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Les Récits de la Maison des Morts
Les Récits de la Maison des Morts
1 février 2005

Jackie's Strength

Samuel est un homme doux, il a les cheveux qui ondulent aux tempes, il a un visage carré, il a des yeux on s'y plonge comme une navette dans le cosmos, il a une carrure, il est... Comment dire ? Si j'étais Mike, je craquerais. Si j'étais Myste. Aussi. Dans le café. Il avait pris un café et moi un café-crème. J'adore la crème. Et je ne lui ai pas parlé de Katia qui n'appelle plus. Je lui ai dit que j'étais désolée de mon attitude, il m'a dit : je n'ai pas compris, c'est après, je me suis dit : elle souffre, alors, bon, c'est normal, c'est une rencontre comme ça. Mais non. Il m'a dit aussi : je pensais encore à toi. Sans préciser autre chose. Je pensais encore un peu à lui. Je l'imaginais dans les bras et contre les seins d'une autre. Je me disais : il est mieux avec une autre, pas avec une folle qui se prend pour une fille normale. C'est clair. Mais dans mon esprit, dans mon coeur, c'était comme si j'avais fait un grand tour en oublier de me guider moi-même. En me disant : je vais oublier mes sentiments, vivre en ressentant les choses c'est terrible, en ressentant de l'amour. Mais je suis tout sauf lâche. Donc j'ai accepté. Et puis son menton, ses lèvres bien dessinées, ses mots, ses phrases, la classe cet homme. Pour l'instant. La classe. J'étais comme si j'avais eu un sommeil profond duquel je ne pouvais m'échapper. Je ne pouvais pas. J'ai tantôt un sommeil léger, tantôt un sommeil lourd. Effectivement pendant six-sept mois j'ai été hôtesse de charme, ou de luxe, normalement on dit pute de luxe, callgirl. Je ne vais pas revenir sur ces quelques mois de perdition mais de salaire conséquent (ça peut aider parfois) vous devriez lire le livre de Nelly Arcan, Putain (Seuil, Point) où elle dit tout ce qu'il faut dire sur le sujet. Je ne l'ai jamais dit à personne, pas même à celui qui allait devenir mon ex-mari par la suite. Je rêve souvent que je recommence ce "métier". Ce n'est pas un métier. Ni même d'avenir. L'avenir certains croient le voir, le toucher, allez vers lui alors que non c'est lui qui vient vers nous. C'est clair. C'est une période de ma vie étrange où j'étais partagée entre la vision de moi déformée (comme j'ai dit précédemment je cherchais à salir mon corps par le sexe) et l'argent que je gagnais si facilement et des sommes qui sont tout de même assez conséquentes. J'étais heureuse dans ma grande tristesse. Je voulais garder cet argent pour moi. Je n'y ai jamais touché jusqu'à aujourd'hui. Jusqu'à aujourd'hui où je suis allée m'acheter des vêtements. Donc je passe le début d'après-midi avec Samuel, un homme, un vrai, n'est-ce pas Jean, pas un menteur. Pardonne-moi tout ça, ça me passera. Tout passe tu sais, avec le temps comme disait l'autre. C'est juste pour leur faire croire que je t'en veux encore. Mais on remangera des pennes encore ensemble. Je te promets, comme Maggie et comme Tony, en mangeant ça sera comme si on ferait l'amour. Un amour d'amis. C'est clair. Et donc on se donne rendez-vous pour samedi avec Samuel, il ne peut pas avant. Je ne peux pas avant. Je note fébrile. Dans mon agenda vide. Gribouillé de dessins de femmes nues. Mais vide de mots, vide de mots d'amour, vide de textes pornos, vide d'amour hard, vide de sexe, vide de sexe pur. Je rentre chez moi ensuite. Je ferme la porte à clé. Je vais m'allonger. Dormir une heure. Je mets le réveil. Je pose ma tête sur l'oreiller à la taie rouge, j'ai des draps rouge, rouge cerise plutôt. Je ferme les yeux et je dors avec des pilules magiques. Je rêve. Je rêve de gens, d'une fête dans une salle immense. Ils rient. Ils m'accueillent. Ils sont contents de me voir. Je suis heureuse. Je suis fatiguée parce que j'ai beaucoup couru avant d'y arriver. Je dis ça à quelqu'un que je connais. Une femme qui est Marie mais qui ne s'appelle pas pareil et qui a un autre visage. Marie a un visage ridé. Elle est au fond de la salle, je la vois marcher comme une vieille, vers deux portes métalliques bleues. Je vois des lustres brillants, des diamants accrochés : des hommes avec des queues de pie invitent les femmes, je vois que j'ai une robe noire pailletées d'étoiles. On me fait des compliments sur ma robe, un homme que je connais aussi qui dans la vie éveillée travaille avec moi. Et qui m'a proposé plusieurs fois de le sucer sans que je donne suite. Et je vois une femme qui joue du piano. A l'extérieur c'est la panique, je le sens. Quelqu'un est venu pour moi. Qui ? Mon ex-mari. Je le sais. Il est là. Il est entré, c'est une forme floue, j'ai peur. Il veut me faire du mal j'ai peur. Je voudrais m'enfuir et je trouve une cachette secrète derrière le piano. J'entends une chanson de Tori Amos que j'aime beaucoup : Jackie's Strength. Je descends dans un tunnel. Et je me retrouve dans la rue. Je sors d'un sas bizarre et je marche dans la rue vers une place qui revient souvent dans mes rêves : une place où il y a toujours des tourterelles. Des tourterelles avec des clés en or dans le bec. Elles sont là. Une femme âgée et souriante leur donne des miettes de pain. Je m'avance vers la place. Je me réveille. Le réveil hurle. Je tape dessus. Je me lève. J'attends.

