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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
22 février 2005

Criminel

Elle était la femme de mon oncle et elle savait. Mais elle ne disait rien. Elle n'a jamais rien dit, elle m'a toujours toisée d'une espèce de supériorité sortie du néant. Elle m'a toujours donné le mauvais rôle sans avoir besoin de le dire avec sa voix. Qu'elle avait moche, rauque et sans émotions. Contrairement à la mienne, où on sent Angéline derrière, je n'ai pas besoin de pseudos pour écrire. Où la voix représente bien le corps. Elle était une femme de paysans, il paraît qu'elle avait beaucoup souffert enfant. L'enfance est difficile pour beaucoup d'entre nous, je n'ai pas eu ce malheur d'être malheureuse enfant. J'aurais pu la plaindre à la mort de son mari, de son époux, j'aurais pu ne pas m'habiller en rouge, outrage suprême. Mais je me suis habillée en rouge, de la tête aux pieds, j'avais acheté des chaussures exprès pour l'événement, elles ont juste été mises une fois, elles pourrissent aujourd'hui dans mon grenier. Dans mon grenier il y a des bruits étranges. Attendez, il ne s'agit pas du bois qui travaille. Mais de pas. Et puis il fait tout le temps froid ici et parfois je me réveille avec l'étrange sensation qu'on m'observe fixement. Je suis ouverte (je l'ai été trop souvent devant des hommes) mais le surnaturel, ce n'est pas pour moi. Enfin bref, il va peut-être falloir que j'appelle Mister Jim, qu'il me trouve un exorciste. Qu'il m'enlève le Diable du corps. Qu'il me trouve enfin ma justification. Mister Jim était bon, il est mort il y a de ça deux semaines et maintenant...Je n'aime pas cet endroit, c'est celui que j'ai pris après avoir sauvé ma vie de mon ex-mari. Je n'aime pas cet endroit, je n'aime pas être dans la cuisine, je n'aime pas être dans la salle de bains, nue. J'ai l'impression que je suis de trop, que la maison ne me veut pas. Alors Anna m'a dit : il faut réorganiser tout, les meubles de place, tu dois encore changer les choses. Tu dois encore changer les choses Anna, tu avais écrit depuis mon adresse un message Têtue et Furaxe pour les gens qui font ce fanzine (ah) pour Gay, et en tant que lesbienne, tu te trouvais mise de côté. Tu es une femme qui parle. Qui dit ce qu'elle pense lorsque ça ne va pas. C'est bien, Anna, c'est bien ça. Ils n'ont pas mis le message entier, tu as été publiée. Je t'aime pour ça. Nous sommes devenues amies comme ça. Tu m'as draguée, ça n'a pas marché, une fille aussi belle, hétéro, que moi, mon Dieu quelle perversion. Que tu as dit. Tu poussais le bouchon un peu trop loin Denise quand même. Euh, Anna. Donc je voulais te dire ça. Comme à Rachel, qui ne trouve pas les mots, euh, pardon, Jean, tu lui as vraiment foutu un coup de poing ? Je suis le genre à inventer des conneries pareilles ? Non. Rachel tu n'es plus une amie, je ne sais pas si c'est la distance, ou alors si c'est ce que j'écris, je ne sais pas pourquoi, pourquoi tu te comportes comme une inconnue, c'est vrai je ne t'avais pas parlé de toute ma vie, on se connaissait peu finalement, j'avais raison de ne pas te faire confiance. Je ne fais pas confiance facilement. C'est faux : j'ai été agressée, les agressions, ça arrive tous les jours, aux femmes principalement. Je pense. C'est plus que courant. Même après le tsunami, des hommes violaient des femmes. Je n'invente rien. Moi. Je n'ai pas besoin d'inventer, la vie est la meilleure toile de l'imagination que je connaisse, et après on vient me demander, on ose, me demander une autre photo, moins floue. Alors que moi je n'en ai même pas une de vous pour commencer. Ce que j'étais heureuse, enfin je veux dire bien, le bonheur n'existe pas, pas encore, celui qui le connaît est un menteur, ou alors un profiteur, et j'étais bien, c'était tout ce que je pouvais dire, j'étais bien, et pas heureuse, mais bien dans le sens : mille fois bien. Dix mille fois encore. Beaucoup. J'étais heureuse, on faisait Heidi dans les prés, et puis à douze ans j'étais formée, mes seins seuls eux étaient petits, heureusement, à douze ans ça doit être dur d'avoir de gros seins. Et puis j'avais les cheveux longs jusqu'aux fesses. Ma mère voulait que je les coupe, Sister Janet voulait que je coupe. Je ne voulais pas. Mon père disait : tant que tu les laves, fais ce que tu veux, mais peigne-toi dehors. On perd beaucoup de cheveux lorsqu'ils sont longs. Cette femme était ma tante, et elle savait, parce qu'il lui avait dit, ou alors elle avait vu, ou alors elle s'en doutait ou alors juste comme ça elle savait. Elle comprenait. Qu'entre mon oncle et moi, son mari et moi, il y avait eu une pénétration. Ils ne devaient pas baiser souvent, vu leurs gueules à tous les deux. Alors il s'en est pris à moi. Elle est encore pire que lui finalement. Elle a vu, le mensonge passer à côté, tout près, l'horreur à sa porte et puis non, elle ne dit rien, au contraire elle s'en prend à moi. Il y a des choses que je ne vous raconte, des sous-entendus qu'on m'a balancé à la gueule comme des aiguilles chauffées au feu plantées dans le coeur, etc. Ce genre de choses. Et on riait avec Marie, chez elle tout à l'heure, on riait. Ils se plaignent de ne pas avoir le temps, ils ont pourtant le temps de violer. C'est bizarre. Le temps ça se gère, ça n'existe pas, celui qu'on vit n'existe pas. Vraiment pas. Mais si je sais que ça existe. Elle a vu le temps de l'inceste tout près, et je n'ai rien pu dire, ma bouche était cousue par sa force de faible, qu'il était beau mon homme, mon premier vrai homme, qu'elle était forte la première fois, ma première fois, qu'on m'a pénétrée, pour voir si j'étais vierge à l'intérieur.

