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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
8 octobre 2005

Lits et Brouillard

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  • J'ai dit à mon frère David jeudi dernier : "je pense bientôt arrêter". Avec lui. Je pense bientôt arrêter.
  • Elle avait vingt-cinq ans. Elle était cuite et recuite. Elle se donnait à fond dans les études qu'elle venait de reprendre. Sur Internet, elle cherchait un mari. Sagittaire de préférence. Elle avait des goûts en matière d' homme.
  • Il était mécanicien. Il était allé à Amsterdam dans des boîtes homos, juste pour voir les gens fumer, là-bas, la liberté est une sorte de trésor. Les maisons tombent les unes sur les autres, c'est effrayant. Il a dit : "ça fait peur". Frédéric, son copain, est jaloux. Il est homosexuel. Il a des fantasmes basiques, il le reconnaît, avec des marins. Ils ont perdu un enfant. Mais l'ont effacé de leurs mémoires ? Je l'ignore.
  • Il m'a demandé : "vous ressentez le besoin d'arrêter ? Comme il y a quelques mois ?"
  • Ils ont des gestes, parfois dans leurs paroles, les enfants, on ne peut plus les reconnaître. Ce couple cherchait par exemple à avoir un enfant. Un enfant depuis sept ans, pas moyen, pourtant ils n'étaient pas stériles mais des fois ils n'étaient plus sûrs et certains de s'aimer, c'est souvent ça. Dans les couples parfois. Des jours. Mais ils se disaient indignes. De quoi ?
  • La manière dont elle est morte est suspecte. Douteuse.
  • Il a fait beau tout à l'heure dans mon jardin. Je lui ai répondu : "je ne ressens pas le besoin d'arrêter, ni de continuer, je ne ressens pas de besoins bien définissables, là-dessus, c'est bien ça le problème".
  • Ils étaient obligés de coudre des étoiles de David sur leurs vêtements. Des brassards aussi. Beaucoup de vaseline dans les chambres d'hôpitaux, entre l'infirmière cochonne et les patients, surtout des mecs, qu'on jouait, qui attendaient une aiguille dans les fesses.
  • Des rires de filles qui enculent avec des godes.
  • La chair vibre quand tu tapes dessus, c'est pas grand chose.
  • Et la manière dont je suis morte est des plus douteuse.
  • Lorsqu'ils soufflent, dans la nuit, dans leur lit. Le train dans leur tête car parfois, ils font des rêves de train. Ils bandent ? Ce n'est pas  lié tout le temps. Disons qu'ils ont eu une journée fatigante, écrasante, au boulot, ils doivent se reposer.
  • Et souffrir le martyr les petits enfants ! Comme tu as de belles oreilles et de tristes dents ! Laisse-moi passer un doigt sur ta joue, comme en te faisant un sourire, comme pour t'embrasser et te meurtrir.
  • Elle, elle aurait voulu naître ailleurs et venir d'autres parents. De d'autres gens. Elles n'aimaient pas leurs parents. Toutes. Elles jugeaient qu'ils étaient fades. Elles se sont suicidées à l'âge de treize ans. Mais les aimaient quand même. Ne pouvaient pas s'en empêcher.
  • Au bar tout à l'heure : j'aimerais bien que Stéphane me baise. (Rires de l'Assemblée Générale).
  • Une petite baise juste pour rire, et dans leur lit, la nuit, lorsqu'ils soufflent; Ecrasante, au boulot, la journée, les rêves de Train, chouchou, quand tu parlais des destinations finales, ils s'arrêtaient où ? Birkenau, Auschwitz, le deuxième était le plus...Le nom était affreux quoi. Tu trouves ? Je ne sais plus quel humoriste a dit que c'était touristique. Il n'avait pas tort.
  • La faim, les violences, la pression, la méfiance, le manque d'hygiène et la mort encerclaient bien tous les corps, toutes les âmes, les Juifs, les Témoins de Jéhovah, les Homosexuels et les autres.
  • Pendant ce temps-là, il courait après elle, il l'aimait. Denis.
  • Mais je crois qu'elle se rend vraiment compte maintenant et elle a mal. Pour être honnête avec vous.
  • Alors je vais la plaindre avant que vous ne le fassiez, comme ça, cela vous soulagera d'un poids : je suis désolé, pour toi.
  • Ce n'est pas important, ce n'est pas grave. Elle pense et écrit trop le mot : "mort". La mort.
  • Elle a embrassé son frère en lui disant merci, dans la chambre d'hôpital.
