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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
20 février 2005

Miss U Less, See U More

Je prenais beaucoup d'argent, beaucoup. J'ai promis que je dirais, je le fais. Je ne peux pas partir comme ça. Alors que c'est le début, à peine. Que la vie commence, que ça commence comme ça, pour moi. De dire. Même à mon psy je ne peux pas. Je n'aime pas les psys. D'habitude, je pense que je suis assez forte pour m'aider toute seule. Que moi, j'ai déplacé des montagnes sans l'aide de personne pour arriver à vivre. Mais des fois, on ne peut plus. On a besoin d'aide. Alors d'accord, ils offrent une aide dégueulasse souvent. Très lisse et très comme le monde finalement. Les hommes qui venaient étaient soient des nouveaux, chaque jour apportait son lot quotidien de nouveaux, des hommes d'affaires pour la plupart, mais nous avions aussi droit à la basse classe. Oui. Et en mon Gladiateur mon homme, Russell tu m'exaspérais. Tu étais peut-être le seul que je désirais. Peu d'entre eux ont réussi à me faire jouir. Je veux dire : Jouir. Ce n'est pas le titre d'un livre, si, chez Gallimard, mais moi ce n'est pas le titre de ma vie : Jouir. C'est le titre d'un vieux cauchemar que j'ai moi-même provoqué à moi-même. Comme dit l'autre handicapé, il ne faut pas appartenir à la masse, il a une boulimie de livres. Moi aussi avant, après le viol que j'ai subi. Certaines filles disent : mon viol. Je l'ai déjà dit. Et bien j'avais tort. Ce n'est pas à moi. Jamais. C'est étranger à moi. Aujourd'hui tu as dû faire d'autres enfants à ta femme Russell, en fait ton prénom est Didier, et il ne t'allait pas. Didier. Tu gagnais bien ta vie, tu allais partout, tu rentrais à Paris. Ta femme t'attend dans votre superbe appartement encore aujourd'hui j'imagine, mais elle ne baisait pas, douce Marianne. En vrai, elle ne s'appelle pas Marianne. J'aime ce prénom. Tout de suite ça me fait penser à un sein et à la France. A l'époque, la première fois tu m'avais parlé plus longtemps que je ne t'avais sucé. J'avais mis le préservatif avant, comme toujours. Quand je voyais un homme délicat qui acceptait que je le suce sous cellophane, je ne me gênais pas. Je détestais avoir un sexe nu dans ma bouche, ma bouche est faite pour embrasser des enfants, alors il ne faut pas les salir. Ma bouche est faite pour parler, pour écrire des mots dits en l'air. Suspendus. J'ai une bouche-trompette. Et mon coeur serré. Tu as été honnête, le seul, le plus honnête de tous à me dire : ma femme ne m'apporte plus aucune satisfaction sexuelle pourtant nous avons eu des enfants, blablabla. Tu parlais bien, comme moi je ne connaissais pas ça, car je ne connaissais pas d'hommes qui savaient être classe et correct. Tu avais l'air abattu. Ton sexe aussi. Et notre "Maman" parfois téléphonait après le passage d'un client, nous disant : "il est content, c'est bien". Ou pour nous engueuler. Nous expliquer. Elle m'a tout expliqué. Elle adore jardiner, comme ma mère, elle me l'a dit. Je vais lui donner un faux nom, parce que j'ai toujours cru qu'elle baignait dans des sphères mafieuses qui ne me concernent pas. Mais en même temps ça ne serait pas surprenant. Je vais dire : Daisy, parce qu'elle ressemblait à un canard. La boulotte. Elle avait été pute, mais pas de luxe pour commencer, sur le trottoir, à léchouiller des couilles sales, à sucer des sexes sentant la pisse, les hommes se lavent pas lorsque vous êtes sur le trottoir, ils font plus d'efforts, mais pas beaucoup plus lorsqu'ils doivent se déplacer dans un hôtel. Les beaux mecs avec des sacoches qui ont l'air impeccables, c'est une autre histoire une fois nus. Donc ça m'amuse aujourd'hui quand j'en croise quelque part. Dans un endroit du monde. Daisy était une grosse salope, une vieille imbécile, comment dire ? Toute ma haine envers cette femme ? C'est ridicule je sais mais je vous en prie, permettez-le moi, je mérite bien ça. Je suis une Black Mamba, bientôt je vais cacher des flingues dans mes céréales. Seule je suis, enfin si vous voulez, sans homme, sans femme, sans amis, mes amis pleurent. Jean pleure, Marc pleure, ils se disputent souvent depuis une semaine, Marie pleure, c'est fini pour de bon avec l'autre Mort du Syndicat des Morts et des Médiocres. Car tous les morts ne sont pas médiocres.

