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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
17 décembre 2007

Un Immeuble Yacoubian en Amérique

cadavre

Demande-toi qui veille sur toi, lorsque ton verre d'alcool est vide. Lorsque ton coeur s'accélère et que tu es seul. Et qu'il n'y a pas de raison d'avoir peur. Demande-toi pourquoi il est apparu, alors que tu ne l'attendais pas si vite. Son corps était si grand. Il était si grand avant de partir ? Il voulait te faire une surprise. Et ton père t'a tendu le piège, le beau piège, l'ingénieux piège de fin d'année, le beau piège de Noël. C'est ainsi que tu sais que les hommes, pères ou maris (ou affiliés comme) peuvent se soutenir, même pour faire un cadeau, celui d'un retour. Il était beau, il avait l'air fatigué, il avait l'air heureux, il avait l'air vivant (sic), il avait l'air plein de choses. Il n'avait pas l'air américain. J'ai eu un choc en le voyant. Mon père m'avait dit : on va sortir, on va à        . Tu verras comme tu avais eu tort de refuser d'y aller. C'était comme cet homme, chez le dentiste, il suait comme un porc, la bouche ouverte. Le dentiste souriait en disant : c'est rien du tout. Il faisait agir sa roulette sur son bras. Ensuite, le dentiste, toujours ce sourire étrange aux lèvres, carnassier, allait baiser sa femme le soir, enfin quand elle était disposée bien sûr. Mais non, là tu verras. Tu verras comme tu avais tort de ne pas vouloir y aller. Je sais que tu avais un peu peur d'y aller, je sais pourquoi. Je ne te le dis pas, et je ne me le dis pas à moi-même, mais je le sais. Et puis je suis allée l'attendre dehors, mon père m'avait dit : j'ai oublié quelque chose. Je l'ai vu aller vers la cuisine. Je l'ai vu entrer dans la cuisine, à la recherche de quelque chose. Je me suis retournée. La lumière était violente, la lumière qui faiblissait, pourtant. Cette lumière qui faiblissait avait quelque chose de violent, mais quelque chose de perturbé plus exactement, pas de violent dans le sens négatif. C'était quoi ? C'était indéfinissable pour être claire. J'ai dormi longtemps, je voyais dans un rêve un homme qui sortait du brouillard. Il me faisait signe. Il me faisait signe de la main. Il avait levé son bras, il avait ouvert sa main pour me dire "bonjour", ou "salut", ou "eh vous là-bas, vous me voyez je suis là". Mais je continuais dans mon rêve mon chemin. J'étais dans une voiture, à l'arrière, je voyais un homme conduire, un homme que je ne connaissais pas. Il faisait jour, mais c'était gris. A la place du mort il y avait un jeune homme blond, qui semblait très sale, moi j'étais à l'arrière derrière ce jeune homme blond très sale. A côté de moi se trouvait une jeune femme qui avait des ressemblances avec moi, elle me regardait avec précision, douceur. Mais je me sentais déshabillée par son regard. Je me suis réveillée en sursaut, sans avoir peur, je me réveillais juste brutalement. J'ai regardé partout dans la chambre, essayant de percer le noir, et je me suis recouchée et très vite le sommeil m'a de nouveau abattue. Et j'ai rêvé de quelque chose qui ne voulait pas que je me souvienne de lui à mon réveil. Ce qui est très énervant, très frustrant. L'homme sorti du brouillard voulait que je me souvienne de lui. C'était quelque chose sorti du brouillard, qui essayait d'attirer mon attention, comme cette nuit en Auvergne, où je m'étais arrêtée sur la route, une voiture blanche devant sur la route, en plein milieu bloquant le passage. En la doublant lentement, j'avais constaté qu'il n'y avait personne à l'intérieur et j'avais vu une ombre qui avait surgit derrière ma voiture par le rétroviseur gauche, dans les phares bien rouges dans la nuit. J'avais démarré en trombes, morte de peur. A la limite de l'hystérie masculine (qui est habituellement refoulée). Sophie avait dû me consoler plus tard. Mais là... Je me suis retournée, mon père dans la cuisine. Et je suis allée à l'extérieur, pour l'attendre. Malgré la  grande fraîcheur du jour. Et j'ai vu Denis, appuyé contre une voiture noire. Il avait