qu'ils détestent, à leurs enfants qui sont crétins, à leur maîtresse aux hanches fatiguées. Ils sont désespérés. Ils aiment leur travail mais ça n'arrête pas la pression de monter. Ils aiment le foot, maintenant le rugby plus, mais ils se disent : tout ça c'est des conneries, tout ça c'est de la merde. Ils se disent que les femmes ne devraient pas exister. A commencer par leur mère. Ils sont férus d'astronomie. Les femmes, elles, sont dingues d'astrologie. Ils se disent. Ils aimeraient être très loin, très haut, très ailleurs. Ils bandent en retournant à leur voiture, en voyant le sms de leur maîtresse, qui est une invitation.

Il attendait ma réponse pendant qu'il me faisait sa feuille de soin. Il restait neutre, impartial, mais j'avais le sentiment que j'avais, d'une certaine manière, dénigré son travail et surtout sa manière de le faire. Ces gens-là sont très narcissiques.

Après on écoute Laurens Walking, d'Angelo Badalamenti, extrait de la bande originale d'Une Histoire Vraie, le plus beau film de David Lynch. Dans la voiture. Il pleut beaucoup. Il fait froid. Il téléphonera ce soir. Il me demandera comment était ma journée. Comment j'ai été, moi, à l'intérieur. Je lui demande ce qu'il ressent souvent, sans le harceler. Des fois, ils n'ont pas envie de dire. Ils sont préoccupés, fatigués, contrariés. Ils ont passé de difficiles journées, pleines de contrariétés, de barrières dans le travail, qui les mettent dans un état pas possible. Il doit aller vite, ça va vite là où il est. Même les drames se passent vite, en deux heures, on peut emporter des milliers de vies humaines. Combien d'animaux sont morts dans ces événements ? Si ça se trouve, aucun. Il parlera de sexe comme la dernière fois, pour me dire que mon corps lui manque. Mon corps manque à quelqu'un sur cette terre. Vous manquez à quelqu'un comme ça vous, des fois ? On écoute dans la voiture des musiques pures. On essaie de trouver quelque chose, qui s'appelle la volonté, ou qui porte un autre nom. Pour continuer de ne pas lâcher, malgré la tentation qui est tellement grande, tellement offerte, tellement belle. De tout abandonner. Pour de bon.

Ils se masturbent sous la douche, loin d'elles. En pensant à elles. Ils lui disent : je pensais à toi. Elle, uniquement. Ils ont l'air de dire : tout le temps. Mais non, on n'y croit pas. Souvent même, c'est une autre qui occupe l'esprit, et souvent même, c'est juste l'envie de voir jaillir le sperme de leur queue, en longues traînées nourries. C'est tout.

Time Square, je ne pourrais pas supporter, ni même le complexe financier, avec tous les êtres qui doivent s'y rendre... Je pense à lui qui marche au milieu d'eux. Dans la foule, dans la masse, dans la jungle. Dans la junte. Il faut du courage, ou de la folie, pour marcher sur les chemins de ce monde disait l'enseignant à son jeune élève, qui aimait parfois tendre son derrière, comme ces jeunes salopes du coin. Faites des enfants, fête des hommes.

