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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
6 février 2005

Pesters and lesters and jesters

J'ai repoussé mon rendez-vous avec Samuel pour être avec Marie. Et son mec. Le syndicaliste. Je ne dirai pas le nom de son syndicat. FOCGLTCGTCFDTCFTC, voilà le nom de son syndicat. Vous avez le choix, adeptes du brainstorming. J'adore ce mot. La mort dans l'âme et le coeur dans les bas j'ai repoussé mon rendez-vous peut-être avec l'homme qu'il me faut. Qui me va pour la vie entière. Je veux dire dans lequel je peux être main dans un gant. De velours. Nous sommes allées manifester avec son homme. Pourquoi j'ai accepté ? Marie ne savait que j'avais un rendez-vous avec Samuel, je lui ai dit en arrivant. Je lui ai dit : en fait j'ai peur, c'est bien de retarder le plaisir. Elle m'a dit : va le rejoindre, abrutie, dans l'oreille. J'ai dit : non, j'ai repoussé à cinq heures. Bien sûr j'étais consciente que c'était stupide, surtout pour aller manifester avec des syndicalistes. Autant aller voir Le Pen se bâfrer de son petit déjeuner. C'est incongru. Je suis entrée, avec elle, et lui donc et on a dit bonjour à tout le monde. Un vieux était assis à une table, tandis qu'une jeune blonde lui faisait des manières. J'ai compris plus tard qu'ils étaient ensemble et devant moi, ils se faisaient des bisous. Bisous bisous. Et puis le choc : un type, dégueulasse, pas net, le teint je veux dire, les cheveux merdiques, mais le visage entre Jack Nicholson dans Shining de Kubrick et mon ex-mari. Terrifiant. J'ai eu comme un poids sur le coeur en voyant ce sosie de l'horreur. Nos passés nous reviennent sans cesse à la gueule, nous n'avons pas de chance d'être humain. Mais bon, je vaux bien quelques moineaux ou quelques chèvres, je ne suis pas une chèvre, ni une brebis, peut-être une biche blessée. Avec une flèche plantée dans le thorax. Bambi ressort en DVD. Si j'étais un animal je serais un oiseau ou une mule ou un requin blanc. Femelle. Je lui sers la main à ce type. Il pue. La sueur ou le travail d'ouvrier juste accompli car il s'agit de ça ici, les slogans : le salaire avant la bourse ! ou encore Mieux vivre ou encore des banderoles sur lesquelles on dit en une phrase ce qu'on pense. Les visages ? Surtout chez FO, rouges, on dirait des tableaux de paysans, on dirait quoi ? On dirait des gens en colère mais aussi ? Laisse-toi aller ma fille ? Des alcooliques. J'en vois partout, allez dans le Pas-de-Calais il n'y a que ça et les monuments à voir, les Terrils. Terribles. Des visages abîmés, des gens qui se plaignent d'avoir mal à la gorge en allumant une cigarette, des débats enflammés sur un tel politique qui a eu raison ou pas de dire ça, de faire ça, de faire passer cette loi, et non moi je ne suis pas d'accord sur ce point particulier. Ils argumentent sans cesse. Leur révolution c'est se plier à tout en fait. Et rêver d'être à la place de ceux qui prennent les décisions. Il y avait un souffle, que je ne comprenais pas, je sais, vous allez dire : putain mais pour qui elle se prend cette salope, elle défend les gros alors ? Et bien non. Je n'attaque personne. Jamais. Ouvrez donc les yeux. Je veux dire : une misère est revenue, elle est très ancienne et j'ai eu peine à croire qu'on était de la même race, humaine. Et un et deux, et tous ensemble et tous ensemble, hey, hey. Je ne disais rien. Un barbu s'approche, un drapeau ? J'ai dit : je vais m'abstenir. Marie a eu un sourire, elle avait pris un brassard. J'ai dit : je vais m'abstenir. Il a mal pris ma phrase, certes lancée sèchement. Pourquoi mettre sur moi, mon corps, une phrase ? J'ai des milliards de phrases dans ma tête, difficile d'en mettre une seule, trois mots. Force ouvrière, CGT, ou l'union pour la vie, Mieux vivre, pourquoi déjà nous ne vivons pas assez bien ? Je n'avais pas de syndicat lorsque j'étais jolie et pute de luxe. On les emmerde les putes. Les syndicalistes couchent avec les putes, je sais j'en ai eu. C'est philosophiquement ironique. Une petite grosse avec des cheveux qui semblait s'impliquer et qui draguait le sosie de mon ex-mari que je fuyais du regard. Je me suis dit : je n'y arriverai jamais à me sentir humaine si c'est ça être un être humain. Mais bien sûr je fais exprès de vous dire ça, pour que vous vous fassiez remarquer. Non, blague à part j'étais triste : c'est triste des gens qui veulent la révolution qui chantent Le Sud et qui se contentent de messes basses, de conflits internes à rendre jaloux le monde politique lui-même, etc. Ils se contentent de petits bouts, on leur a dit : intègre-toi ou crève, va chier. Et bien moi : va chier j'ai dit. Mais pas : crève. Je n'ai pas accepté. Je ne suis pas rebelle. Arrêtez donc d'entrer dans ce système de messes basses, de prises de pouvoir. ça suffit non ? Il n'y a pas plus de vérité dans les syndicats que dans les partis politiques : il faut les voir, il faut les entendre, il faut les voir agir. Nous nos idées passent à l'action. Ben oui, faut oser. Angéline, qu'est-ce que tu proposes alors ? Je ne sais pas, qu'on détruise tout et qu'on recommence. C'est un peu extrêmiste. Je suis une facho dans l'âme peut-être. Non je plaisante. On évite comme ça de parler sexe, sentiments, on divise, on partage, on fait ce qu'on fait tout le temps. C'est, comment appelle-t-on ça déjà ? La sphère intime ? Attention Miss Useless ne laisse pas la trace de tes fesses sur le banc et range tes tresses d'indiennes petite déesse. Sinon, manifester, c'est ultra pratique pour draguer. Pour aimer. Pour tomber amoureux. Bien sûr il faut aimer les gueules cabossées, mais tous sont terriblement sexy. Je suis attirée par le corps des gens, la première chose que je regarde chez quelqu'un, ce ne sont pas les yeux, ni les fesses, ni la carrure, ni la bouche, mais l'harmonie de tout son visage entier, ensuite je regarde ce qu'il ressent ou pas ensuite je regarde ce qu'il dit. Il faut faire attention : faites attention. Donc j'ai eu froid, j'ai eu mal aux pieds, mais je ne me plains jamais, jamais, c'est indécent de se plaindre. Il faisait froid.