On riait de quelque chose Marie et moi et puis elle a tenu ma main quelques instants, ses yeux étaient illuminés. Elle s'en remet vite je trouve de son syndicaliste, moi de mon pédé j'ai mis plus de temps. C'est peut-être la révolution qui est plus fausse que la pédérastie. Cette femme était fausse. Elle dégageait quelque chose de faux, même avant ce qui m'est arrivé, elle dégageait quelque chose d'artificiel, de rentré, de censuré, qu'elle avait elle-même censuré d'elle-même. Par faiblesse. Par lâcheté. J'ai raconté à Marie ce que Jean m'avait dit en boîte et plus tard lorsqu'il était revenu. Elle m'a dit : tu as accepté qu'il repasse après ça ? J'ai dit : oui. Ma main me faisait mal à cause du coup, je suis allée voir les gars de la radio, en faisant mon sourire charmeur irrésistible, ils m'ont fait passer une radio gratuite, sans faire de dossier. Je pensais avoir une phalange cassée, elle était toute engourdie après m'avoir fait très mal. Et non. Fêlée. Jean était donc revenu boire un coup, pour parler, comme d'habitude, de sa voix douce, tendre, il m'a dit : j'ai fait une erreur, je sais, à la fin, avant de partir, j'ai fait la plus belle connerie de ma vie, ok je fantasmerais sur les mecs mais ma vie était avec toi. Je lui ai dit : tu dis ça parce que Marc te trompe ? Il m'a dit : je sais que ça te fait plaisir qu'il me trompe. J'ai souri. Je ne pouvais pas faire autrement que sourire joyeusement à ça. Comme réponse. Je ne souriais pas face à cette femme, elle me souriait, méchamment, elle me faisait peur parfois. Je l'imaginais me tuer, ou que sais-je encore. J'avais été abusée, tout pouvait donc m'arriver, tout pouvait m'arriver à l'avenir. Un accident est si vite arrivé, on ne devrait pas faire confiance, jamais. Mais si. Je fais confiance encore à plein de gens. C'est beau les gens qui écrivent des poèmes, ils sont très très beaux leurs poèmes, mais ils peuvent vous traiter de merde l'instant d'après, tu parles ils devraient faire des efforts pour être aussi beaux que ce qu'ils écrivent, ça rendrait le monde moins moche. Oui. Donc Jean tu fais des vidanges, tu ne fais pas de poésie, tant mieux à la limite, ta poésie à toi est plus terre à terre. Tu es venu après ce qui s'était passé, oui, tu es venu chez moi je t'ai ouvert la porte parce que je t'aime. Je ne dirai pas comme avant, je ne dirai pas toujours autant, je ne dirai rien. Je le laisse en l'air, c'est à toi de venir faire l'effort. Je t'ai dit : c'est facile pour toi maintenant. Et puis tu as eu le visage barré de peur, de tristesse, des sanglots violents allaient couler sur ton visage. Alors sur ta lèvre et ton menton j'ai vu que ton whisky a un peu coulé, tu tremblais. Tu t'es levé. Tu m'as dit : je suis vraiment désolé. Je suis restée là, assise en te disant : tu n'es pas obligé de partir comme ça, je n'étais pas touchée par ton numéro. Très fortiche. Tu es parti. Tu n'as pas claqué la porte. Tu as démarré, j'ai entendu la voiture s'en aller au loin. Mon beau sosie de George Clooney. Français. Et ensuite je me suis dit : peut-être que ce n'était pas un numéro. Que c'était la vérité. Que tu étais triste d'être sans moi. Comme moi j'ai pu...Enfin bref, dis-moi le, je t'autorise à me l'écrire en bas, dans les commentaires si c'était vrai. Et ne mens pas, je le sentirais. Tu sais, il y a des choses qu'on pointe du doigt un jour de soleil en vacances au Grand Canyon tellement c'est beau. La nuit dernière j'ai rêvé d'elle, je ne sais pas pourquoi, ma conscience interdite, celle qui me cache les choses veut que je fasse la paix dans ma tête et seulement dans ma tête avec cette femme. Comme j'ai pu pardonné à cet homme, après sa mort, je l'ai même remercié d'être mort, pour que j'évite de le tuer moi-même. Donc voilà. Je n'ai toujours pas pardonné à cette femme. De sa lâcheté. Ce ne devait pas être facile pour elle. Et pour moi ? Vous imaginez l'enfer qu'on aurait pu m'éviter par la suite ? J'étais heureuse tout à l'heure, non j'étais très bien avec mon amie, ensuite j'ai téléphoné aux autres qui sont occupés avec leurs familles, on a parlé de choses et d'autres, j'ai dit que j'avais besoin de quelqu'un, qui n'entre pas dans le jugement mais que je n'avais encore trouvé personné hélas, que c'était toujours comme ça, qu'il n'existait pas de personne assez intelligente ou humaine pour aller au-delà, sans voir ses propres intérêts. Dommage. Mais que ce n'était pas perdu. Qu'un homme était là et qu'il faudrait qu'il me dise que c'était vrai. Ce genre de choses.

Angéline.

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Commentaires
P
Perturbations dans le ciel angélinien.
0
jolie ton blog, beaucoup de textes, j'ai regardé que les images, jolies, je lirai une autre fois quand je serais moins égocentrique.
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