Au début je me souviens je pleurais souvent le choix que j'avais fait de dire : oui je veux gagner du fric comme ça. Aujourd'hui, j'ai envie de donner des gifles et des coups de poing dans les seins de l'Angéline de l'époque, j'ai envie de la fracasser contre un mur, de la gifler jusqu'au sang, de lui dire : pauvre petite petite conne, tu ne vois pas où tu mets les pieds ? Tu as un coeur pur, un coeur pur ne fricote pas avec des coeurs éteints. Tu comprends ? On ne devient pas intelligent à fréquenter des bêtes. Comment j'ai réussi à entrer là-dedans ? Je pense que je vais m'abstenir au cas où je tomberais sur une Morte égarée. Et puis l'important c'est d'être partie. Et j'ai réussi à me faire des ovaires en or. Mais une fois avec tout ça, ma conscience est revenue, cette salope, elle a fait tic-tac dans ma boîte de Pandore et j'ai pleuré. Au début je pleurais tous les soirs la première semaine. Cette première semaine était comme la précédente sauf que mon sexe était pris par celui d'hommes que je n'aimais pas, que je ne connaissais pas. C'était vraiment particulier. Je me demandais si j'allais pouvoir tenir assez longtemps pour gagner assez de fric. Pour pouvoir...Enfin bref Daisy était assez excentrique, les escrocs, les profiteurs, sont souvent excentriques. Deux filles étaient tombées enceintes malgré les précautions d'usage. La plupart des clients laissaient leurs capotes dans le lit, pleines bien sûr, et qui devait aller les jeter à la poubelle ? Qui devait encore servir d'éboueur, en plus de trou ? Moi. MOI. MOI. Ne vous moquez pas de comment je vais le dire mais je vais vous le dire : avant je n'étais pas très attentive aux gens qui jetaient leurs papiers par terre, dans la nature. Depuis que j'ai vu les hommes de passage laisser leurs merdes dans le lit de travail, et moi qui était obligée encore d'aller jeter du bout des doigts leur semence bien infertile, j'ai pris conscience que c'était vraiment nul de jeter des ordures dans la nature. On ne jette pas comme ça son sexe dans l'inconnu, dans une inconnue, contre de l'argent. Je croyais que le sexe était une chose qui se donnait (pitié ne me parlez pas de partage, pas ce mot) à l'autre et à soi je croyais que le sexe était gratuit. Bizarre j'ai dû louper un épisode les mecs. Sinon, Didier, tu jetais tes miasmes et j'appréciais cela. Ta semence infertile mais tes mots germaient en moi, dans ma tête, j'écrivais des livres et des livres en attendant, j'ai couché tout ça sur des papiers, bien sûr ça n'a aucune valeur, mais pour moi c'est inestimable, comme pour Dieu un coucher de soleil.