Et je regardais leurs visages. Barbus, ridés, cabossés par la vie, leurs regards vides, sociaux, leurs sentiments c'était caché, tout était caché, mais tellement mal. Ils peuvent bien chanter qu'on dirait le sud, que le temps dure longtemps. Au fond d'eux, il n'y a pas d'élan, plus d'un million d'années, tu parles, vous ne vivrez pas dix ans. Comment on va faire pour la retraite dans cinquante ans ? Hein, il faut s'inquiéter de ça. Bien sûr je comprends. Mais un jour l'ombre touche tes yeux, les yeux sont si beaux. Je désire les gens, je veux dire pas sexuellement, humainement. Je ne sais pas si vous voyez où je veux en venir. Je suis émue tout le temps par vos corps en vie que je croise tous les jours ou presque. Par le mien, non. Je supporte ma vie, et c'est bien comme ça. Mais vous. Que vous ayez un oeil de verre, une harmonie du visage ratée, un air patibulaire, populaire dans le mauvais sens du terme, d'ailleurs le bon existe-t-il, et bien je vous désire. J'aimerais vous dire : je veux vous dire quelque chose. Sans savoir vraiment quoi. Bien sûr que si je sais, n'allez pas croire que je suis idiote ou vaniteuse. Je pensais à Samuel, comme ça. Je me disais peut-être : un syndicaliste ? Non. Non. Non. Triple non. Pas possible. Impossible. Je ne suis pas une artiste j'ai une âme d'artiste et je ne peux pas. Je ne suis pas de leur monde. Je m'ennuie, j'ai l'impression de devenir folle avec leurs histoires. Que je comprends. Ils font chier les donneurs de lois, de leçons, ce sont eux les premiers pornos babas et pas au lait, au rhume. Atchoum. Mais j'ai eu mal au coeur. Le type, sosie de mon ex-mari me lançait des regards en coin. Je n'aime pas les gens qui lancent des regards en coin, inquiets. Ou alors...J'aime qu'on me regarde droit dans les yeux. Quant on me fait l'amour ou non d'ailleurs. J'ai eu de très beaux hommes dans mon lit, enfin dans les lits de l'hôtel, généralement la même chambre, ça dépendait, mais je ne me souviens pas avoir pris du plaisir. Leur argent, oui. Il m'a servi. En donnant à Angéline ils donnaient comme à l'Asie, sans s'en rendre compte. Donc devant la mairie, ils ont fait des discours, hurlements, ça fumait comme des pompiers (ça ne prouve rien d'ailleurs je précise pour les sourds et malentendants), ça rigolait, la petite grosse draguait, le vieux faisait bisou bisou avec sa pétasse blonde qui avait l'âge d'être trois fois sa fille si vous voyez ce que je veux dire. Voilà. Ensuite, dans la chaleur j'ai retrouvé Atchoum Samuel, et on a mangé au MacDo. Il y avait beaucoup de monde, on ne pouvait pas être très à l'aise. Ensuite il m'a emmenée quelque part. La soirée s'est terminée il y a peu, chastement, doucement, comme si j'étais allongée dans l'herbe, une nuit en été, au Portugal, dans un pays chaud, et que j'avais en face de moi un ciel décoré d'étoiles qui nous rappellent sans cesse d'où on vient, c'est-à-dire pas des syndicats mais de là-bas.

Angéline.

Ok, je vais vous le dire. Très bien. Il y a eu un baiser et même trois échangés. Très doucement, c'est un homme très doux. Je me méfie.

 

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Commentaires
C
... et c'est bien les manifs.
E
C'est beau la nuit.
J
Tu es un manifeste à toi toute seule Angeline... ;-) Je n'ai pu m'empecher de sourire en lisant tes mots car j'ai quelques souvenirs de manifs et d'organisations syndicales. Et pourtant je me dis que ce milieu est plus vivant que bien d'autres dans la limite du cadre syndical bien sur. Bon c'est de l'humour facile, je suis content de retrouver ta verve. A bientôt :-)
T
samuel a-t-il les levres douces, samuel ferme-t-il les yeux quand il t'embrasse, samuel et angeline.........
O
Je connais l'inspiration<br /> Je me nourris de ce que je vois ou de ce que j'imagine<br /> Je sais dire aussi<br /> mais je ne comprends pas ce que tu veux dire.<br /> <br /> Olivier.
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