Canalblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
Publicité
Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
21 novembre 2007

Diabolus in Musica

Encounter

Je sais que vous n'appréciez pas lorsqu'on s'adresse à vous personnellement, surtout pour vous faire part de désirs charnels plus ridicules que révoltants. Mais il fait froid maintenant, l'hiver est là. Et j'ai froid dans mes os, j'ai froid quand je vous lis, et j'ai froid même lorsque j'écoute ma musique préférée. Je suis trop vieux pour vous faire des avances ridicules ou révoltantes. Je suis trop vieux pour vous voir vous gaspiller, gaspiller cette chose de valeur qu'on perçoit dans l'horizon de votre horizon. J'ai des doutes sur moi-même en ce moment, peut-être est-ce pour cela que votre verbe est si intense dans ma tête lorsque je me poste devant mon petit écran. C'est un sentiment inédit où je me sens déchiré et comme poursuivit dans ma lecture. Par une voix qui proviendrait d'un endroit froid et glacé, mais pour autant que je le sache car évidemment je ne suis pas sans l'ignorer, pour autant que je le ressente, ce n'est pas du tout hostile à mon égard. Vous pensez peut-être que votre période de doutes explique cette façon de me lire, qui n'était pas la même la veille. Et qui sera différente demain. On pose les mots, peut-être pas pour vous, mais peut-être voudriez-vous, Cher Charles, que ces mots soient uniquement posés pour vous. Or, vous avez du respect pour moi, à l'inverse des Emiles de pacotille qui ont croisé ma route, et des malades mentaux sans force dans les veines, tombant gratuitement dans la haine molle, alors que pour tuer quelqu'un parfaitement, complètement, il faut tout être sauf fou. On ne le dit pas souvent, les gens qui commettent les pires crimes sont issus des meilleurs places de la société. Les places les moins folles. C'est une phrase qui ne vous est pas destinée à proprement parler, Charles. Et d'ailleurs, à la relire, elle ne veut rien dire, veuillez ne pas y prêter attention. Je ne sais pas quoi répondre à vos doutes, comme les précédentes fois. Si ces derniers magnifient ma parole, alors peut-être que vous sous-estimez cette dernière. Cependant, vous vous améliorez, dans votre demande, dans votre éloquence, ce qui fait que j'ai envie de vous répondre directement. Parfaitement. Complètement. Je ressentais de l'hostilité venant de vous, je ressentais un violent rejet. Un adolescent rejet. Et puis l'ésotérisme que vous cherchez à incorporer qui est parfois ridicule. Comme vos passages sexuels. Pourtant si dans la lancée vous vous ratez souvent, vous parvenez à vos fins d'une manière surnaturelle, je ne trouve pas d'autre mot. C'est étrange, malsain, et ce n'est pas agréable, je n'aime pas me faire pénétrer, je suis un homme, Angeline. Je n'ai jamais eu envie de me faire pénétrer, ni par un autre homme, ni par une jeune femme telle que vous. Pourtant je reviens malgré vos avertissements sonores tels des aboiements dans la brume de nuit : nous pouvons être autre part. C'est agréable l'idée de venir vous lire, très agréable, parce que vous êtes autrement intéressante et que vous faites ce que vous voulez. Mais vous n'êtes pas la seule, souvent j'ai envie de vous prendre dans mes bras, parfois vous gifler. Je ne sais pas ce qui pousse à un sentiment pareil. L'idée de venir vous lire est agréable mais le faire l'est moins. Se poster devant son écran. C'est parce que je sens une personne derrière cet écran, une personne au coeur terriblement chaud, que je viens. Que je continue à venir. Cela me touche. Mais derrière l'écran, s'il n'y avait personne ? Et si plus jamais, de l'autre côté de l'Atlantique... La face cachée de la lune est si différente de la face visible. Pourtant nous sommes allés faire le tour. Et comment allons nous vieillir lorsque la lune sera lancée loin de la Terre ? La peine valait bien le coup, ou quelque chose dans ce goût-là. Charles, je suis dans le froid, ce n'est pas de ma faute, je ne peux pas faire autrement. Je n'aime pas le lien que vous décrivez. Chaud est le souffle parfois qui vire au froid. C'est de la faute de personne, il paraît. Il paraît que nous faisons ce que nous pouvons. Que nous avons tort de nous accabler. Denis s'insulte presque lorsqu'il imprime mal une page, lorsqu'il rate un appel, il se traite de nul. Presque. Je lui dis : ne sois pas trop dur avec toi-même, je le rassure. Il y a tellement peu d'abris chauds que ceux qui rassurent passent parfois pour des héros. J'aime être le sien parfois. Je me demande pour combien de temps. Pour combien de temps, et comment ça va tenir, je suis émerveillée comme une petite enfant, quand je vois des vieux couples. Quand je vois des gens qui ont réussi à tenir ensemble malgré toutes les forces qui essaient constamment de séparer, de diviser, de communautariser (ouch). De mettre en pièces. Il y a également, et comme vous le savez déjà, ce qui nous rapproche, la mort de nos deux mères. Mortes de la même chose. Le cancer de ma mère est apparu dans son cerveau. Votre mère est morte d'un cancer du sein, ce qui arrive encore de nos jours, j'ai été particulièrement surpris. Ensuite j'ai fait des recherches, et j'ai vu que cela arrivait encore malheureusement à certaines femmes. Tout dépend du cancer. Du crabe. Je vous avais avoué à quel point cela m'avait touché, à vous lire dans le silence à l'époque, votre fragilité a commencé là pour perdurer pendant des mois, où, comme sonnée à