dit à mon père de ne pas me prévenir. J'ai senti mon sang ne faire qu'un tour. J'ai eu les larmes aux yeux. Je sais que c'est cucul mais je me dois d'être honnête, et même si pour ça, je dois passer par les chemins de la honte, dans vos yeux ça sera avec un vrai plaisir. Et le plaisir moi ça me connait (comme ils prétendent, comme ils croient, comme ils prient). Etre enlacée comme ça, le toucher à nouveau comme ça, et ce salaud qui ne m'avait pas prévenue, de son vrai retour, pas le 5 janvier, je m'attendais encore à être tranquille pendant quelques jours. La fin de l'année aurait été belle sans lui, où j'étais l'année dernière ? J'étais à Nancy, je crois. J'étais sur la place Stanislas. Un mort était venu constater de son statut de cancrelats des choses et moi j'avais regardé les lumières et les illusions avec plaisir (même si j'avais conscience que ça ne durerait pas). Désolée d'être comme ça, à côté, désolée de ton retour. C'était comment l'Amérique ? Et ce colis, pourquoi m'avoir... Tu m'as menti en fait, tu voulais... Je voulais te faire la surprise. Je l'ai embrassé longtemps et puis mon père est venu. Et j'ai eu peur qu'Antonio ne déboule derrière mon père, mais j'ai eu un flash : il se trouvait au Portugal, mort quelque part dans un cimetière, Antonio était contre la crémation des cadavres. Il paraît que c'est plus propre, de brûler les morts, j'ai dû voir ça dans Six Feet Under. Encore combien de Noël à passer, sans que ça paraisse... Ensuite, notre père est... (Notre ???) Mon père est parti. Et nous sommes restés seuls dans la maison, et je crois que mon père est sorti parce qu'il pensait que nous devions avoir la maison pour nous deux, et il nous a même précisé son heure de retour, et j'étais mal à l'aise, c'était sous-entendu, encore ça, entre Denis et lui, que Denis reviendrait faire la surprise et baiser sa fille dans sa propre maison. Mais Denis aime cette fille, cette paumée, cette ratée de l'humanité, j'exagère là, mais il l'aime, et en Amérique, il a survécu pour elle, parce que là-bas, c'est fliquage à tous les étages, on ne se rend pas compte de la chance qu'on a en France... Ah oui vraiment ? J'essayais de regarder dans le noir, il m'embrassait partout, c'était si bon de l'avoir contre moi, en même temps je m'étais faite à cette idée, de rester seule pour le jour de l'an, comment fêter 2008 dignement, avant d'envisager toutes les choses qui pourraient cette année gâcher la fête, toutes les choses mauvaises qui arrivent par amusement, et elles arrivent souvent accompagnées des larmes, accompagnées du soufre, du sang, des explosions, et pas seulement qu'à Paris par des colis piégés, destinés à des avocates minables. Ces verres d'alcools qu'on prend parfois entre avocats, heureusement que ça existe les avocats, moi je dis, moi je dis, moi et mon souvenir enterré au Portugal. Dans le Nord précisément, je comprends mieux le brouillard et la silhouette de l'homme, noir, qui s'en était dégagée pour me faire signe. Il m'a baisée en fait, c'est le mot. Je n'avais pas les moyens de rivaliser. Ce sera toujours aux hommes de prouver qu'ils peuvent le faire, comme leurs pères avant eux (mais avec Denis et son père, c'est pas le bon exemple). Leurs pères avant eux étaient éduqués par la propagande de l'ombre : tu devrais être un homme, tu devrais être père, tu devrais baiser ta femme et tes maîtresses et de temps en temps aller à la guerre. Tu dois voter à droite, et pas à l'extrême gauche, parce que c'est trop différent. C'est trop différent d'un parti à l'autre, et c'est normal de lutter pour les choses qu'on pense justes. Il existe des gens qui sont fous, ils écrivent parce qu'ils sont fous et parce qu'ils sont au milieu des morts, qui n'aiment pas beaucoup les fous. Les fous n'ont pas de considérations de ce type, les fous font (ainsi font font fous) ce qu'ils doivent faire, ils sont appelés par les forces supérieures, la propagande de l'ombre est une force supérieure. Il en existe d'autres. Son corps me paraissait neuf. En le touchant, en touchant son sexe, je