Ils ont des prénoms. Des visages, comme nous. Comme moi j'avais. J'avais un joli visage. Serge, Franck, Patrick, Pierre, Paul, Quentin, Bernard, Didier, Alain, Jean-Edouard, Edouard, j'ai même eu un Edgard, avec un d à la fin. J'ai eu. J'ai toujours un joli visage, je me souviens d'un homme qui m'avait dit ironiquement : toi, c'est sûr que ta place n'est pas sur le trottoir avec une gueule d'ange d'amour pareille. Il a dit ça après l'amour, euh pardon, la baise il fumait un cigare, c'était un espagnol de merde. Je suis raciste aujourd'hui. Non ce n'est pas vrai. Je ne suis pas raciste. Mais je ne vais pas faire du lèche-cul un peu partout comme ce transsexuel plus vrai que nature. Avec ses dents de lapins et son zozotement. Vous savez, on dirait pas qu'il s'agissait d'un homme avant. Mais bon. Je vous préviens tout de suite, quand je la vois, j'ai envie de flirter avec le racisme. Le malin. Parce qu'elle passe à la télé et qu'elle représente un nombre infime de connes, souvent transsexuées d'ailleurs, malheureuses aussi pourquoi pas, et alors, moi aussi je l'étais malheureuse mais moi j'ai refusé de me laisser pendre aux ceintures des hommes égoïstes et lâches, qui veulent se prostituer. C'est facile de se prostituer m'a dit quelqu'un. Je ne sais plus qui, un de tes potes Jean, sûrement. Les gens risqueraient de croire, déjà qu'ils croient c'est sûr, que la plupart font ça pour le plaisir, parce que, comment dit-on ça déjà, ce sont des nymphomanes, les putains magnifiques, n'est-ce pas. Et bien non. Au contraire. Les amis de Jean, les plaisanteries sur les putes, quant on les prenait à part, sérieusement, des gays en plus, ils sont pas mieux : ben oui, les putes, elles aiment ça non ? On me l'a dit en face. Je suis restée stoïque. Mais dans ma tête à la personne je lui ai fait les cinq coups portés au coeur. L'adversaire n'a pas le temps de faire trois pas que son coeur explose littéralement dans sa poitrine comme David Carradine à la fin du Volume 2. Lâchez-nous la chatte et léchez-nous tranquilles, je ne sais pas ce que tu espérais petite fille pour toi quand tu serais grande ? Ou alors petite fille tu étais déjà pute, normal que tu défendes tes droits devenue grande, de faire ce si beau métier qu'est la prostitution, en plus, le gouvernement sans mauvais jeu de mot te pompe à mort, Sarkozy à l'époque, tu pouvais comme ça lécher Cécilia d'une manière moins romanesque que dans tes small talks à la télé. Cécilia, ça frétille comme prénom, je n'aimerais pas être mariée à un hypocrite. C'est vrai ma chérie, nous n'avons pas le choix. Les gens, ça ne leur fait rien de vivre sur le dos de la misère des autres tant qu'ils ont leurs cigarettes, leur maison, leur vroum-vroum pour aller bosser et leur conscience ouvrière pour finir. Bravo Arlette. Quelle classe d'appartenir à quelque chose. Tu te sens utile comme ça, ta carcasse hideuse d'ouvrière, tu sais ce n'est pas parce que tu dis d'une manière remontée : "travailleurs, travailleuses" que ça fait de toi quelqu'un d'engagé dans la vie. Que ça veut dire que tu es honnête. Je suis désolée, ça ne fait pas de toi quelqu'un d'honnête. Karen Bach ex-actrice porno, s'est suicidée le 29 Janvier dernier, le "travailleur-travailleuse" s'adressait-il à elle aussi ? Les prostituées ne sont pas malines, hélas. Sauf moi peut-être. Elles ne sont pas femmes de Sarkozy, encore que Cécilia a des airs de nymphomanes assez prononcés. Je sais de quoi je parle, j'ai été pute, je sais voir tout ça. Vous savez. Tu voulais être une putain qui défile pour protéger ton statut de pute ? C'est ça ? Si j'avais le pouvoir Sacha, de tout arrêter, j'arrêterais tout. Je n'ai même pas le pouvoir d'arrêter mon écriture quand je le veux, c'est elle qui me commande. C'est pas bon tout ça. Je suis restée stoïque. Et devant une femme, bourgeoise, un jour, qui parlait, euh, avec son air gênée, des prostituées, euh, ben oui, c'est un monde de violence, et comment dire...Certaines le veulent bien. Où trouver un peu de réconfort ? Aux toilettes bien sûr. On peut s'y recueillir, mes pleurs sont des prières. Quasiment. Après des meurtres façons manga, c'est comme ça qu'on s'en tire, après des rapports sexuels inhumains, c'est comme ça qu'on peut s'en tirer. J'affirme que je n'ai jamais eu de rapports sexuels digne de ce nom avec ces hommes. C'était comme me faire hara-kiri comme Mishima, devant tout le monde. Je n'avais aucun sentiment pour eux. J'ai besoin de l'écrire ça. Que j'ai gaspillé mon temps et mon corps pour de l'argent. Et qu'il me fallait me prendre pour pas grand chose finalement pour accepter qu'on me berce comme ça. Pour accepter, les crachats, les éjaculations inopinées, les ironiques, les cyniques, les malheureux, qui ne baisent même pas avec vous, juste qui veulent vous parler, ce sont les meilleurs ceux-là, les plus gentils (hé). Et puis La Tour Eiffel, tu aimes la Tour Eiffel ? Elle est belle non ? Ils vous parlent de ça en vous baisant. Comme ça, c'est normal, ils trompent leur femme, c'est normal, ils ne savent pas ce qu'ils veulent, c'est normal, ils ne savent même pas vous dire bonjour c'est normal, ni même merci, c'est normal, ils ont honte, c'est normal, ils sont adultes quoi de plus normal, ils ne savent pas se regarder correctement dans un miroir comme moi je le fais nue après la douche en me séchant les cheveux. Parce que mon corps est là, bien en vie et je le respecte aujourd'hui. Je n'ai pas le choix. Comme Ripley, elle n'avait pas le choix, c'était l'Alien ou elle à la fin du troisième épisode et non. C'est Non qu'elle à dit à Bishop. Moi je veux finir comme Beatrix Kiddo, dans Kill Bill, je veux finir par terre dans une salle de bains, en pleurs de soulagement, de tristesse, de joie. Avec l'amour qui m'attend de l'autre côté de la porte devant un dessin animé.

Angéline

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Commentaires
M
tu rends ivre les hommes qui te lisent, moi tu me fais l'effet d'un miroir étrange, un peu déformant, mais pas tant (ne nous arrêtons pas au physique). Le bouillonement de ton sang, la vie de tes regards sur la vie, l'ivresse de l'essence de ton essence. Pour Bukowsky, c'est un peu beaucoup, je suis d'accord! Quel besoind e tjs identifier, classer, ranger... trop de dérangement dans l'âme humaine????
D
C'est bizarrement ondulatoire, mais surtout c'est très long et des fois je sais pas trop où j'en suis. Là je viens de capter qu'y a même eu un changement de nom, et j'ai mis un temps à comprendre qui etait ou pas Russel.<br /> <br /> C'est pas compliqué, quand je lis ca j'ai un peu l'impression d'etre torché, et je sais pas si c'est un compliment ou pas.
F
Je ne sais pas quoi dire, sinon continue. C'est formidable, d'écrire si bien des choses si...inqualifiable.
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