l'image d'un boxeur qui aurait lutté jusqu'au dernier souffle, vous étiez perdue dans les cordes du ring, sans pouvoir bouger, la face tuméfiée, le coeur emporté et en compote. J'ai aimé vous voir vous perdre dans les cordes, je dois vous avouer cela. Je dois également vous avouer que vous avez eu de la chance avec votre mère car les choses se sont faites relativement rapidement, entre l'annonce de la maladie et sa mise à mort de votre mère. J'ai lutté auprès de ma mère pendant des mois, à une époque où les traitements n'étaient pas aussi efficaces, et la volonté a voulu qu'elle vive plus longtemps que la plupart des gens qui se trouvaient touchés par la même maladie. Dans votre malheur, vous avez eu de la chance, si on peut dire. Dans mon malheur j'ai eu de la chance, je vais me le répéter. Dans ce monde d'espoir et d'abondances. Dans mon malheur j'ai eu de la chance, une vraie chance. Une bonne chance : au revoir et bonne chance. Petite chance. Au petit bonheur de la chance. Au revoir bonjour la chance. Bonjour la chance, dans son malheur avoir de la chance, penser à la chance, quelle chance on a. Extra. Les terriens invoquent la chance, lorsqu'elle se présente, à chaque fois, les fils et celui qui s'amuse avec ses poupées de merde, quelle chance. Quelle belle chance, dites-moi, vous avez eu du pot. De la chance. Dans mon malheur, c'est vrai, j'ai eu de la chance. Je voulais qu'elle parte depuis tellement longtemps de ma vie. C'est vrai qu'ensuite j'ai été un peu sonnée, c'est vrai. C'est vrai que j'avais cherché à quitter mon corps, et que j'y arrivais, c'était mieux que le voyage astral. Je peux vous le dire. Depuis que je suis revenue, mes reins fonctionnent mal, mes viscères, mon estomac, mon cerveau j'ai mal et j'ai recommcencé, quelle chance, d'être bipolaire dans ma dictée. Comment faire pour remédier à cette chance, que j'ai, que j'ai toujours eu : j'ai toujours su composer dans les événements les plus étranges et troubles. Oui. C'est vrai, j'ai toujours su composer avec les historiens d'événements étranges et troubles. Je suis croyant et parfois vos propos me choquent. Je suis catholique, parfois je me recueille à l'église, et pas seulement à l'église, et pas seulement le dimanche. Je ne me suis confessé qu'une seul fois dans toute ma vie et j'ai trouvé ça tellement faux que je n'y suis pas retourné. Parfois, lorsque vous commencez à mélanger la foi avec la religion, les individus avec Dieu, vous m'exaspérez. Mais je me dois de vous prévenir : c'est une chose positive, à laquelle je n'étais pas trop habituée avant vous : en effet, s'il s'agissait de stupides éructations contre la religion, je pense que ça ne ferait pas son petit bonhomme de chemin dans ma tête. Dans ma tête lorsque je vous lis, j'imprime des musiques, celles que vous mettez pour donner une texture audio à  vos billets, ou à vos humeurs, renforcent encore, s'il était nécessaire de le faire, le sentiment que derrière vos textes, vous cachez votre être remarquable. Le genre d'être qu'on est fier de connaître Angeline, le genre d'être qui nous intime l'ordre de ne pas dormir sur nous-mêmes. C'est me prêter de nobles intentions. Mais je ne pourrais pas être remarquable, sans d'autres qui le seraient bien plus à agir en conséquence. Le meurtre n'est pas une maladie qui se communique, je ne contamine personne, je ne pousse aucune femme bafouée à se retrousser les manches avant de passer l'homme responsable de la violence au barbecue. Manichéenne, je ne le suis pas. Moi je suis de l'autre côté de l'Atlantique. Quel est le bon ? Quel est le mauvais ? J'ai rêvé que je coulais au fond de l'Atlantique, je cherchais à rejoindre Denis, et j'ai rêvé de ça dans une sieste de trente minutes. Je rêve vite, bien, beaucoup et d'une manière précise. Je suis désolée, Charles, pour votre mère, et le manque de chance, mon manque de chance, c'est d'être venue à la maison, un jour, où elle était encore en vie. Encore en vie... C'est fou comme depuis dix ans, nous avons changé notre regard sur le vivant. Je ne sais pas vous, si vous avez parfois cette impression, lorsque vous êtes dans un avion, les gens autour de vous paraissent suspect, ou alors pris dans un embouteillage, on étouffe, il y a de plus en plus de voitures, de scientifiques, d'hommes avec des mallettes qui ont donné rendez-vous à des Marilyn et des Marjorie dans des hôtels de luxe ou de passe. C'est fou comme tout ça remonte tout le temps, même lorsqu'on l'oublie. Des fois dans la journée, j'oublie. J'oublie tout. Comme par exemple, tout à l'heure : je m'occupais d'une plante malade de Dominique. En écoutant "Dedication" de la bande originale de Vol 93. Donc je la soignais. Et je lui ai mis des compléments dans sa terre car elle était malade, et de l'eau, car toutes les créatures de Dieu méritent l'eau de son ciel. Amen Charles. Ma manne, je ne sais pas quel goût métallique elle laisse dans la bouche, je suis désolée, désolée. Vraiment désolée. De tout mon coeur. Toujours est-il que je fais partie de l'Atlantique. Même si ce n'est qu'un rêve. Je n'avais pas prévu tout ça, de donner un visage comme ça à la maison. Je n'avais pas prévu que ce serait si dur. En fait, c'est à cause de l'autre que ça vous pose un problème de conscience et une crise de foi, attention au goût de la bile qu'on a dans la bouche parfois, c'est bien à cause de cette chose... Du Diable dans la musique. 


Rade_20gelee_201

Sans_titre_25

Publicité
Commentaires
Publicité