me suis demandée s'il s'était permis un extra, un extra purement sexuel, un petit casse-croûte comme disent parfois les petites salopes dans les bureaux ou dans les universités, qui n'attendent que ça, on est loin des forces supérieures et ça se voit. Mais mon père était complice ! Il savait que Denis voulait me faire la surprise de son retour. Ils ont besoin de faire : abracadabra, les hommes, notamment lui, je ne devrais pas généraliser, ils ont besoin. Et dans un épais brouillard, ou une épaisse fumée, d'apparaître comme par magie. Je sortais juste de la maison. Il y a des maisons qui... Mon père dans la cuisine savait tout l'enculé. J'ai été baisée, c'est vrai, en même temps c'est bientôt Noël. En même temps ce n'est pas choquant, c'est avec des sentiments, baisée et retroussée dans tous les côtés, les caresses se renouvelaient avec un appétit terrible, c'est là, c'est dans ce domaine là que j'ai compris, que j'ai pu voir, son américanisme primaire, poindre en lui, dans ses gestes. Bien sûr, je l'ai vu, là. Non en fait, je vous fais marcher, je n'ai pas vu d'américanisme primaire dans sa façon de me faire l'amour. Vous vous dites certainement : mais j'aurais pu voir ça. Oui j'aurais pu. J'aurais pu voir une nouvelle façon, c'est comme les gens qui meurent, c'est pareil mais c'est toujours nouveau. C'est toujours nouveau. C'est unique. Les êtres étant uniques, la mort ne fait pas pareil sur telle personne ou telle autre. Par exemple, comme c'est Noël : un américain blanc, chrétien de surcroît, avec son pouvoir de décision dans les urnes, aura toujours plus d'importance qu'un noir sans Christ en train de mourir du Sida au fond du trou du cul variolé de l'Afrique. C'est évident, et alors ? C'est là que je voulais en venir. Denis tes yeux. Tu avais des yeux comme ça avant de partir ? Je me demande s'ils n'ont pas changé des pièces. Il y a quelque chose d'américain dans ce terriblement séduisant assemblage de chairs et de réseaux organiques... C'était bon de le sentir éjaculer, c'était bon de le sentir en danger. Finalement. Ils se croient fort, les hommes, ou les américains, les connaissances et les technologies, changer des morceaux du corps de l'amant pour faire meilleur dans le lit, comme c'est bientôt Noël, c'est pas encore, il ne faudrait pas que ça fasse peur. Changer des pièces. Je vais un peu vite là. Je m'avance. Mais c'était bon. C'était trop bon. Trop bon. Vraiment bon. J'ai eu envie que ça continue comme ça toute la soirée, qu'il me baise encore, toute la soirée, et par tous les côtés comme c'est bientôt Noël et qu'un fantôme homosexuel a écrit quelque chose de très juste dans son espace : qu'il ne fallait pas écrire, encore, cette année, des considérations adolescentes sur l'horreur que ça constitue, parce que ça en constitue une, n'en doutez pas une seconde, et si vous avez une famille, de cette horreur, vous en faites certainement encore plus partie intégrante que vous ne le croyez. C'est beau un américain qui décharge. Son petit garçon, son gros bonhomme, son homme, ses cargaisons de douceurs, son alcool, ses rêves, ses cauchemars, ses souffrances, qui valent plus que toutes les souffrances ajoutées du reste du monde entier. Mais là encore j'exagère, et vous ne pouvez pas comprendre, sauf peut-être Hermann, qui est le seul, peut-être, à pouvoir comprendre avec son gros gros cerveau et ses grosses grosses idées (je voulais dire ses fortes idées, ses idées quoi). Vous ne pouvez pas comprendre parce que j'ai entendu quelqu'un au téléphone me dire des choses et j'ai été obligée de me retenir pour ne pas mourir, mourir de honte, pour cette personne, mais elle ne valait pas la peine que je me sacrifie pour elle. En écrivant, elle vaut tout de suite le coup. Le plus insignifiant des moucherons vaut tout de suite le coup, lorsqu'on écrit, qu'on se tue pour lui et c'est ce que je suis en train de faire : je l'ai toujours fait. J'ai toujours tué, et moi pour commencer. Avec plus ou moins de talent. Je regrette, cet homme a tué une partie de moi qui semblait prête pour