Une heure et demie environ passe. Je peins dans mon atelier. J'entends qu'on sonne. Je pose mon pinceau, je bois un verre de jus de fruit et je vais voir. Je me fige d'horreur en voyant la Saab noire de mon ex-mari. Je me baisse pour ne pas qu'il me voit. Je suis obligée même de ramper sur le sol, parce qu'il regarde à la fenêtre. Je le vois, en mettant la tête doucement. Je vais derrière la table. J'attends. Je l'entends marcher dans les graviers. Je rampe jusqu'à la cuisine. Mon portable y est. Je l'entends : Angéline ? Angéline ? A sa voix, je reconnais son état : il est bourré. Il a conduit jusqu'ici pour beugler. Je me lève. Je prends mon portable pour appeler Jean. Là, j'étais bien contente de le connaître, je ne le traitais pas de connard ni de menteur. Ici de toute façon on est au-delà. Donc mon instinct me dit : appelle Jean. Mais je sais que Jean va frontalement s'en prendre à mon ex-mari. Donc j'attends : l'autre beugle toujours et je vois mes mains trembler, mon corps comme si j'avais froid, comme si sa voix c'était l'hiver, la nuit, -5. J'ai peur. Mais sans réfléchir, j'y vais. J'ouvre un peu la porte, tenue par la chaîne. Mon ex-mari s'approche. Il me dit : ouvre je veux rentrer. Avec une voix douce. Les souvenirs me reviennent. Sa voix était toujours douce lorsqu'il allait me gifler. La toute première fois, je rentrais du travail de l'époque. Je l'ai trouvé dans le lit, avec son alcool. Il m'a décalquée. Du jour au lendemain. Avec le recul il y avait des signes, il avait tenu un an sans alcool, enfin, en buvant avec modération mais...là, je lui dis : non je ne t'ouvre pas, va-t-en. D'autant plus que tu n'as pas le droit de m'approcher, tu le sais. Il pousse la porte mais la porte tient. Il me regarde avec haine ou désir, je ne sais pas encore. Je recule et j'appelle. Je lui dis : je te donne une chance, de t'en aller tout de suite, va-t-en, dégage, maintenant. Ou alors...Là, il prend ses jambes à son coup, démarre sa Saab et s'en va. Je pleure. J'ouvre la porte, il fait froid, il fait gris, et je pleure. De soulagement. J'ai l'impression d'avoir poursuivi mon rêve. Je téléphone à Jean. Il ne pourra venir me chercher mais il tient à ce que je ne passe pas la soirée seule. Il me demande si j'accepte que Marc vienne me chercher, son amant à l'époque où j'étais avec lui et aujourd'hui son petit ami officiel. J'accepte sans la moindre douleur. Je ressens la peur de l'ancien temps de mon ex-mari. L'extérieur est comme ça, toujours, il faut s'y habituer, les anges brûlent leurs ailes souvent, moi on les a arrachées. Ce n'est pas pareil, ce n'était pas volontaire je ne suis pas la seule fautive. J'en suis consciente. C'est bien. A ma grande surprise, Marc est très sympa, je suis encore bouleversée par la visite de l'ivrogne qui me frappait autrefois. Et je finirai par passer une soirée géniale avec Jean et ce Marc, sans que le passé soit remis sur la table. On a mangé des pennes à trois, Jean m'a fait des pennes. Il a souri quand je lui ai dit que je voulais encore des pennes. Emiliana Torrini chantait, Marc m'a fait découvrir, il aime Tori Amos comme tous les pédés qui ont bon goût. Il m'a dit : préviens la gendarmerie qu'il est venu devant chez toi. J'ai dit : non, ce n'est pas la peine. J'ai parlé vaguement de Samuel. Jean se frottait l'oreille. Il se frotte toujours l'oreille lorsqu'il ne veut pas entendre quelque chose qu'il est obligé d'entendre. Marc est beau et très sympathique. Comme ça il serait même mieux que Jean. Il arrive très vite à se lier avec les femmes, il connaît leurs mondes, il fonctionne lui-même comme une femme. Ensuite, je suis rentrée. J'ai appelée Marie. Qui est venue. Elle est là, derrière moi, elle regarde Y'a pas que la vérité qui compte, je vais regarder avec elle : moi je n'aime pas mais elle, elle aime. Elle refusait que je passe la nuit seule, et moi je ne voulais pas aller chez elle avec son mec, Daniel. Je lui ai demandé : ça ne le gêne pas de passer la nuit seul ? Elle m'a dit : tu sais il ira sur le net, discuter avec d'autres femmes, il ne sera pas seul. Je lui ai dit : quel connard, je suis désolée. Elle m'a répondu : non, je vais te dire, il m'a dit qu'il ne me tromperait jamais mais il aime voir s'il a du charme avec les autres. Encore. Il veut être le centre du monde. Et pourquoi tu n'aimes pas cette émission ? Je lui ai dit : ça ne me gêne pas qu'elle existe mais je trouve ça...indécent. Elle m'a dit alors : C'est clair mais moi, j'aime ça !

Angéline

 

 

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Commentaires
M
Emiliana Torrini ... est-ce que c'est celle qui chantait "Gollum's song", la chanson du générique des "2 tours" ??<br /> je ne sais pas si c'est le clip ou sa voix, ou une combinaison des 2 mais j'ai fondu en larmes la 1e fois que je l'ai vu ...
A
Merci. Je l'ignorais. Ah ah.
O
Angéline...<br /> Il existe autre chose que tori...<br /> Bises<br /> <br /> Olivier
S
Je n'aime pas les pennes. Je trouve ça lourd, ça fait mal au coeur. je préfère les spaghettis ou mieux, les spaghettonis, pour les sauces épaisses. C'est à la fois épais et léger...
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