On se demande toujours quelle taille ils ont fait pour le clitoris de la Statue de la Liberté, cette salope. Et tu iras à Philadelphia ? Bon alors, n'oublie pas les cloches, la fêlée, la pas fêlée, n'oublie pas. N'oublie pas. Folles ou sages, fêlées ou saines d'esprit. Comment ça va ? Comment s'est passée ta soirée ? Je me suis fait un steack haché avec des petits oignons, il était très crû quand je l'ai mangé en écoutant Amy Winehouse. J'ai ouvert mon courrier en même temps, je n'avais pas le coeur, de lire les lettres de Sophie, encore une lettre, m'expliquant qu'elle regrette son comportement, assez agressif, mais elle était un peu déçue que je ne vienne pas à son mariage, j'avais autre chose à faire, autre chose en tête. Je ne sais pas si c'est une femme libre, comme la Statue de la Liberté, elle. La télévision reste désespérement éteinte, quand tu es là, elle s'allume, tu aimes encore, le soir, la regarder. Le câble t'intéresse et la TNT. Je ne sais pas si ça me manque. Le silence de la télévision est magique, quand même. Elle reflète la vie du foyer dans son grand écran carré, tu aimes les grands écrans plats, c'est vrai. J'étais navrée. Je m'en souviens. Il restait beaucoup de sauce dans mon assiette, tu sais, voilà ma soirée, j'ai pris des bouts de pain en lisant mon courrier, et j'ai épongé la sauce dans mon assiette. Ensuite, j'ai jeté les enveloppes déchirées, je déchire violemment toujours les enveloppes ces salopes, avec mes ongles mi-longs. Je n'aime pas les ongles rouges, les ongles bleus, j'aime les vrais ongles, mais longs non. Je mettais trop de rouge dessus à vingt ans, ou de rose, le teint clair, le maquillage clair m'allait bien aussi. Mais tout ça c'est fini, il y a des façons de se maquiller, évidemment, qui veulent dire certaines choses, d'autres non. Certaines façons de se maquiller, même en écoutant Amy Winehouse. Ensuite, j'ai pris un bain, un long bain, qui a fait beaucoup de vapeur. J'ai mis beaucoup de savon, beaucoup de shampoing. Je t'imagine parfois marcher dans Time Square, comme les autres, les autres, avec les infos qui défilent en pleine rue, ça ne s'arrête jamais. Je t'aime. Mais ça je ne vais pas te le dire au téléphone, je vais te dire "moi aussi". Parce que je ne suis jamais la première à le dire. En revanche, dans une soirée, je suis la première à faire remarquer au groupe que quelque chose de trop a été fait dans la parole, qu'il fallait le souligner, que surtout, il ne fallait pas l'empêcher, ni empêcher le surlignement. On s'abrite comme on peut en silence. Toi, ton parcours, chaque jour, et quand tu ne travailles pas, même quand tu ne travailles pas, tu travailles, même si le début c'était difficile. Mais il faut s'adapter, vite. Tu n'as pas eu le choix tu m'as dit. J'ai trouvé ça gros comme une M A I S O N.

Est-ce que je suis comme Sophie, comme la Statue, une femme libre ? Ou de la liberté ? Une femme libre ? Ou une femme de la liberté ? Une femme libre ?

Ils disent : "nous voulons des femmes libérées. Ou mères." En Afrique, mon frère et ma belle-soeur se sont occupés d'une femme noire qui croyait en Jéhovah. Dans leur e-mail, ça me dit ça. Cette femme avait perdu un enfant, une petite fille, morte. Elle avait le sida. Cette femme faisait l'étude. Elle avait quatre autres enfants, l'un d'entre eux est mort la semaine dernière, fauché par une cohorte de voitures. Les flics et les militaires foncent dans les rues et ne s'arrêtent pas. S'ils tuent quelqu'un. Là où ils sont. Mon frère, parce qu'il est blanc, se fait beaucoup arrêter. Mais là-bas, on l'appelle Papa Thomas. Tous les petits enfants noirs l'appellent Papa Thomas, parce que c'est comme Monsieur ici. Les Papas d'ici, on peut leur cracher à la gueule bien mieux que ça. Mieux que noir blanc.

Dans mon bain, j'ai caressé mon sexe mais j'ai arrêté, tellement j'étais fatiguée, tellement je pensais à autre chose, tellement je fermais les yeux. J'ai dit au psy barbu : j'entends le téléphone avant qu'il ne sonne et je sais qui téléphone. Il m'a dit : c'est de l'ordre du pressentiment, du style : on reçoit un appel alors qu'on pensait à la personne au même moment. Je lui ai dit : non, je l'entends, avant. Sonner. Ensuite, quand je vais décrocher, je me rends compte qu'il ne sonne pas. Ensuite, quinze secondes plus tard, il sonne. Et je sais. Qui c'est. Je lui ai demandé s'il s'agissait d'une hallucination, mais il avait l'air gêné. Il avait l'air gêné. Souvent les hommes avec moi sont gênés. C'est dommage. Je riais, et j'ai vite changé de sujet. Je lui ai dit autre chose, je lui ai dit que je me sentais plus mal depuis que j'étais venue le voir. Avec le recul. Je pensais le contraire mais c'était le contraire de ce que je pensais qui se passait. Tout ça, à l'envers. Donc forcément, il a dû le prendre pour lui. En plus quand je me suis enfuie de son cabinet, il a eu l'audace de me suivre. Il est allé aux toilettes, j'ai eu peur, le coeur battant, lourd. Je n'ai pas regardé sa plaque, je n'ai pas demandé s'il était d'un courant particulier. Je me méfie des hommes dans le courant.