  • C'était une bourgeoise finie, elle aimait commander même lorsqu'elle était invitée chez quelqu'un. Le soir, elle voyait son mari monter sur elle. Elle avait pris du Deroxat en hautes doses, du Prozac, du Zoloft, tout ça mélangé à l'excellent vin de la soirée. Elle a réussi à jouir après. Mais après, en pleine nuit, elle s'est levée, elle a pleuré, elle était très dépressive cette bourgeoise, elle souffrait.
  • La guerre fait de vous des chiens.
  • J'ai fait un rêve de neige. Et aussi d'Hitler, que c'est la seconde guerre mondiale, et qu'elle se termine. Et on voit Hitler parader dans les rues, vivant, arrêté par les Alliés. Mais qui sont en fait des Allemands qui sont déguisés en Alliés et qui cherchent à fuir avec Hitler lui-même. Sophie, qui est très Zen, qui est très portée sur la Zénitude, alors que moi je fais le Sale Boulot de Dieu, je fais le Jihad (vive la Guerre Sainte), m'a donné un livre, la neige m'annonce la plénitude retrouvée.
  • Avec deux doigts dans la bouche et le troisième dans le cul ?
  • Tu voudrais voir ce que je vois dans mon esprit ?
  • Elle était épicurienne. Elle se définissait comme ça. Elle aimait beaucoup le cinéma, aller au cinéma. Lire. Le théâtre, avec une bouche en cul de poule. Elle aimait beaucoup parler de potins avec ses amies, toutes divorcées. Elle cherchait un mari : qui soit là quant il le faut, mais invisible dans les moments opportuns. Elle voulait une poupée gonflable.
  • Niveau sexe, dans sa foufoune, c'était les toiles d'araignées, pire, on disait que l'entrée était bouchée par une grosse pierre, la même que Jésus a bougé avec la Guerre Sainte.
  • J'ai fait un rêve où dehors il y avait beaucoup de neige.
  • Hitler, aussi.
  • Le procureur en sortant s'est tapé une bonne branlette chez lui, en buvant un whisky, en regardant On a tout essayé, sur France 2. Il était content de terminer si tôt. Le cable, tant de chaînes inutiles, le rend fou.
  • Il s'est fait livrer une pizza.
  • J'ai dit à David : je n'en sais rien, je vais quand même prendre un rendez-vous. J'ai eu envie de partir dès la première minute. Je ne tiens plus en place, je ne veux plus entendre parler de mes parents, jamais jamais jamais.
  • Vous êtes l'un d'eux.
  • Les morts.
  • Niveau sexe, elle se ramonait, la bourgeoise qui voulait avec ses copines divorcées et hyper-actives des hommes disponibles avec un vibromasseur non adapté à son sexe qui se prolongeait par deux utérus, difformes et déformés.
  • Il la léchait.
  • Elle a fermé les yeux, elle avait tenté de répondre à son portable, la voiture a sauté dans l'étang.
  • Sa chanteuse préférée ? Alanis Morrissette.
  • Et d'un coup de dents, il lui a déchiré une lèvre, elle a eu mal.
  • Mais ce mal était bon à ses yeux. Tu veux voir ce qui se passe dans mon coeur ? Elle posait souvent la question. Elle suçait des sucettes en boîte, d'une manière ostentatoire en passant devant les mecs, en tordant du cul. Elle disait : les mecs ont une bite à la place du cerveau.
  • A la place du Coeur, Gabrielle avait UN TROU, UN DE PLUS.
  • Tout ça remonte à la surface, et c'est peut-être, ma tour.
  • Mais il s'est fait livrer une pizza. Il a mangé seul, en buvant. Il a appelé sa call-girl préférée, pour qu'elle se déplace.
  • Le déplacement est un risque de plus, un danger potentiel de plus. Nous sommes seules. Souvent.
  • Et elle a fermé les yeux. L'eau rentrait dedans. Elle.
  • Comme ce mouvement de bassin, il baisait la call-girl. Déjà ? Oui déjà. Des morceaux de pizza dans la boîte sur la cuisine. Les lumières tremblaient. Normal, c'était les flammes de bougies.
  • Qu'il avait disposées un peu partout dans son luxueux appartement.
