Le Registre de l'Impression

Voici le message de Patricia, que Franck a enlevé de ses pages. Je tiens à préciser que je n'ai rien ajouté à ce message, qu'il avait été recopié tel quel. On écoute Patricia elle avait des choses à me dire :

tu devrais arrêter de consacrer autant de place dans tes textes à tenter de convaincre que tu as vraiment tué ton oncle. Notre opinion ne fait pas partie de ton projet d’écriture, je crois ?

(en passant, c’est pour ça qu’ils continuent de dire bonjour ; ils ne te croient pas).

La vérité d’écriture n’est pas du même ordre que la vérité historique. Dans ton blog, c’est elle qui devrait t’importer et nous importer.
La vérité d’écriture résiste mal à la soumission au regard des autres au moment de sa conception. L’énergie que tu mets à vouloir rendre crédible, évocateur le meurtre me paraît trop préoccupée de notre adhésion pour être complétement issue de ton propre mouvement de vérité. 

Il est possible bien sûr que mon impression soit biaisée. Je ne lui accorde pas plus de crédit qu'une impression.

sur le fait même de la porter à ta connaissance : j'ignore si c'est intentionnel, mais tu fais passer des messages vigoureux à propos du contenu des courriers adressés par tes lecteurs ; ceux adressés à ta personne (antipathie ou sympathie) t'horripilent généralement - à ce que j'ai compris, ils te semblent sous-entendre que tu écris "pour témoigner" ou "pour te soigner", ce qui est hors de propos, en effet. Ceux adressés à l'écrivain sont adoubés s'ils ne relèvent pas le plus évident, la noirceur et la provocation, mais pointent l'amour derrière. Tu refuses aussi les analyses littéraires.

tout ça me paraît assez légitime.

Mais j'ai l'impression que la façon dont tu exprimes tes refus est dissuasive vis à vis d'un autre type de commentaires, qui pourraient t'être utiles, sur une réception plus affinée (de type "j'ai apprécié ce passage, pour telle ou telle raison, mais tel autre aspect ne me plaît pas"). En gros, j'ai l'impression (et je pense je ne suis pas un cas isolé) que toute restriction exprimée risquerait fort d'être taxée d'arrogance et punie, comme tu sais le faire, par une mise au pilori très humiliante.

Je crois que tout écrivain qui publie est en attente du retour des autres, et que les appréciations globales, aussi dythirambiques fussent-elles, le laissent sur sa faim...

Je précise : disant cela, je ne me vois pas dans ce rôle du lecteur honnête et décomplexé, capable d'exprimer sa perception pour ce qu'elle vaut. Je suis bien trop traumatisée par mes précédentes expériences de communication avec toi pour être à l'aise (et la fréquence des exécutions publiques n'est pas rassurante). 

Ce n'est pas facile de trouver comment t'apporter quelque chose qui ne te fasse pas tordre le nez. J'essaye pour une fois de le faire, mais je ne suis pas du tout tentée par l'obséquiosité. (Pourtant, j'ai l'impression que c'est le registre qui a le plus de chance de ne pas s'attirer de rebuffades avec toi ; et je trouve ça très dommage...).

bonne écriture ce soir et les mille et une nuits suivantes.

Patricia

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