La sauce sur le pain. Tu as fait quoi ? Du maïs, de la salade avec des tomates. Du maïs. Naturel ton maïs ? Il paraît qu'il se gorge de soleil. On se gorge de soleil, et quel temps fait-il dans ton éloignement ? Et quelle heure est-il en toi ? Dans ton coeur ? Dans ton sexe ? Quel temps fait-il là aussi ? Et dessous, et tes couilles, bien serrées dans leur scrotum, et aussi, ce que je n'ai pas oublié, les grains de beauté que je suis seule à connaître (moi plus ton ex-femme, plus toutes les petites salopes, toutes les petites putes que tu as baisées). Près de l'anus. J'en souris rien que d'y penser. Parfois, quand tu me faisais l'amour, je trouvais que tu le faisais tellement bien que je te trouvais salope. Il y a un style salope pour les hommes, et ça n'a rien à voir avec l'homosexualité. Comme dit Robert Mugabe, l'homosexualité, c'est parce qu'on sait pas que deux cochons ensemble du même sexe ne fôlatrent pas dans la boue baveuse du dimanche. Mais pour revenir à mon sujet, nous deux, je pense que tu étais parfois très salope, lorsque tu agitais ta queue dans ma vulve et que je ne supportais pas du tout que tu ne rentres pas. En me pinçant le bout de seins, appuyant sur un bouton de cataclysmes encore plus impressionnants que ne pourrait en faire le projet Haarp. Tu adores retenir. L'éjaculation, et mon plaisir, parce que tu me connais. Je n'ai pas du tout l'affront de te demander de t'y connaître, je te dis : vas-y. On verra plus tard pour ajuster. Je n'ai pas de demandes spécifiques, je ne suis pas mon oncle, qui adorait la fellation, et éjaculer pendant qu'on gobait ses couilles, si possible les deux. On essaie comme on peut. Il ne faut pas se décourager devant les obstacles que présente la vie chaque jour. J'ai fait ça cette soirée, après le bain, j'ai lu un peu, j'ai essayé de voir un film, mais le cinéma, j'ai des obsessions et là c'est le dernier film de Gibson, à la fois majestueux et grotesque, il faut que j'arrête de le regarder. D'autant plus qu'il est dur à regarder et historiquement faux. Mais c'est du cinéma, ce n'est pas Wikipédia (hum). J'ai beaucoup pensé à toi. Et puis je me suis allongée, et j'ai fait ce rêve qui ressemblait à l'ancien, récurrent, enfin je veux dire, important pour moi, avec des nuances vraiment délicieuses. Tu le connais. Tout ce qui est important pour moi je te le dis. Parfois. Souvent. Pas assez, pas tout le temps.

J'ai vu deux vieux tout à l'heure, ils se parlaient, elle remettait le col de l'imperméable de son mari. Ils avaient l'air d'être mariés. Ils ne l'étaient peut-être pas, ce n'était pas ça qui importait. C'était leur façon de se regarder, sous le gris, sous la pluie, sous mes yeux noirs. Cela transpirait l'amour et je suis restée là à les dévisager dans le rayon où ils vendaient la viande, rouge et encore saignante dans les barquettes. J'ai pensé à toi en voyant ce gentil couple de vieux, j'ai eu un peu mal au coeur, mais j'étais quand même heureuse, à cette heure-là du jour. Ensuite c'est parti, le sentiment que de toute façon, j'allais y arriver, qu'il fallait que je garde confiance en moi, que je méritais ma place sur Terre. Dieu ou pas Dieu, tu m'as dit : il faut s'adapter très rapidement, je n'ai pas le choix. Mais j'ai pensé : on a toujours le choix. Par la suite, j'ai vu que c'était gros comme une M A I S O N.


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