  • Elle n'achetait que des vêtements très chers. Elle se sentait heureuse mais ça ne durait pas longtemps. Elle avait ses règles, une fois, lorsqu'elle a essayé un nouveau pantalon à trois cent euros. Sa serviette a bougé, et le sang a coulé dans le nouveau pantalon, dans la cabine d'essayage. Elle était confuse, mais elle a reposé le pantalon sans le dire à personne. Elle se sentait mal. Elle a été dans une autre boutique, plus cher, elle a finalement achetée une robe, qu'elle a essayé dans la cabine et qu'elle n'a jamais mise ensuite.
  • Ils faisaient l'amour deux fois par jour quand même.
  • Vous êtes l'un d'eux ?
  • Dans la gare, le fil conducteur, c'était le roman de Beigbeder, qu'elle détestait par ailleurs, mais qu'elle dévorait, elle disait : l'homme est aussi nul que l'écrivain est lisable.
  • Niveau amour c'était encore pire.
  • Les morts, vous êtes l'un d'eux.
  • On enterrait d'ailleurs son père en parlant de l'un d'eux. Les Morts sont une race, elle nourrit la terre, fertilise les fleurs et les légumes, la pourriture donne du travail aux insectes, parasites, bactéries. Arrête Angéline avec ton panthéisme macabre.
  • C'est sensuel, invisible, théorique.
  • Matthieu me signalait hier qu'il avait une grosse trique. L'être humain se déchire, comme du papier. Il écrivait et hop, il a bandé. Il n'était pas très concentré sur son texte.
  • Pourquoi ne pas raconter des histoires, des vraies ?
  • On va pas se raconter des histoires, n'est-ce pas.
  • L'amour, tel que je suis et tel que je le vois...
  • J'ai dit au psy devant moi, qui est Juif (on m'a dit que c'était très lourd de le signaler à chaque fois, qu'il était Juif, S.O.S Racisme n'est pas venu pointer encore et Farid ne trouve pas que je suis raciste) : vous voudriez voir ce que je peux voir, moi ?
  • Et ton coeur, tu voudrais mon coeur à la place du tiens ?
  • Finalement, ils repartent mardi, ou dimanche.
  • Elle a branlé le mec dans le lit. Il refuse de toucher des femmes, ça fait trop longtemps, il n'arrive pas à se mettre sur elle. Elle l'a branlé et il a éjaculé. Elle en avait plein les doigts et les mains. Elle s'est placidement essuyée ensuite.
  • L'amour, comme on le ressent à travers les musiciens des baleines. Non ? Ou j'idéalise.
  • C'est sensuel, théorique mais physique.
  • Quand je suis avec toi, Angéline, j'ai envie de voir de nouvelles choses. (Denis).
  • Elle a fini. Elle venait de faire une sieste dans son lit. Elle avait mal dormi la nuit dernière. Il était dans le garage. Il réparait quelque chose.
  • Et elle lui a fait un sourire, comment ça va ?
  • Elle était contente de le retrouver, comme de perpetuels inconnus, de se connaître un jour de pluie.
  • Comment ça va ?
  • Ben ça va, je me démerde avec ça.
  • Dans ses bras, elle s'est sentie bien. Alors que dix minutes avant, elle était dans un sommeil profond et calme.
  • Et dans ce sommeil profond et calme, elle a rêvé d'un train. Le petit train s'en allait dans la montage, vers Birkenau-Auschwitz, uniquement pour qu'on montre aux élèves de quatrième ou de troisième Nuits et Brouillard, qu'on n'en finit plus de regarder. Mais pas de films d'aujourd'hui, sur aujourd'hui, comme c'est perçu.
  • Elle a rêvé d'un train, oui. Dans un sommeil profond.
  • Elle a pris un autre rendez-vous à son psy, David, pour jeudi prochain. On verra bien. Elle a mal. Dans son corps. Tout entier. Pendant ce temps, Simone se rend compte qu'elle est lourde et même si elle en rajoute elle se rend compte que ce n'était pas nécessaire d'en rajouter. C'est vrai d'autres endroits existaient. Chez Franck, par exemple, elle était parfaite pour faire l'avocat du Diable.
  • Dans la chambre, c'était silencieux, immobile. Elle dormait. Dans le noir. Son corps allongé, elle rêvait d'une petit train. Mais c'était calme dans la chambre, pas de petit train. Pour elle c'était réel. Mais c'était réel autrement. Puisque c'était vu. C'était quelque chose de vu. Son corps tranquille, vous êtes l'un d'eux, elle était comme morte.

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ANGELINE

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Commentaires
M
Du pire en plein coeur,<br /> lavage automatique et puis,<br /> par terre, j'ai vu l'heure,<br /> le passé ne m'a pas suffi...
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