la lumière : enfin. Mais non. Il a pris une partie de ma lumière. J'ai fermé les yeux, dans le noir en essayant de regarder. J'ai rêvé qu'il revenait à l'improviste. J'ai rêvé que c'était bon de le sucer, de l'avoir en moi, ce sont des enfants lorsque ça jouit (lorsqu'ils jouissent, je devrais plutôt écrire, si j'avais une once de respect pour l'amour, et, à plus forte raison, pour le mien). Aujourd'hui c'était particulièrement pénible d'avoir derrière soi une mère morte par exemple, je n'aurais jamais pu lui parler de ce rêve idiot, absurde, où Denis revenait, et que mon Père était dans le coup, et qu'ils avaient même pensé que Denis aurait besoin d'une petite vidange, dans le lit de mon adolescence, ce lit terrible où je me masturbais en pensant que j'étais folle, parce que la fin du monde était proche et que l'été Antonio me pénétrait mieux que ça, mieux que ma main (qui n'était pas celle de Dieu) et mieux que mes doigts. Aujourd'hui, maman, c'était difficile de te savoir squelette, peut-être, mais je m'avance encore sans preuves tangibles, que des bouts de chair sont accrochés à ton crâne, à tes côtes. Et que les animaux qui sont fait pour ça mangent encore les restes de toi, ce qui était toi, ton véhicule ici-bas. Dans un film, maman, Jack Nicholson, régression assurée (maman ???) dit à un moment donné : c'était comme si j'étais en train de me noyer et toi tu me demandes si l'eau est bonne ! Et bien je vais te dire, elle est dégueulasse, même pour se noyer. Je ne suis pas Omayra Sanchez maman, je n'ai pas trouvé les portes des étoiles pour rien, je suis désolée, mais la petite fille, elle est morte dans la boue toute seule. Avec deux-trois journalistes, heureusement que nous avons sa photo, comme nous avons la photo, maman, des petits enfants Noirs qui meurent de faim. En revanche maman, pas de photos, ou très peu, des gens qui se jetaient des fenêtres des tours et qui s'écrasaient par terre en éclatant comme des pastèques. J'ai bien vu cette femme américaine (mais peut-être avec une origine différente) par terre, en sang, le ventre ouverte, la jambe gauche évidée, la peau qui pendait, les tripes à l'air avec plein de graisse. C'est ça, maman, que j'ai envie de te dire, ce rêve était délicieux, parce que Denis me baisait correctement et était là. En France. Je préfère souvent quand je fais exprès d'être dans la tourmente, en écrivant, mais là, je ne peux pas supporter. Le téléphone sonne toujours trois fois comme les trains, qui sifflent toujours trois fois, qu'on entend, locomotive ou train, on cherche, on avance sans avoir à quelle gare de nuit on va s'arrêter. Et on sait pourquoi, en revanche, on sait qui téléphone, mais là non je ne peux pas. Je voudrais comprendre, et savoir pourquoi je ne peux pas, mais je n'ai jamais compris pourquoi. Comme les soldats du monde entier, il paraît que les hommes qui aiment quelqu'un ont une mission. Et leurs femmes ? J'avais couché pendant quelques mois avec un légionnaire. Une brute qui pouvait être si douce, si gentille. Et il avait éjaculé sur mon ventre, et ensuite nous avions parlé. Souvent les couples parlent après, ou dorment, ou alors ils payent, ça aussi j'ai connu. C'est bientôt Noël j'ai le droit de revenir là-dessus. Et bien il m'avait dit : aimer quelqu'un, c'est comme une mission militaire. Tu sais. Il se sentait dans le besoin de m'apprendre des choses, j'étais encore très jeune. Aujourd'hui, il a fait très froid jusqu'à maintenant.

Le ciel est clair mais l'ambiance, elle est bleutée, c'est étrange. C'est une brume bleutée, c'est étrange, je ne sais pas pourquoi, mais je n'aime pas ça. J'ai téléphoné à Denis toute la soirée. Je regardais mon père. Il préparait la salade. Denis baillait au téléphone, très loin du Denis de mon rêve qui me faisait une surprise et qui me baisait royalement, copieusement. Il m'a dit : comment ça va ma puce, qu'est-ce que tu as fait de ta journée ? Ensuite il m'a dit : au fait j'ai rêvé de toi la nuit dernière.   

Barbieri

19680883

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